Démunis : Noël chez les pauvres

Charlotte Sohun Charlotte Sohun et ses sept enfants mènent une vie difficile dans une maison où tout s’entasse.

La misère serait-elle moins pénible au soleil ? Si Charles Aznavour posait ses valises chez nous il verrait que ses paroles ne sont pas toujours vraies. Chez certaines familles, Noël est un jour aussi difficile que les autres.

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Ils sont nombreux ceux qui ne connaissent pas la magie de Noël. Certains parce qu’ils sont orphelins, d’autres pour des raisons financières. C’est le cas pour la famille de Charlotte Sohun, la quarantaine à peine, qui vit seule avec ses sept enfants. Son mari l’a quittée pour faire le nikkah avec une autre et ne donne pas un sou à sa progéniture.

Ainsi, cette mère de famille se retrouve avec une ribambelle de bambins à nourrir et à blanchir avec la maigre pension mensuelle de Rs 7 000 qu’elle perçoit de l’État pour ses enfants. « La vie est difficile, nous sommes plus que pauvres et souvent nous n’avons rien à manger, même pas un peu de thé. Des fois, il y a des voisins qui aident ou le boutiquier du coin qui me donne à crédit, mais je ne peux en abuser, car la note est salée à la fin du mois », dit Charlotte Sohun.

Ainsi, pour Noël, rien de spécial n’est prévu. Le 13e mois obtenu n’y fera rien : « J’ai eu le 13e mois, mais je l’ai consacré à l’achat de chaussures, de sous-vêtements et de bricoles qui leur serviront, puis j’ai fait réparer mon vieux frigo obtenu en cadeau et la machine à laver qui est restée en panne durant des mois, faute d’argent ».

Pas de cadeaux

Donc, avec un budget aussi serré, pas question de cadeaux de Noël. Et les sept enfants comprennent cela : « La dernière fois que les enfants ont fêté Noël, c’était il y a quatre ans, j’avais acheté des jouets bon marché pour leur faire plaisir, mais depuis, ce jour est comme un autre pour nous ».

Ainsi, Anas, 13 ans; Anna, 12 ans; Adila, 11 ans; Inshaa, 9 ans; Ilhaan, 8 ans; Asliya, 6 ans et le petit dernier, Yaassar, 5 ans, verront ce jour spécial se dérouler comme un autre. Pas de menu spécial, non plus... «Je viens de faire quelques commissions, nous allons manger comme à l’accoutumée, du riz, des grains et peut-être une boîte de sardines en chutni», dit Charlotte.

Ne recherchent-ils pas un tout petit cadeau, surtout les tout petits ? «Mes enfants sont sages et me comprennent, ils sont conscients que je n’ai pas les moyens de leur offrir des cadeaux, car la priorité demeure les affaires de la rentrée des classes. Heureusement qu’on reçoit l’aide sociale avec des uniformes en cadeau».

Adila, qui vient de fêter son anniversaire a réussi son Psac avec 9 unités et ira au Muslim College, est toute contente d’aller au collège en janvier : « Pour moi, je n’ai pas besoin de cadeaux, car je sais que ma maman n’a pas les moyens financiers et notre papa ne nous donne rien. Pourvu qu’on reste en bonne santé et que l’entente qui existe entre nous continue ».

La mère explique que jamais elle n’a pu emmener ses enfants se promener ou faire du shopping : « Je préfère ne pas les emmener, car les tout petits vont voir les cadeaux et vont en vouloir, cela me briserait davantage le cœur de devoir leur refuser».

Je préfère ne pas les emmener faire du shopping car ça me briserait le coeur de leur refuser un cadeau»

Dans la maison, il n’y a aucun signe de Noël. Le deux-pièces est fait de deux grands lits avec des matelas superposés, une vieille armoire sans portes, mais tout est propre et bien entretenu. «  Cette maison appartient à ma soeur qui me la prête, je ne dois que payer les factures d’eau et d’électricité et le reste sert à nous acheter de la nourriture. Mais les enfants ne mangent pas à leur faim, c’est cela qui me chagrine», regrette-t-elle.

Tout a pris feu

Cette famille habite Camp-Diable. Soondree a 50 ans, son mari Manoj, 47 ans. Elle fait de petits boulots de femme de ménage, « kan ganye» et lui est aide-maçon quand il n’est pas souffrant. Le couple a quatre enfants : Anoushka, 14 ans qui fréquente l’IVTB de Benares; Vanya, 13 ans, en Form III à la SSS de Souillac; Vine, 11 ans, au prévoc de Chemin Grenier et Mevin, 10 ans, en Standard V, ne verront pas Noël. Pour la famille c’est «travay gramatin, manze tanto». De plus, leur maison a pris feu en mars dernier et ils ont tout perdu. Depuis, la petite famille a tout reconstruit comme elle pouvait, juste pour avoir un toit sur la tête.

Pour Soondree, s’acheter des provisions spéciales pour Noël coûterait trop cher. Elle préfère garder le peu d’argent qu’elle a pour finir le mois. Donc, pas de vêtements neufs, pas de cadeaux, pas de menus spéciaux. Bref, pas de Noël.


Les mains tendues

Journée récréative au parc de Casela.

Quelques entreprises consacrent une partie de leur budget à aider les pauvres, sans compter les ONG, en cette période festive de Noël.

Il en est ainsi pour Terre de Paix, mais pas spécialement pour la Noël, précise Patricia Yu, responsable de cette ONG : « Pour les fètes de fin d’année, nous organisons des activités avec nos enfants qui sont dans notre programme d’accompagnement scolaire. On invite ces enfants et leurs parents, et aussi ceux des crèches, du Centre d’Éveil, de l’Atelier du Savoir ».

