Législatives 2019

Décryptage : le vote sur enjeux de l’électorat volatil

941 719 électeurs sont appelés aux urnes ce jeudi 7 novembre pour porter son choix sur l’alliance ou le parti qu’ils souhaitent gouverner le pays pendant les cinq prochaines années. Avec trois croix, ils vont reconfigurer l’avenir du pays tout en décidant du sort des partis politiques et des politiciens. « Destin nou pei dan ou lame », a dit, mercredi soir, le Premier ministre sortant, Pravind Jugnauth. Il intervenait lors du clap de fin de l’émission politique de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC). 

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Très peu d’électeurs réalisent l’importance capitale de ce devoir civique et de cette représentation démocratique. Par paresse ou par manque d’intérêt, un Mauricien sur quatre ne s’est pas rendu aux urnes en 2014. 

Depuis 2005, le taux d’abstention maintient une tendance à la baisse. Plusieurs observateurs prévoient que cette tendance sera inversée. Motif : une lutte à trois. Les principaux partis ne lésineront pas sur les moyens pour qu’un maximum d’électeurs se rendent aux urnes.

Dans plusieurs pays, les gens bravent la répression et paient de leur vie pour le droit de vote. Ils meurent pour faire naître la démocratie. 

Les élections représentent un exercice de routine pour les inconditionnels qui ne changent pas d’allégeance politique, peu importe la situation. Ce sont eux qui n’hésiteront pas à voter « trwa pye banann » par loyauté non pas envers le parti mais envers le leader. 

C’est en raison de cette « identification partisane » que les leaders sont indéboulonnables. Comme dirait l’Anglais, ces électeurs « cast a blind eye » sur les discours des adversaires. Ils ne sont même pas intéressés à prendre connaissance du manifeste électoral de leur propre parti. Force est de constater que le nombre d’inconditionnels est en chute libre et que la masse silencieuse est composée principalement d’un « électorat volatil » qui ne jure allégeance à aucun parti politique et qui ne privilégie que « le vote sur enjeux. » Ce qui explique ce mouvement de pendule de cet électorat entre le PTr et le MSM. Dans leur cas, cet exercice démocratique n’est pas aisé car la décision n’est pas prise au pied levé, mais après contacts et discussions. Ce comportement électoral rejoint une réflexion de Nonna Mayer dans son livre « Sociologie des comportements politiques » : « L’électeur est un animal social dont l’opinion se forme au contact de ses semblables, dans les conversations et les contacts au sein des divers groupes où il est inséré. »
Pour les présentes élections, « le vote sur enjeux » peut être décliné comme suit à partir de l’émission politique de la MBC de mercredi soir. 

Le leader de l’Alliance Morisien, Pravind Jugnauth demande à voter « pour un Premier ministre sérieux qui tient parole, qui a apporté des développements, qui a amélioré la condition de vie de la population et qui a une vision pour le pays. » Pour son principal challenger, Navin Ramgoolam, leader de l’Alliance Nationale, l’enjeu majeur de ces élections n’est pas seulement de choisir qui gouvernera le pays, mais également comment « le pays sera gouverné dans la transparence et l’intégrité. » Il demande une « majorité claire pour changer le pays afin qu’il soit juste, équitable, libre et stable. » 

De son côté, Paul Bérenger, le leader du MMM, soutient que l’enjeu principal, c’est de « voter pour un gouvernement propre, démocratique et juste. » Bref, le choix, précise-t-il, c’est « entre deux alliances ‘galimatia’ et le MMM. » Le vote sur enjeux de cet électorat volatil peut ressembler à un labyrinthe dans la mesure où les présentes élections sont à multiples enjeux. 

Le vote sur enjeux a toutes les chances de jouer en faveur du « vot koupe/transe. » Ce ne sera pas inquiétant tant qu’il n’est pas motivé par des calculs à caractère communal. Malheureusement, cette campagne presque bon enfant se termine avec quelques enjeux religieux. La religion a toujours eu une place particulière dans le choix de certains électeurs. Et elle pourrait l’être davantage dans l’isoloir ce jeudi 7 novembre compte tenu de cette lutte à trois. Ce n’est pas un mal électoral qui n’existe qu’à Maurice, mais dans bien d’autres démocraties également. 

Dans le rapport d’une étude « Electoral Behaviour : a Comparative Handbook », Richard Rose souligne l’influence décisive qu’exerce la religion sur les choix électoraux, supérieure à celle de la classe sociale dans la majorité des démocraties étudiées.

Que les électeurs fassent leur choix avec discernement car ils vont devoir supporter les hommes au pouvoir durant tout un mandat. Après tout, une nation a le gouvernement qu’elle mérite. 

 

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