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Demande de transfert  refusée à une ado : une décision du ministère de l’Éducation jugée «illégale»

La Cour suprême soutient qu’il y a eu violation de la Children’s Act 2020.

La Cour suprême a rendu un jugement critiquant le manque de considération pour les intérêts de l’enfant dans le cas de la demande de transfert d’une adolescente vers un collège d’État. Elle a sommé le ministère de l’Éducation de revoir sa décision en vertu de la Children’s Act.

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«Un manque de considération pour les intérêts d’un enfant ». Ce qui ressort du jugement rendu, le jeudi 4 avril 2024, par les juges Aruna Devi Narain et Prameeta Devi Rasheela Goordyal-Chittoo concernant la contestation de deux habitants d’Ébène au sujet de la demande de transfert de leur fille dans un collège d’État.

C’est dans un cas atypique que la Cour suprême a tranché, jeudi. Sarah (prénom modifié), 13 ans, voulait poursuivre ses études en Grade 9 au collège Ébène SSS. Mais le ministère lui a alloué un siège en Grade 8. Une décision que contestent les parents de Sarah à travers une révision judiciaire en Cour suprême.

Dans leur arrêt, les juges Narain et Goordyal-Chittoo ont été très critiques et ont ordonné au ministère de l’Éducation de reconsidérer sa décision en vertu de la Children’s Act. 

Les juges ont noté que le ministère (le défendeur) a omis de mentionner dans son affidavit qu’il « has conducted an assessment and determination of where the best interests of S.. lie or taken them as a primary consideration (let alone, as paramount), bearing in mind, among other matters, her academic history, the reason for which the transfer is being sought, her physical and mental health and well-being, or even her own wishes, over and above those of her parents ».

Pour elles, le ministère n’a fait que se fier lourdement à la décision du National Equivalence Committee (NEC). Ce comité, selon les juges Narain et Goordyal-Chittoo, « not created by law » et qui semble fonctionner de manière administrative. 

Les deux juges sont d’avis que les décisions prises par le NEC et le ministère sont « illégales » dans la mesure où le ministère a failli à établir et à considérer en primeur les intérêts de Sarah en procédant à la demande de transfert de l’adolescente et en parvenant à ces décisions.

Elles font ressortir que « in the discharge of our duty under section 4 of the Act, assessed the evidence before us to determine where Sarah’s best interests lie, we are of the view that her best interests do not lie in her being transferred to Grade 9 in Ébène SSS at this point in time ».

Les juges font le constat qu’aucun rapport médical et psychologique de Sarah n’a été mis devant elles pour établir l’état de santé de l’adolescente.

L’Ombudsperson for Children pas épargnée

La position de l’Ombudsperson for Children a été aussi décriée par les juges Narain et Goordyal-Chittoo. « It is reasonably clear to us that, if the co-respondent (Ombudsperson for Children), or her Office, had taken a more proactive stand at that time, this sensitive and urgent matter may not have had to be resolved in Court ».  

Les juges notent avec considération que le ministère n’a pas respecté la requête de l’Ombudsperson for Children de revoir leur position et de soumettre un rapport.

« It appears nevertheless that Sarah’s admission to Collège Sainte Marie without her holding the PSAC was in clear breach of regulation 7A(1) of the Private Secondary Schools Regulations 1977. To the extent that Sarah’s expedited ‘parcours’ may inspire other parents to cause their wards to ‘skip’ an academic year by having them admitted to a private fee-paying secondary school in Grade 7 without passing the PSAC at the end of Grade 6 and later having them transferred to a State Secondary School in a higher grade than students of their cohort, », précisent les juges dans leur arrêt. Ainsi, elles disent n’avoir aucune autre alternative que d’ordonner à ce que la Private Secondary Education Authority (PSEA) fasse une enquête sur cette procédure et de renvoyer le cas au ministère pour reconsidérer sa décision.

