Décryptage : à l’assaut de la masse silencieuse

Il ne reste que dix jours, ni plus ni moins, pour que les principaux partis politiques puissent convaincre les électeurs, surtout la masse silencieuse et les indécis, qui assistent – tantôt avec amusement, tantôt avec indignation – au déroulement de la campagne électorale. Surtout le spectacle dramaturgique auquel se livrent l’Alliance Morisien (MSM-ML) et l’Alliance Nationale (PTr -PMSD).

Dix jours suffisent à certains, mais pas à d’autres pour convaincre cet électorat qui se fait de plus en plus discret. Tellement discret que les partis politiques organisent un nombre relativement faible de congrès et de meetings, auxquels assistent les mêmes « die-hard ». Le plus important pendant ces dix derniers jours, c’est le mode de communication pour atteindre cette masse silencieuse et la convaincre après que les priorités post-électorales ont été publiées et qu’un chapelet de promesses a été égrené. Le poids électoral de la masse silencieuse est tellement lourd qu’il fait facilement basculer le résultat. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger en savent quelque chose. C’est cette masse silencieuse qui avait, en 2014, fait couler leur « alliance 60-0 » comme le Titanic.

Qu’on le veuille ou non, la campagne électorale a atteint son point d’orgue. Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam craignent que la masse silencieuse ne vote pas aveuglement pour une alliance ou un parti. Le spectre des votes dispersés, considérés comme intelligents par un nombre croissant d’électeurs, leur donne du vertige. Ils appréhendent que la circonscription no 3 (Port-Louis Maritime/Port-Louis Est) fasse école avec sa nouvelle tendance de vote 1-1-1, soit une croix pour chaque parti. Cela après une longue tradition de « vote bloc ». Les électeurs ne placent plus tous les œufs dans un même panier. Au bout du compte, aucun parti ne serait assuré d’une majorité pour gouverner seul. Les cartes pourraient être redistribuées après la proclamation des résultats en vue d’une alliance post-électorale avec le prétendu Joker mauve. Lors d’un congrès à Vacoas, cette semaine, sir Anerood Jugnauth a fait un appel à l’assistance de « vot blok pou gagn enn gouvernman stab ».

Les votes dispersés de la masse silencieuse paraissent salutaires, tant qu’ils ne sont pas motivés par des considérations occultes ou rétrogrades, voire pris sur un fond communal. Tant qu’ils sont basés sur la compétence des candidats, cela nous permettra d’avoir un Parlement rehaussé, avec des débats d’idées de haute facture. C’est également un gage de pluralité dans notre Auguste Assemblée, avec un gouvernement confortable et une opposition musclée. Avant tout, les leaders politiques vont devoir trier sur le volet les candidats qu’ils comptent aligner. Elle est révolue l’époque où n’importe qui, « mem pie banann » est accepté comme candidat par l’électorat.

Comment se lancer à l’assaut de la masse silencieuse ? Chaque parti a sa propre stratégie, dépendant du profil de son électorat. Le MMM compte profiter de la « guerre sale » entre le PTr et le MSM pour galvaniser ses troupes et pour se présenter comme le parti le plus crédible auprès de la masse silencieuse. Son leader, Paul Bérenger, dit constater un ras-le-bol de l’électorat face à la « campagne virulente entre le PTr et le MSM ». 

En sus de ventiler le bilan de son gouvernement et les projets d’avenir, l’Alliance Morisien (MSM-ML) donne l’impression de vouloir mitrailler sans relâche le leader de l’Alliance Nationale (PTr-PMSD) à travers des dénonciations. Vendredi, il a levé un coin de voile sur les dollars plastifiés retrouvés dans les coffres-forts de Navin Ramgoolam en 2015, en révélant qu’ils proviennent d’une banque en Allemagne. Il a promis d’autres révélations avant le jour du scrutin. L’Alliance Morisien mise également sur le clip Navingate 3, attendu sur la Toile, pour atomiser le leader de l’Alliance Nationale. Vendredi, lors d’un congrès à Vacoas, le ministre mentor sortant, sir Anerood Jugnauth, a aiguisé l’appétit des électeurs en prévenant : « Ena enn trwaziem mo tann dir pou sorti. Li pou enn video X. Mwins ki 18 an pa pou gagn drwa get sa ! »

Du côté de l’Alliance Nationale, on mise principalement sur deux tableaux : les dénonciations contre le gouvernement et les promesses électorales. D’une part, cette alliance joue à l’opportuniste en surfant sur les clips contre le gouvernement produits par une radio privée. D’autre part, elle compte amadouer la masse silencieuse avec sa pléthore de promesses, pour améliorer le pouvoir d’achat de la population. Samedi, lors de la présentation des 21 mesures, Navin Ramgoolam a déclaré que d’autres mesures de rupture seraient annoncées la semaine prochaine.

De l’Alliance Morisien, l’Alliance Nationale et du MMM, qui pourra convaincre la masse silencieuse ? Réponse dans l’après-midi du vendredi 8 novembre.