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Dystrophie musculaire : quand le corps prend congé

Vivre avec un corps qui ne bouge plus, être dépendant d’un appareil pour respirer, se déplacer sur un fauteuil roulant et avoir une espérance de vie limitée… C’est la réalité de plus d’une centaine de Mauriciens atteints de dystrophie musculaire.

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Une merveilleuse histoire du temps. C’est la biographie, portée à l’écran en 2014, du Britannique Stephen Hawking, âgé de 73 ans, qui est atteint de dystrophie neuromusculaire depuis l’âge de 21 ans. Connu comme l’un des plus brillants scientifiques de son temps, il a défié tous les pronostics médicaux et a vécu avec cette maladie incurable pendant plus de 50 ans, alors qu’on ne lui avait prédit que quelques années.

Une maladie rare

Les dystrophies musculaires font partie des maladies rares. Une personne sur 3 500 en est atteinte. Idem pour la maladie de Duchenne, qui touche environ un garçon sur 3 500.

Stephen Hawking
Stephen Hawkings est considéré comme un miraculé.

Depuis 1985, il est contraint de communiquer à l’aide d’un système informatique qu’il manipule avec sa joue, et a besoin de soins constants. Bien que la maladie l’ait contraint à vivre dans un fauteuil roulant, elle ne l’a pas brisé. Si Stephen Hawking a eu du temps, d’autres, toutefois, n’ont pas cette chance. Les dystrophies musculaires sont un groupe de maladies, considérées comme rares, dans lesquelles les muscles du corps diminuent de volume et se dégénèrent progressivement.

« Les muscles s’atrophient progressivement, c’est-à-dire qu’ils perdent en volume et en force. Ce sont des maladies d’origine génétiques, souvent transmises par les parents à leur enfant. Plus rarement, elles peuvent apparaître lorsqu’un gène mute accidentellement. La maladie peut apparaître à tout âge : dès la naissance, pendant l’enfance ou encore à l’âge adulte », explique le Dr Sundaresan Maiyalagan, anesthésiste et médecin en soins intensifs.
La dégénérescence musculaire conduit le corps et les articulations à se déformer progressivement. « Les pieds et les mains sont tournés vers l’intérieur et vers le bas, les genoux ou les coudes se déforment... Tout cela provoque des douleurs atroces », explique le spécialiste.

Il existe plus d’une cinquantaine de formes qui diffèrent par l’âge d’apparition des symptômes, par la nature des muscles touchés et par la gravité. Certaines formes évoluent rapidement, conduisant à la perte précoce de la mobilité et de la marche et à des complications, tandis que d’autres évoluent très lentement sur des dizaines d’années.

Dystrophie musculaire de Duchenne

Les docteurs Reesaul, Maiyalagan et Aujayeb, épaulés par les Dr Audit et Mohabeer, travaillent à titre volontaire au sein de l’association.

La forme la plus fréquente et l’une des plus graves est la dystrophie musculaire dite de Duchenne. Les enfants atteints de cette myopathie vivent assez rapidement les conséquences du déclin musculaire dû à cette maladie.

« Elle se manifeste de manière précoce et touche principalement les garçons entre 1 et 6 ans. Parmi les symptômes, on remarque que l’enfant qui marchait normalement tombe fréquemment et a des difficultés à se relever. Courir, marcher et sauter devient pour lui de plus en plus laborieux et l’enfant a besoin d’un fauteuil roulant vers l’âge de 12 ans », explique le Dr Sundaresan Maiyalagan.

Selon le Dr Sundaresan Maiyalagan, les muscles respiratoires sont aussi touchés par la maladie, ce qui entraîne des difficultés à expectorer, et des infections telles que des bronchites et pneumonies surviennent fréquemment. La maladie s’accompagne également d’une atteinte du muscle cardiaque et entraîne aussi une atteinte des muscles du tube digestif, associée à des troubles du transit. Sans compter que la fragilité osseuse s’installe progressivement, suivie de problèmes nutritionnels, d’une incontinence, des troubles de la microcirculation… À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement curatif. Cependant, certains traitements peuvent ralentir la progression de la maladie, tels que la kinésithérapie, la corticothérapie, des traitements chirurgicaux, la ventilation…

« Les complications sont diverses et progressives. Avec une prise en charge globale et adaptée et dans des pays où de nouveaux traitements et la chirurgie sont pratiqués, l’enfant atteint le plus souvent l’âge de 35 ans ou plus. Mais à Maurice, faute de traitement adapté leur espérance de vie dépasse rarement les 25 ans », précise le Dr Sundaresan Maiyalagan.