La position de l’Ombudsperson for Children 

L’Ombudsperson for Children est citée en tant que codéfenderesse dans cette affaire. Deux affidavits ont été déposés par l’Ombudsperson for Children. Celle-ci avait renvoyé le dossier au ministère de l’Éducation pour un réexamen et pour qu’un rapport soit soumis. Le 19 février 2024, le ministère l’a informée que les parents ont eu recours à la Cour suprême. De ce fait, l’Ombudsperson for Children dit ne pas être en mesure d’enquêter car l’affaire est devant la justice.

Le parcours académique de Sarah

  • 2016 à 2022 : Sarah a fait ses études primaires à la Jules Koenig Government School à Beau-Bassin.
  • 12 février 2022 : les parents de l’adolescente décident que leur fille poursuivra ses études au collège Sainte-Marie, à Palma, Quatre-Bornes. Elle est admise en Grade 7 après l’examen d’entrée. Cela fait suite à une décision du ministère de l’Éducation en janvier 2022 de prolonger l’année scolaire débutant en juin 2021 jusqu’à novembre 2022
  • En 2022 :  Sarah complète le Grade 7 et obtient son Primary School Achievement Certificate (PSAC) comme candidate privée
  • 12 décembre 2022 : Les parents de Sarah font une demande de transfert pour leur fille en Grade 8 à la State Secondary School d’Ebène. Mais, on lui propose une place en Grade 7. Ce que les parents déclineront.
  • Octobre 2023 : Sarah complète son Grade 8 au collège Sainte-Marie.
  • 10 novembre 2023 : Elle réussit brillamment ses études et est promue en Grade 9 au même collège. 
  • 14 novembre 2023 : Les parents remplissent un formulaire d’admission émis par le ministère afin que leur fille soit transférée en Grade 9 à la SSS d’Ébène. 
  • 13 décembre 2023 : Le père de Sarah reçoit une lettre du ministère précisant que le National Equivalence Committee (NEC) a décidé que Sarah sera admise en Grade 8 en janvier 2024 à la SSS d’Ébène. Une décision connue comme une ‘Grading Decision’.
  • 22 décembre 2023 : Cet habitant d’Ébène adresse une lettre au NEC pour contester sa décision. Il lui demande de reconsidérer le cas car sa fille va «  » et « sera obligée de refaire le Grade 8 ». Alors qu’il n’y a aucune raison impérieuse pour qu’il en soit ainsi. Il met aussi en avant que la décision de NEC était une violation flagrante de la Children’s Act 2020. Selon le père, la décision est « déraisonnable, injustifiée et sans fondement et ne favorisait pas l’intérêt de sa fille ». Une lettre sera expédiée à l’Ombudsperson for Children, sollicitant une « enquête urgente » vue que l’école repend le 11 janvier 2024.
  • 28 décembre 2023 : Le ministère de l’Éducation informe le père de Sarah qu’une place lui est offerte en Grade 8.
  • 8 janvier 2024. Les parents déposent une joute juridique en Cour suprême pour réclamer une autorisation de recourir à une révision judiciaire et contester la décision de NEC et du ministère de l’Education.
  • 9 février 2024 : La Cour suprême autorise le recours à la révision judiciaire.

L’Éducation se défend  

Le ministère de l’Éducation s’est opposé à cette demande de révision judiciaire et a réclamé qu’elle soit rejetée. Il maintient que ces décisions ne sont pas déraisonnables, irrationnelles ou inexpliquées. Le ministère a indiqué avoir agi conformément aux dispositions de la loi et qu’il n’y a eu aucune violation des droits de Sarah. 

