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Documentaire : ‘Lame dan lame’, où Beachcomber incarne l’hôtellerie mauricienne

Documentaire Those were the days.

‘Lame dan Lame’, le documentaire sur le Groupe Beachcomber, lancé le vendredi 23 mars à Bagatelle, s’est aussi présenté comme un regard sur l’histoire économique contemporaine de Maurice. En prenant appui sur le rôle-moteur de l’industrie du tourisme, devenue la véritable vitrine du pays. Un documentaire qui fera sans doute date mais qui pêche aussi par un grand absent : Herbert Couacaud, véritable cheville ouvrière de Beachcomber.

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Deux personnalités émergent lorsqu’il s’agit de s’appesantir sur l’essor de l’industrie du tourisme mauricienne. Celle de sir Gaëtan Duval, pour l’ensemble de son engagement promotionnel, et sir Anerood Jugnauth qui a davantage œuvré pour le Groupe Beachcomber. Deux éléments qui sont mentionnés dans le documentaire dont la paternité revient à Malenn Oodiah, la seule allusion aux Ramgoolam, à la charge du père qui était très sceptique à l’idée de développer une compagnie d’aviation nationale, et au fils qui, lui, a tout de même eu le mérite d’avoir fait agrandir l’aéroport. Aussi n’est-il pas surprenant outre-mesure que des cadeaux ont été offerts au couple Jugnauth, sir Anerood et Lady Sarojini.

Comme point de départ, le documentaire, comme d’autres articles et études avant, se réfère aux sombres prévisions de l’économiste et futur Prix Nobel Meade qui affirmait que la croissance démographique de l’île plomberait son développement économique. Bien entendu et depuis les bons résultats économiques de Maurice, sa régularité au haut du classement des agences de notation et sa stabilité ont fait mentir l’économiste. Est-ce que tout a commencé au pied de la montagne Le Morne où Pierre Desmarais a fait construire un hébergement baptisé Dinarobin destiné à certains vacanciers, ou dans une maison coloniale de Curepipe où transitait le personnel navigant d’Air France? Sans doute… En tout cas, le documentaire a retrouvé ces images ‘vintage’ qui fondent l’île Maurice touristique, accessoirement de l’image carte postale qu’elle renvoie. Néanmoins, il a bien fallu au départ faire ‘vendre’ ces atouts naturels que sont le sable fin, les cocotiers, la mer azurée, les robes bariolées et le sourire des danseuses de séga pour attirer l’Européen. Qui mieux que Gaëtan Duval (SGD), le ‘Français’, pour vanter les attraits de l’île auprès de la jet-set parisienne ?

Le grand frère français

C’est très bien que les documentaristes de ‘Lame dan Lame’ lui rendent justice, car pendant des décennies, ce sont ces ‘clichés’ que SGD va en mettre plein les yeux aux bourgeois parisiens mais avec pour substance capitale la population multiethnique de Maurice et sa cohabitation paisible, la sécurité, le modèle libéral de notre développement et notre bilinguisme. La recette fait mouche et encourage les investisseurs locaux à développer cette industrie en devenir à une époque où l’alliance au pouvoir, PTr-PMSD, semble avoir saisi l’importance d’associer le secteur privé aux décisions gouvernementales.

Cette collaboration mérite qu’on s’y attarde dans un pays ‘africain’, coupé en deux à la veille de son Indépendance et mis à mal par de sanglantes bagarres communautaires et sur lequel plane le spectre d’un basculement dans le camp soviétique. Mais le grand frère français veille et c’est le député réunionnais de droite et baron gaulliste, Michel Debré, qui scelle l’alliance historique des ennemis d’hier, Seewoosagur Ramgoolam et Gaëtan Duval. L’image montrant Michel Debré tenant entre ses mains celles de deux politiciens ne peut mieux illustrer cette entente qui a une double signification. D’abord, elle tourne le dos à toute tentation pro-soviétique. Puis, elle va inscrire la politique économique dans une stratégie à long terme où les différents gouvernements successifs s’accommoderont ‘naturellement’ du secteur privé. Si bien que le secteur touristique, celui-là même qui viendra s’ajouter à l’industrie sucrière héritée du colonialisme et véritable vecteur de l’image internationale de Maurice, ne connaîtra aucune contestation syndicale.

Cependant, le pays n’en sera pas épargné avec deux grandes grèves générales dans les années 70-80, Le film n’y fait aucune référence, choisissant plutôt de s’arrêter aux émeutes de 1991, les réalisateurs estimant, sans doute, qu’elles ont été à deux doigts de saper l’harmonie raciale de l’île, autrement plus grave qu’un conflit social à leurs yeux. Peut-être qu’une des réponses à cet événement tragique a été la création de la Fondation Espoir Développement Beachcomber, une initiative de Malenn Oodiah, qui s’est donné pour objectif de créer les conditions pour la formation et l’offre d’emplois dans un des hôtels du Beachcomber Group aux jeunes recalés du milieu éducatif.

Le documentaire se termine avec les mots du même Malenn Oodiah qui, dans un ton à la fois solennel et discursif, rappelle la fragilité du tissu ethnique de Maurice. Le sociologue étant conscient que le brasero communautariste n’est jamais bien recouvert.

 

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