Toshan a découvert sa maladie à l’âge de 6 ans

Toshan
Toshan

Toshan est âgé de 12 ans et, contrairement aux autres enfants de son âge, il ne peut ni courir ni marcher. Il est cloué dans un fauteuil roulant depuis l’âge de sept ans. Pourtant, il grandissait comme un enfant normal. Il courait, jouait avec ses amis et rien ne présageait le pire. C’est à l’âge de 6 ans que le petit a commencé à accumuler les chutes.

« Il tombait fréquemment, marchait sur la pointe des pieds et j’ai remarqué qu’il n’arrivait pas à monter les escaliers. Une fois, il s’est même fracturé la cheville. Et le pire, c’est que la maîtresse croyait que mon fils faisait semblant. Il a pleuré et souffert pendant toute une journée. Finalement, on l’a conduit à l’hôpital », raconte sa mère Shalini avec beaucoup de peine.

Les fréquentes chutes de Toshan ne laissent pas ses parents indifférents. Ces derniers décident alors de le faire consulter un médecin à l’hôpital. Celui-ci ne détecte pas la maladie. C’est après une visite chez un médecin privé que la mère apprend la mauvaise nouvelle. Toshan est atteint de dystrophie musculaire de Duchenne.

« Mon monde s’est écroulé et ma douleur était profonde. C’est difficile d’imaginer que votre enfant ne pourrait jamais marcher et que sa vie est en danger. Il n’y a pas de mots pour expliquer cette souffrance », raconte Shalini en larmes.

Progressivement, la maladie l’a affecté et aujourd’hui ,Toshan se déplace en fauteuil roulant. Son corps se déforme peu à peu, mais il peut toujours utiliser ses mains. Le dessin est sa grande passion. Contraint à arrêter ses études, il passe son temps à dessiner, à jouer à des jeux informatiques et à regarder la télé. En attendant, Shalini ne perd pas espoir que son fils puisse marcher un jour. « J’ai gardé son uniforme d’école. Je ne perds pas espoir qu’on trouvera un remède pour guérir mon fils », dit Shalini.


Atish Audit : un médecin atteint de dystrophie musculaire

Atish Audit

Pourquoi moi ? Cette question, Atish Audit, médecin généraliste, ne cesse de se la poser. Véritable combattant dans l’âme, il ne laisse pas la maladie prendre le pas sur sa vie.

Ce médecin, qui travaille à l’hôpital Jeetoo, a décidé de ne pas se laisser faire. Même s’il se déplace clopin-clopant dans les couloirs de l’hôpital, pas question d’arrêter de travailler.

« Je ne sais pas où je serai dans quelques années, donc je préfère me donner à fond dans mon travail, parce que j’aime ce que je fais : sauver des vies. Même si je suis frappé par ce mal, pour moi, il n’y a pas de raison de ne pas mettre mes compétences aux services des autres », confie ce jeune homme de 31 ans.

S’il se donne corps et âme pour sauver les autres, personne ne peut rien pour lui. Il est atteint de dystrophie « facio-scapulo humérale » (FSH), qui provoque la dégradation progressive des fibres musculaires, entraînant ainsi l’atrophie et la faiblesse musculaires. Au troisième rang des dystrophies musculaires les plus répandues dans le monde, la dystrophie FSH touche environ une personne sur 20 000.

« La maladie est rare, certes, mais elle ne m’a pas épargné. Et c’est un mal que je ne souhaite à personne », confie le médecin.

C’est à l’aube de ses 25 ans qu’Atish Audit apprend qu’il est atteint de la FSH. Des rêves, il en avait en optant pour des études en médecine, en Ukraine, mais il n’imaginait pas que sa vie allait basculer.

« Je me souviens que, quand j’avais 18 ans, je ressentais comme une faiblesse dans les jambes. Mais je ne m’inquiétais pas, je me disait que ce n’était rien de grave », raconte-t-il.

Pendant ses études, il remarque que les chutes devenaient de plus en plus fréquentes. Là encore, il ne pense pas à une maladie grave. C’est à son retour à Maurice que le jeune médecin réalise qu’il a des difficultés à marcher. Après une visite chez un médecin orthopédique, il découvre que ses muscles ne sont pas symétriques. Des examens plus poussés sont requis. Il s’envole pour l’Inde et le diagnostic tombe. Il est atteint de la FSH. La réalité le frappe de plein fouet.