  • Les étudiants fréquentant un établissement privé qui souhaitent rejoindre un collège d’État doivent s’adresser au NEC.
  • Les fonctions du NEC comprennent l’équivalence des qualifications aux fins d’admission dans les écoles primaires et secondaires à Maurice.
  • La demande du 14 novembre 2023 a été dûment examinée par le NEC. 
  • Le 13 décembre 2023, le père de Sarah est informé de la décision du NEC que celle-ci pourrait être admise en Grade 8 en janvier 2024. 
  • Selon le règlement 7A (1) des Private Secondary Education Regulations 1977, l’admission dans une école secondaire nécessite la possession du PSAC ou autre certificat approuvé par le ministère de tutelle. 
  • L’admission en Grade 7 dans une école régionale est déterminée sur la base de plusieurs facteurs, incluant la note de l’élève au PSAC, en vertu du règlement 10(5)(b) des Education Regulations 1957.
  • Sarah n’a pas complété le Grade 6 et aurait commis une violation du règlement 14(1) des Education Regulations 1957.
  • L’adolescente est entrée en Grade 7 au collège Sainte-Marie sans détenir un PSAC ou autre certificat approuvé par le ministère.
  • Les parents de Sarah sont informés que leur fille a été admise en Grade 7 en 2023 dans une école secondaire régionale suite aux examens de PSAC 2021/2022. 
  • Sarah avait obtenu un siège au collège Ébène SSS en janvier 2024 basé sur ses résultats au PSAC de 2022 et sur son âge
  • L’attribution de siège à Sarah dans un collège d’État en 2023 et 2024 est en vertu du règlement 10(5) des Education Regulations 1957 
  • Sarah n’était pas éligible pour être admise en Grade 8 dans un collège d’État en 2023 ou en Grade 9 en 2024 
  • La politique du ministère est que les élèves nés en 2010 soient admis en Grade 7 en 2023 et devraient être en Grade 8 en 2024 
  • Ceux qui ont pris part aux examens du PSAC en 2022 ont été admis en Grade 7 en janvier 2023 et en Grade 8 en 2024 
  • Au 21 février 2024, il y avait des places disponibles en Grade 8, mais aucune disponible en Grade 9 à la SSS d’Ébène.
  • La décision de prolonger le calendrier scolaire en 2022 était une décision nationale et prise dans l’intérêt de tous les élèves.
  • Sarah a été admise en Grade 7 au collège Sainte-Marie sans détenir un PSAC.
  • Le ministère ne reconnaît pas les examens d’entrée administrés par une école privée ainsi qu’un achèvement des autres grades « at lower level » sans un PSAC. 
  • Environ 16 parents ont fait une demande au ministère pour que leurs enfants soient considérés comme candidats pour le PSAC Assessment. Le ministère n’a pas accédé à leurs requêtes et les candidats ont dû se présenter comme candidats privés. 
  • Les critères d’admission en Grade 7 au collège Sainte-Marie ne correspondent pas aux Education Regulations.
  • Sarah n’est pas amenée à redoubler le Grade 8 mais s’est vu offrir une place en Grade 8 basé sur ses résultats du PSAC et sur son âge. 
  • Sarah ne peut bénéficier d’un traitement exceptionnel par rapport aux enfants qui ont rejoint le Grade 1 de la même cohorte qu’elle. 

Les points saillants mis en avant par les parents

  • Pour les parents, la décision de la NEC (Grading Decision) et celle du ministère de l’Éducation (Admission Decision) sont illégales et sont en violation de l’article 4 de la Children’s Act 2020. Cela dans la mesure où ils n’ont pas pris compte l’intérêt de Sarah. 
  • Ils se demandent si le NEC et le ministère ont considéré tous les résultats scolaires de leur fille ainsi que son programme d’études au collège Sainte-Marie. 
  • Pour eux, leur fille devrait être admise en Grade 9 et non pas redoubler le Grade 8. 
  • Pour les parents, la décision du NEC et celle du ministère sont déraisonnables, arbitraires et irrationnelles, dans le sens, qu’ils sont incompatibles avec la propre politique du ministère de l’Éducation, du National Curriculum Framework et de l’UNESCO Sustainable Development Goal-4. 
  • Ils évoquent que ces deux décisions constituent une discrimination et une victimisation.
  • Les parents évoquent que le NEC et le ministère sont irréguliers sur le plan procédural, dans la mesure où ils enfreignent la Children’s Act 2020.
  • Pour eux, le processus de prise de décision est « entouré d’opacité » 
  • Pour les parents, la décision du NEC et celle du ministère ne peuvent être conciliées avec l’objectif du ministère, tel qu’énoncé dans son rapport annuel pour l’année 2020-2021, de minimiser la perte d’apprentissage.