Cette aide concerne 450 enfants « et nous allons vers des régions copmme Grand-Baie, Flacq, Camp-Levieux, Résidence Barkly, La Valette ». « Nos projets sont continus, pas juste pour Noël. Nous offrons des petits-déjeuners et des déjeuners dans nos écoles afin de nous assurer que ces gosses soient bien nourris. Noël c’est tous les jours pour Terre de Paix. »

Winner’s avait mis des caddies devant chacun de ses magasins afin de récolter des vivres non-périssables pour les distribuer aux pauvres dans des régions prédéterminées.

L’Union européenne (UE) a offert une journée récréative aux élèves des écoles dans les Zones d’éducation prioritaire (ZEP). 263 enfants de six écoles de la Zone 4 étaient réunis le mercredi 13 décembre au parc de Casela. La journée a commencé par une cérémonie protocolaire en présence de Leela Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Éducation, de Marjaana Sall, ambassadeur de l’Union européenne, et de Paul Williams, directeur de Casela.

« Au niveau de l’UE, l’éducation est une priorité à l’intérieur de l’Europe mais aussi dans notre action avec nos pays partenaires, comme Maurice. À Maurice, nous avons développé au cours de ces dix dernières années un partenariat solide avec le gouvernement dans le domaine de l’éducation. Ce partenariat a notamment permis de réduire de manière importante l’absentéisme dans les écoles ZEP », a déclaré Marjaana Sall.

Elle a également fait ressortir que « les enfants ont droit à l’opportunité de se développer sainement à travers des loisirs, le sport et la culture ». « Vous avez le droit de participer à la vie de vos communautés à travers différentes activités et de trouver votre place dans la société. Je sais que chacun d’entre vous a un rôle positif à jouer dans votre communauté, mais aussi dans votre pays », a-t-elle ajouté.

Les enfants viennent de six écoles ZEP, notamment Cascavelle GS, Rivière Noire GS, Bambous GS, Petite Rivière GS, Richelieu GS et Candos GS. Les enfants ont eu droit à une présentation de la Finlande, pays natal de Marjaana Sall, et de ses traditions de Noël. Ils ont ensuite pu faire la visite du parc et de ses animaux en compagnie des guides qui leur ont donné des explications sur les plantes et les animaux endémiques. Le reste de la journée a été marqué par déjeuner, une rencontre avec le Père Noël et une remise de cadeaux.


Grands et bons parents

La vie n’est pas toujours tendre envers certains petits banlieusards.

Combien d’enfants se réveilleront-ils en ce matin de Noël, sachant pertinemment qu’il n’y aura rien pour eux sous le sapin ? Cette question, nous ne sommes pas nombreux à nous la poser. Ne nous voilons pas la face, nous ne pensons, pour la plupart, qu’à ce que nous allons bien pouvoir offrir à nos proches ou à ce qu’il y aura pour nous sous ce fameux sapin, au réveil.

Dans de nombreuses maisonnées, les cris de joie des enfants ne résonneront pas comme à l’accoutumée. La table non plus ne sera pas garnie à midi. Ce sera pour de nombreux compatriotes un jour comme les autres, un autre combat contre la pauvreté dans lequel ils sont enlisés depuis des lustres.

Dans l’une de ces familles, on ne crie pas sur tous les toits sa profonde misère et son malheur. Les rares personnes avec lesquelles Clarence (prénom modifié) veut bien partager sa souffrance quotidienne lui prêtent souvent une oreille attentive. « Quand on aide des gens pauvres, ce n’est pas pour épater les autres. On le fait parce qu’ils le méritent. On voit que cette grand-mère (voir plus loin) fait de son mieux pour faire bouillir la marmite, régler le loyer et les factures. On ne peut rester insensible à cette détresse. Et on le fait leker kontan, rien que pour voir un petit sourire sur leur visage », dit l’un de ces bons samaritains.

Habitués à la misère

Clarence élève son petit-fils, Eymeric (prénom modifié). Le gamin est au secondaire dans un collège de la capitale. Pour ce petit banlieusard, la vie n’a pas toujours été tendre. Bien au contraire. Il vit avec ses grands-parents dans un deux-pièces loué à un prix déjà trop élevé pour les maigres (pour ne pas dire dérisoires) salaires que rapportent la grand-mère. Celle-ci « travay kot madam » et le grand-père essaie, lui, de trouver « enn bout bat bate ». 

Et pour Eymeric, Noël n’aura rien d’extraordinaire cette année. Comme cela a été le cas l’année dernière ou l’année d’avant. Et comme cela l’a été pendant toute la dizaine d’autres Noël qui se sont succédés dans sa vie. « Faut-il déjà que nous ayons un sapin de Noël pour qu’il y ait quelque chose en-dessous », dit-il, d’une voix qui ne trahit aucune émotion.

Que dire à cet enfant qui sait déjà qu’il ne recevra pas les cadeaux qu’il aurait pu demander. D’ailleurs, ce fan de foot ne demandera rien. « Je sais que notre situation ne permet pas ce genre de dépenses », dit-il. C’est triste, mais ce n’est ni sa faute ni celle de ses grands-parents. « Si ma famille pouvait, j’aurais demandé enn ti kado. Mais je sais qu’elle ne pourra pas », dit Eymeric, qui reste avant tout un enfant qui ignore les joies de Noël.

« Nou fini abitie ar sa lavi la. Nou mizerr ek nou pe debatt. Fett ale, fett vini, pou nou se mem zaferr. Bizin konbatt tan ki ena lafors. Ena sa tibolom la pou avoy lekol. Se enn proirite. Li tris ki pa kapav aste nanier pou Eymeric, me li kone dan ki mizerr nou ete  », dit Clarence, résignée.

 

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