« Le verdict était intolérable. J’étais désemparé. Surtout que je savais qu’il n’y avait pas de traitement curatif. Même si la FSH est moins grave que le Duchenne, je savais que la maladie allait évoluer très lentement et restreindre mes capacités physiques. Je me suis dit qu’il n’y avait pas grand-chose à faire », ajoute-t-il.

Le premier choc passé, le pire restait à venir. Il devait anticiper la perspective de terribles étapes, comme ne plus pouvoir marcher ou utiliser ses mains. « C’était trop dur. Je me disais que je n’avais plus d’avenir, que je ne pourrais pas me marier, que j’allais être alité et être comme un légume. J’ai fait une dépression et j’ai même pensé à me suicider. J’ai heureusement eu le soutien de mes parents pendant ces moments difficiles », poursuit-il.

Il était un grand sportif. Il pratiquait le badminton, faisait du trekking, du football et a dû tout abandonner. « Mon corps ne me le permet pas. J’arrive toujours à marcher, mais lentement. Je ne peux pas me tenir debout pendant longtemps, ni tenir un verre de ma main gauche. J’ai arrêté tous les sports que je pratiquais », fait-il observer.

Si les muscles s’affaissent, cela ne se fait pas sans douleur, mais il fallait qu’il se reprenne en main. « Je me suis dit qu’il fallait que je profite du moment qui me restait. J’ai commencé à faire des exercices pour me tonifier les muscles et je pratique la natation. Même si je ne peux en faire que pendant quelques minutes », indique-t-il.

S’il consacre le peu d’énergie qu’il lui reste à son travail, c’est aussi pour économiser un maximum d’argent, car il ne sait pas de quoi sera fait demain. Toutefois, il s’investit dans la recherche sur le Net concernant la maladie. D’ailleurs, ne pouvant suivre un traitement aux corticoïdes, il prend lui-même ses médicaments.

« J’ai découvert un médicament sur le Net, la créatinine, et j’en prends. Depuis, je sens que cela a ralenti la progression de la maladie. La créatinine est présente dans les compléments alimentaires que prennent les personnes qui pratiquent la musculation. Cela m’aide énormément. En attendant, je profite de la vie pour le temps qui me reste », dit-il.


Muscular Dystrophy Association Mauritius : une lueur d’espoir

Anand Ramkhalawon, président de la MDA.

C’est en 2003 que la Muscular Dystrophy Association (MDA) Mauritius a vu le jour. Un groupe de parents, dont les enfants étaient atteints de la maladie, en est le fondateur. Elle a son siège social à Forest-Side et aide les malades gratuitement sur le plan médical et paramédical.

La prise en charge comprend un fauteuil motorisé et d’autres appareils paramédicaux, des bilans de santé réguliers, des appareils respiratoires, des vaccins, du soutien psychologique et médical... Cela a pour objectif de prolonger l’espérance de vie des malades. L’association compte actuellement 50 bénéficiaires âgés de 4 à 66 ans. 30 d’entre eux sont touchés par la maladie de Duchenne.

« Depuis le début de l’année, trois de nos bénéficiaires sont décédés. Ils avaient 15 ans, 20 ans et 27 ans, et étaient atteints de la maladie de Duchenne », confie Anand Ramkhalawon, président de l’association.

La lutte acharnée des malades ne se fait pas sans le soutien de l’association qui, grâce à la générosité des donateurs et les efforts soutenus des bénévoles, arrive à donner le sourire aux enfants.

« Les appareils coûtent cher. Par exemple, la machine Cough Assist, qui permet à l’enfant de tousser et évacuer les sécrétions, coûte plus de Rs 300 000 et nous en avons quatre utilisées en rotation. La machine VPAP, qui est une machine de ventilation assistée, coûte Rs 120 000 l’unité et nous en avons 30. 24 sont utilisés par les enfants », explique le président de l’association.

Celle-ci met gratuitement à la disposition des malades d’autres appareils aussi coûteux, qui ne sont pas disponibles dans les centres hospitaliers publics ou dans les cliniques privées.

La MDA propose aussi des activités à ses bénéficiaires : un camp et deux sorties par an. Elle offre aussi le service de kinésithérapie à domicile une fois par semaine.

« Nous avons neuf kinésithérapeutes qui rendent visitent aux patients chaque semaine. Nous avons également quatre médecins qui travaillent avec nous volontairement, notamment les docteurs Nilesh Mohabeer, Harish Reesaul, Sundaresan Maiyalagan, Dr Aujayeb et Atish Audit. Ce sont des personnes dévouées, qui sont disponibles à n’importe quel moment. Nous apportons aux parents et aux enfants une aide psychologique dans certains cas », confie le président.

 

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