Proposition de renforcement du Public Accounts Committee

L’Audit dénonce l’absence d’un contrôle de subventions aux corps paraétatiques

Rs 28,2 milliards. C’est la somme accordée sous forme de subventions aux organismes parapublics, aux Administrations régionales et à l’Assemblée régionale de Rodrigues pour l’année financière 2022/23. Aussi délusoire que cela peut paraître, les bénéficiaires de ces fonds publics n’ont pas besoin de présenter leur rapport annuel, leur état financier audité et les rapports de vérification à l’Assemblée nationale. Le seul moyen de contrôle est un ‘grant memorandum’ signé entre les ministères et ces entités.

Cette anomalie est mise en exergue par le Directeur de l’Audit, Dharamraj Paligadu, dans son rapport soumis mardi dernier. Il est d’avis qu’il « convient d’envisager que les comptes audités de ces entités soient soumis à l’examen par le Public Accounts Committee (PAC) de l’Assemblée nationale ».

Le Directeur de l’Audit prend pour exemple, parmi d’autres, les Rs 107 millions versées par le ministère des Sports à la Mauritius Multisports Infrastructure Ltd au cours de l’exercice financier 2022-23. Cet argent, provenant pourtant des deniers publics, échappe au contrôle des auditeurs. Et pour cause, « le cadre juridique actuel ne prend pas en compte les entreprises contrôlées par le gouvernement et les entreprises d’État ».

La bonne gouvernance veut cependant que, souligne Dharamraj Paligadu, « le ministère fournissant l’assistance financière doit être tenu responsable car les fonds relèvent de sa dotation budgétaire, et doit veiller à ce que le gouvernement obtienne une valeur ajoutée pour la subvention financière accordée ».

Il estime qu’il est nécessaire de « mettre en place un mécanisme efficace permettant d’exercer un contrôle approprié sur les subventions accordées à ces entités afin de garantir que les objectifs prévus pour lesquels les fonds publics ont été fournis sont effectivement atteints ».

Quand des milliards de roupies échappent à tout contrôle

Autre remarque faite par le Directeur de l’Audit: des milliards de roupies échappent à toute vérification chaque année. Précisant que son mandat est de veiller à ce que tous les fonds alloués ou autrement distribués soient utilisés aux fins pour lesquelles l’Assemblée nationale avait l’intention de les fournir et que les dépenses soient conformes à l’autorité qui les régit, « dans de nombreux cas, je n’ai pas été en mesure d’accomplir les devoirs ci-dessus concernant les fonds publics distribués à des entités privées ou à des Special Purpose Vehicles qui ne sont pas audités par le National Audit Office ».

C’est ainsi, par exemple, concernant Rs 5 milliards déboursées par la Private Secondary Education Authority pour l’année financière 2022/23 aux collèges privés, il « n’a pas pu confirmer si ces fonds publics ont été utilisés pour le but spécifique prévu par l’Assemblée nationale et utilisés de manière économique, efficace et efficiente ».

Le Directeur de l’Audit plaide donc pour que la loi soit amendée pour lui permettre de procéder à des vérifications pour savoir si l’argent public a été dépensé à bon escient. En sus, estime Dharamraj Paligadu, « il convient d’envisager que le PAC tienne ces entités responsables de l’utilisation des fonds publics qui leur ont été accordés ».

 

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