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Dr Khalil Elahee, expert en énergie : «La structure des tarifs n’est pas suffisamment souple»

Beaucoup de gens se plaignent de leurs factures. Est-ce dû aux nouveaux tarifs en vigueur depuis l’année dernière ?
Chaque année à pareille époque, il y a une grogne parce que les consommateurs sous-estiment deux choses. D’abord, l’augmentation de la demande provoquée par les climatiseurs, ventilateurs, mais aussi les réfrigérateurs et les congélateurs avec la hausse des températures ambiantes comme de l’humidité. Ensuite, la structure des tarifs n’est pas suffisamment souple. Ce qui conduit à une augmentation significative lorsque la consommation passe de 300 kWh à 400 kWh mensuellement. Pour certains, il faut y ajouter aussi les abus de fin d’année, car c’est en février que nous payons la facture de décembre de l’année écoulée.

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En ce qui concerne l’efficacité énergétique, sommes-nous en sécurité avec la demande croissante ? Pourrait-on rencontrer des difficultés accrues à l’avenir, en raison de l’augmentation de la température ?
D’abord le 16 février et ensuite, il y a deux jours, La Réunion est passée en alerte rouge avec des délestages programmés de deux heures. C’est ce qu’on appelle le « rolling load shedding ». À Maurice, la situation est différente, mais il faut rester vigilant. L’Energy Efficiency Management Office (EEMO) a la responsabilité d’alerter la population concernant un moment spécifique : les jours de semaine en été, quand il fait très chaud et humide, particulièrement au moment du pic de la soirée, de 19 heures à 21 heures. Il y a aussi un pic de la journée, qui peut être moins important et géré grâce à l’apport des installations photovoltaïques au même moment. À l’avenir, il faudra davantage de sensibilisation, par exemple, pour que les gens achètent des climatiseurs ou des réfrigérateurs qui sont selon les meilleures normes en efficacité énergétique. S’il le faut, il faudra subventionner de telles pratiques comme c’est le cas dans d’autres pays.

Il y a également de nombreuses plaintes concernant des coupures de courant dans divers endroits. Quelle est l’explication ?
Seul le Central Electricity Board (CEB) peut répondre et nous dire si ce sont des pannes techniques ou si c’est une façon déguisée de faire du délestage face à une demande croissante. Je pense que c’est surtout dû au besoin d’entretien du réseau qui se fait vieux. Il y a aussi les cyclones qui poussent à l’élagage et à des réparations. Il faut savoir aussi comment se passe l’intégration des énergies renouvelables qui sont plus importantes.

Quelles politiques devraient être mises en place pour répondre à cette demande croissante ?
Dans le long terme, il faut consolider le cadre institutionnel et régulateur. Il faudra répondre à une demande croissante et de nature très spécifique. Par exemple, c’est souvent lié à l’utilisation de la climatisation. Il faut donc savoir comment promouvoir les designs qui sont bioclimatiques favorisant la ventilation et l’éclairage naturel. L’humidité et non la température en soi est le problème. Il faut aussi penser l’efficacité énergétique et l’énergie renouvelable comme inséparables, contrairement à ce qui se fait actuellement. 

La mesure dans le dernier budget pour fusionner l’EEMO et la Mauritius Renewable Energy Agency est un pas dans la bonne direction, mais le temps presse. L’engagement du secteur privé aussi est crucial. Nous devons éviter le greenwashing et nous lancer dans des projets qui transforment le paysage énergétique vers davantage de « sustainability ».

Comment les consommateurs peuvent-ils être mieux informés sur les changements tarifaires et les raisons des fluctuations dans leurs factures énergétiques ?
Je pense qu’avec les outils en ligne comme il y en a sur le site du CEB, les consommateurs peuvent mieux prédire leurs consommations. Il faudra prendre avantage des réseaux sociaux pour mieux les sensibiliser. Un clip expliquant clairement comment le taux progresse avec la consommation peut être diffusé à la télévision à une heure de pointe. Aussi, il faut éduquer les gens sur l’utilisation de la climatisation. Trop d’utilisateurs vont pour des températures trop basses alors que 24 °C devraient suffire pour un système bien conçu. Peu de consommateurs réalisent aussi que les réfrigérateurs peuvent être très énergivores, surtout en été. Là aussi, il faut sensibiliser et éduquer. N’est-il pas aussi temps de réinventer le métier des Meter Readers avec l’avènement des smart meters. Ils peuvent devenir des conseillers en gestion de l’énergie.

Quelles initiatives peuvent être mises en œuvre pour promouvoir l’efficacité énergétique au niveau individuel et communautaire ?
Une mesure simple. Une sorte de météo de l’électricité ou la MBC nous informe par exemple pendant le journal de 19 h 30 du niveau de la demande en MW. Si nous approchons, disons, d’un seuil dangereux comme 530 MW, par exemple, il suffit qu’un foyer sur dix éteigne une petite lampe qui n’est pas nécessaire et nous réduisons la pointe d’au moins 1 MW. 

La MBC peut aussi en parler pendant le journal économique. Et au niveau plus large, il faut introduire le Time-of-Use Tariff comme c’est le cas à La Reunion. Ce qui encourage une culture du management de l’énergie, car nous éviterons des usages abusifs aux heures de pointe, mais pas uniquement.

 

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