Interview

Erickson Mooneapillay : «La justice ne peut pas être une justice qui tue»

Erickson Mooneapillay

Erickson Mooneapillay est le nouveau Lead Person de DIS-MOI Maurice depuis quelques mois. Avec la création de DIS-MOI Comores et l’éventuelle création d’autres branches dans la région Sud-Ouest Océan Indien, l’organisation régionale des droits humains se développe tous azimuts. Le Lead Person revient sur ce développement et passe en revue les questions des droits humains à Maurice.

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La question est d’actualité avec la recrudescence du trafic de drogue. Certains décideurs politiques, dépassés par ce business illégal, parlent de réintroduire la peine de mort pour les trafiquants de drogue. Peut-on résoudre un problème social avec une loi criminelle?
C’est navrant qu’à chaque fois que nos décideurs politiques sont à bout d’arguments, ils ramènent le débat de la peine de mort comme une panacée à tous les maux de la société. C’est illusoire et ils le savent ! C’est aussi navrant que les médias se prêtent au jeu en relançant ce leitmotiv. Ce débat sur la barbarie de l’État a été gagné par tous les pays civilisés et à Maurice également. La peine de mort n’a jamais eu d’effet dissuasif sur aucun criminel et tel ne sera jamais le cas. Le criminel réagit, malheureusement, face aux stimuli de son environnement immédiat dans l’espoir qu’il ne sera jamais pris. On doit combattre le mal à sa racine, plutôt que de vendre l’illusion. La pauvreté, la promiscuité et le manque d’opportunités sont autant de facteurs à éliminer. Aucun homme n’a légalement le pouvoir de la mort sur un autre. La justice ne peut être une justice qui tue !

Ce gouvernement zigzague à vue d’oeil. Mais en matière des droits humains, c’est encore plus flagrant. Il renouvelle le contrat de ceux qui ont été muets, sourds et aveugles et chasse Mes Lassémillante et Ramanjooloo qui ont fait leur travail plus qu’honorablement. Qu’en pense DIS-MOI Maurice?
Nous autres défenseurs des droits humains savons à quel point ces personnes ont été actives dans la promotion et la protection des droits fondamentaux dans notre société. Leur absence (NldR : au sein de la Commission nationale des Droits humains) se fera certainement sentir, mais il nous semble que leur départ a été précipité et prémédité !

Avec le non-renouvellement du contrat des personnes ayant vraiment à coeur les droits humains, le gouvernement a lancé un signal non équivoque. Il nous semble que le faire-semblant de travailler les dossiers des droits humains comme certains et pas changer le statu quo soit la norme.

DIS-MOI Maurice condamne toute politique visant à placer des pantins et autres autruches dans des secteurs clés où l’humain est le centre d’intérêt.

Le nouveau blue-eyed boy du gouvernement Vijay Appadoo a refusé l’accès à la prison à DIS-MOI Maurice qui avait reçu une demande de réfugiés congolais pour les visiter. Alors que toutes les précédentes autorités laissaient les défenseurs des droits humains faire leur travail. Votre opinion?
C’est une politique à outrance du Commissaire des prisons que nous condamnons avec véhémence. Les détenus congolais bénéficient aussi de la présomption d’innocence ! Ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont loin de leur proches et de leur patrie. Nous avons déjà pris contact avec nos partenaires internationaux et nous sollicitons la Commission des droits humains des Nations unies concernant ce cas précis. Nous placerons chacun devant ses responsabilités! Nous ne faisons jamais de compromis quand il s’agit des droits humains.

Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine, partout où la peine de mort est rare la civilisation règne ». Victor Hugo

Pouvez-vous nous expliquer l’évolution de DIS-MOI Maurice? Il semblerait qu’il y ait maintenant plusieurs DIS-MOI!
DIS-MOI est un organisme de coordination en termes de droits humains dans plusieurs pays du sud-ouest de l’Océan Indien incluant Maurice. Nos champs d’action incluent la formation et l’activisme social. Nous avons 1500 membres et supporteurs à Maurice, nous collaborons avec les instances internationales pour rapporter les cas d’abus domestiques et nous formons en citoyenneté et droits humains une cuvée de 20 à 30 personnes par mois. Nous allons innover en lançant le premier Bro Bono Centre & Victim Support Unit de la région.

Si vous deviez identifier les principaux problèmes des droits humains à Maurice par ordre de priorité, que diriez-vous?
Les droits les plus importants après la vie sont la liberté, la protection contre les dangers de la société (surtout pour les plus vulnérables), manger à sa faim et avoir un toit décent. La protection de l’environnement est inhérente pour accéder à ces droits précis. Mais, pour moi, le plus grand défi reste de changer nos décideurs politiques avec leur double langage. Il est ironique qu’on puisse se battre contre le néo-colonialisme sur le dossier des Chagos, alors que sur le plan domestique, on bafoue impunément les principes fondamentaux, y compris des travailleurs étrangers ! Pourquoi donc la police n’enquête-t-elle pas quand un membre du public pointe du doigt les méthodes de la police ? Pourquoi envoyer le dossier à l’IPCC ? Malgré toute sa bonne volonté, l’IPCC ne dispose pas des moyens de la police! L’État de droit doit prévaloir! Il ne peut avoir une culture de deux poids deux mesures! Sinon il existerait un système parallèle. Une règle pour le citoyen qui viole la loi et une autre pour le policier-rogue!

On ne parle plus d’Agalega depuis quelque temps. Où en est le combat de DIS-MOI pour une meilleure transparence?
DIS-MOI s’est déjà positionnée en chien de garde pour la protection de ce patrimoine. Nous travaillons avec les Agaléens en vue de raffermir leurs acquis fondamentaux et faciliter leurs demandes auprès du gouvernement central.

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionnent les commissions de DIS-MOI et que doivent faire les citoyens qui veulent aider l’ONG?
Nos commissions regroupent des individus qui ont une expertise précise dans la sauvegarde/promotion des droits humains. Chaque commission est dirigée par un(e) président(e). Les citoyens qui ont à cœur les droits, la défense des droits humains peuvent devenir membres et intégrer nos commissions afin de faire une différence et combattre les abus.

Le mot de la fin
Le mot de la fin revient à Victor Hugo qui disait que : « Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine, partout où la peine de mort est rare la civilisation règne ».

 

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