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Entre violence et agressivité

Durant ces derniers mois, les actes de violence ont défrayé la chronique. Agressions, viols et homicides, la violence et l’agressivité semblent définir la société dans laquelle nous vivons.

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Pourquoi tant de violences ? Pourquoi tant de haine ? Telles sont les interrogations des Mauriciens. Un homme qui égorge un enfant, un groupe d’individus assénant de coups de sabres à une personne par simple vengeance et un mari qui abat sa femme à l’arbalète semblent être des scénarios de films. Pourtant, ce sont des récits vécus rapportés dans la presse. Devant de tels actes de violence, des questions sont soulevées sur la nature humaine.

Pour le sociologue Surendr Nowbuth, la violence et l’agressivité sont des traits de la société moderne. « Partout dans le monde, nous notons que les gens sont de plus en plus violents, rivaux et vaniteux. De nombreuses personnes font un usage immodéré de la force. La violence fait partie de la nature humaine. Elle est dans nos gènes. Pour les individus qui ont grandi sans limites, sans amour, sans éducation, cette violence fait de l’ombre aux qualités essentielles pour la cohabitation en société. La violence innée et incontrôlée se traduit par l’agressivité qui peut bien vite dégénérer », explique le sociologue.

L’expression de la frustration

Le comportement de plus en plus violent et agressif de certains peut être associé, selon notre interlocuteur, à une expression de la frustration. « Dans la société de consommation, les hommes ont de nombreux désirs qui rapprochent et opposent. De nombreux individus désirent les mêmes choses qu’ils ne peuvent pas tous posséder. Cela engendre de la jalousie et de la frustration. Des sentiments qui donnent naissance à de la haine qui se traduit bien souvent par la violence et l’agressivité. Par ailleurs, certains de nos concitoyens sont consternés par l’injustice, la corruption et estiment que leurs droits sont bafoués. Ce sentiment d’avoir été dépourvus de ses droits nourrit la peur, qui nourrit par opposition la haine », ajoute-t-il.

Quid de la nature vaniteuse de l’homme moderne ? Le psychothérapeute Samcoomar Heeramun explique que la frustration naît du fait que les hommes modernes sont de plus en plus vaniteux. « Un nombre grandissant d’individus désirent être reconnus, estimés, admirés et ne supportent pas le mépris et la honte. Ils vivent dans le regard de l’autre et sont prêts à tuer pour une blessure d’amour-propre. Nous pouvons dire que la violence n’est ni un accident ni une décadence. Elle est omniprésente. Ainsi, il n’y a pas de société sans forces, désirs, rivalités, vanités, violence et agressivité », fait observer le psychothérapeute.

Et d’ajouter, qu’au lieu de s’étonner que la violence existe, il faudrait plutôt se concentrer sur les vertus qui font de nous des humains. «L’intelligence humaine peut dominer la violence, la contrôler, la maîtriser et la surmonter. Nous devons exploiter nos vertus.

Continuer d’inculquer la politesse, la gentillesse et d’autres valeurs. Nous ne pouvons pas nous défaire de la répression. La police doit continuer son travail, afin de faire respecter les lois et les interdits. »

Gérer la colère et l’agressivité en quelques étapes

La frustration et d’autres sentiments peuvent se transformer en agressivité et conduire à de la violence. Avant de voir comment éviter une telle situation, le coach de vie Kavita Ramchand explique les différences entre ces notions.

D’abord, elle fait ressortir que l’être humain est au-dessus de toutes les créations, mais qu’il est souvent confus dans son environnement, contrairement à d’autres espèces. « L’homme est doté d’un pouvoir très puissant : son esprit. Toutefois, si celui-ci n’est pas utilisé à bon escient, il peut être très dangereux. Nous vivons dans une société où les gens ne peuvent pas contrôler leur esprit et, par extension, leurs actions. Le manque de contrôle engendre de la frustration qui s’exprime par des sentiments néfastes, à l’instar de la colère et de l’agressivité », explique cette dernière.

La coach de vie souligne que la colère, bien qu’elle soit un sentiment humain, peut conduire à une certaine agressivité et à de la violence dans une situation difficile à appréhender. D’un autre côté, l’agressivité est le fruit de la colère, une manière d’exprimer l’énervement. Comment maitriser ces pulsions ? Voici quelques conseils de la coach.

• Cultiver une attitude positive face aux aléas de la vie. Se concentrer sur les solutions et non sur les problèmes.

• Éviter d’intérioriser les ressentiments. Cela peut donner lieu à de la frustration et faire naître des pulsions négatives.

• Apprendre à contrôler le pouvoir de l’esprit.

• Rechercher l’aide de professionnels.

• S’adonner à des activités saines telles que la méditation et le yoga.

• Ne pas prendre les problèmes de la vie trop au sérieux. S’accorder un temps de relaxation. 

Sapna Jaggeshar Mudhoo, psychologue de la santé : «Faire la différence entre les actes impulsifs et les véritables appels à l’aide»

sapnaPourquoi les gens sont-ils de plus en plus agressifs et violents ?
De nombreux facteurs déterminent notre comportement et indiquent si une personne est à risque de développer des tendances violentes. Ces facteurs incluent les traits biologiques, les liens familiaux, les caractéristiques individuelles, l’intelligence et l’éducation, le développement de l’enfant, les relations avec les amis, la formation culturelle et la résilience.

Chaque facteur de la vie d’une personne peut affecter et être affecté par un autre facteur. Lorsque l’accumulation de facteurs négatifs (la maltraitance, les influences sociales ou les problèmes psychologiques) et l’absence de facteurs positifs (les chances de succès, les encouragements ou un tempérament résilient) atteignent un seuil critique, la violence devient un exutoire, un moyen de faire face aux problèmes de la vie.

L’homme obéit-il par instinct comme un animal? Sommes-nous violents par nature ?
Dire que la violence fait partie de notre processus évolutif est une simplification excessive. Tout le monde n’a pas un comportement violent. Si les humains étaient naturellement violents et chaotiques, notre espèce n’aurait pas survécu pendant des millénaires. Même si nous pouvons tous avoir la capacité d’être violents, nous ne pouvons le faire que dans certaines circonstances. L’incapacité de faire face à une certaine situation, ou l’incapacité de s’exprimer peut engendrer une frustration pouvant conduire à la violence. D’autres éléments peuvent nous inciter à nous rendre violents. Les troubles mentaux ou les lésions cérébrales peuvent également affecter le jugement et la perception.

Que se passe-t-il dans la tête d’un individu violent ou agressif ?
Un comportement violent peut être déclenché par la frustration, la colère ou l’humiliation. Son but peut être de riposter, d’intimider ou d’exercer un contrôle. Lorsque vous adoptez un comportement agressif, vous pouvez vous sentir irrité et agité. Vous pouvez vous sentir impulsif. Vous aurez peut-être du mal à contrôler votre comportement. Vous pourriez ne pas savoir quels comportements sont socialement appropriés. Dans d’autres cas, vous pourriez agir volontairement de manière agressive. Par exemple, vous pouvez utiliser un comportement agressif pour vous venger ou provoquer quelqu’un. Vous pouvez également diriger un comportement agressif envers vous-même.

Y a-t-il une distinction entre agressivité et violence ?
Agression et violence sont des termes souvent utilisés de manière interchangeable. Cependant, les deux diffèrent. La violence peut être définie comme l’utilisation de la force physique dans l’intention de blesser une autre personne ou de détruire des biens, tandis que l’agressivité est généralement définie comme un comportement ou un sentiment de colère ou de violence.

Une personne qui est agressive n’agit pas nécessairement avec violence. Les problèmes d’agressivité et de violence et leurs effets peuvent être résolus en thérapie avec l’aide d’un professionnel de la santé mentale, par exemple un psychologue ou un psychiatre. Même si une personne qui commet un acte de violence peut commettre une agression, une personne de nature agressive ne participera pas nécessairement à des actes de violence. Bien que l’agressivité puisse entraîner une attaque physique ou verbale, l’attaque peut parfois être défensive ou impulsive.

Souvent considérée comme une expression physique d’agressivité, la violence peut être de nature prédatrice, impulsive, réactive ou défensive. La violence peut découler de facteurs situationnels ou environnementaux et peut résulter d’un état mental ou de convictions personnelles ou culturelles.

De nombreux experts soutiennent que l’agressivité et la violence sont un appel à l’aide. Partagez-vous cet avis ?
Les actes violents se produisent pour de nombreuses raisons, parfois comme un appel à l’aide et parfois comme un appel à l’attention. Comme il y a une accumulation de frustrations et une incapacité à faire face à certaines situations, la personne cherchera d’autres moyens à attirer l’attention.

Dans le cas où il s’agirait d’un appel à l’aide, la personne pourrait ne pas être en mesure d’exprimer ses sentiments ou de demander verbalement de l’aide. Ainsi, ses agissements peuvent être interprétés comme un appel à l’aide. Il est important alors de faire la différence entre les actes impulsifs et les véritables appels à l’aide. Même si l’état d’âme d’une personne n’excuse pas ses actions aux yeux de la loi, il est du rôle des autorités de trouver des mesures concrètes pour aider ces personnes à sortir du cercle vicieux de la violence.

Témoignages

Feroza, 38 ans, devenue muette à la suite d’une violence conjugale

L’incapacité de certaines personnes à gérer leur frustration, leur colère et leur haine engendre souvent des souffrances. Feroza, âgée de 38 ans, a fait les frais de la colère de son ex-mari. Abusée, agressée et malmenée par ce dernier, cette mère de trois enfants a perdu l’usage de la parole. C’est à l’aide de signes qu’elle nous raconte son calvaire. « J’ai beaucoup souffert. Ma santé s’est détériorée et, aujourd’hui, je suis une femme meurtrie et blessée du plus profond de mon être. Mon mari m’a ôté ma joie de vivre par sa violence. Je me demande souvent comment un être humain peut infliger une telle souffrance à un autre être humain », dit-elle. Aujourd’hui, Feroza tente tant bien que mal de recoller les morceaux. Accueillie par un centre pour femmes victimes de violences domestiques, elle essaie de recommencer une nouvelle vie. « Je fais de mon mieux pour mes enfants. Ils ont toujours besoin de leur mère », dit-elle.

Claude, 52 ans, victime de coups et blessures

« Sous le coup de la colère, les gens sont capables du pire et j’en ai fait l’expérience», raconte Claude, 52 ans. Ce dernier a été agressé par son frère. « Les gens sont de plus en plus violents et le lien familial n’est plus un facteur dissuasif. J’ai été agressé par mon propre frère pour une histoire d’héritage très banale. J’aurais pu y laisser ma vie à cause de l’avidité. Où va le monde ? »

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