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Exportations vers les États-Unis - AGOA : le succès économique de Maurice risque d’entraver un renouvellement

La délégation a eu une rencontre avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth.

Une délégation de haut niveau du Congrès américain  a récemment effectué une visite officielle de deux jours à Maurice pour discuter du renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui est valide jusqu’au septembre 2025.  Quelle est l’importance de cette loi commerciale pour le pays ?   Le point. 

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L’AGOA est une loi commerciale américaine, promulguée le 18 mai 2000. Par la suite, sa législation a été renouvelée à différentes occasions, plus récemment en 2015, lorsque sa période de validité a été prolongée jusqu’en septembre 2025. Cette législation améliore considérablement l’accès au marché américain pour les pays d’Afrique subsaharienne admissibles, y compris Maurice.  La délégation qui était en visite à Maurice la semaine dernière comprenait huit congressistes, ainsi que des membres du House Committee on Ways and Means, aussi bien des démocrates que des républicains. L’objectif de cette visite officielle est d’examiner la question du niveau de Maurice en termes de valeurs et d’impacts concernant le renouvellement de l’AGOA. 

« Nous sommes actuellement un ‘middle income economy’ et nous nous dirigeons vers un high income economy’. Ainsi, cette progression de niveau pourrait jouer contre Maurice pour le renouvellement de l’AGOA », explique une source au sein du gouvernement mauricien. En effet, il souligne que l’AGOA est accordée aux pays d’Afrique subsaharienne qui ont besoin de soutien et d’une meilleure visibilité sur le marché américain. Le but, poursuit-il, est de soutenir les pays en développement qui sont considérés comme plus « vulnérables » par rapport aux grandes économies.

Cependant, notre interlocuteur souligne que bien que Maurice se dirige vers une économie à revenu élevé, le pays fait toujours face à des difficultés, notamment en termes de compétitivité et de visibilité sur le marché américain. « Par conséquent, nous avons exprimé nos préoccupations aux membres de la délégation du Congrès américain et ils ont pris note de notre situation », fait-il remarquer. Ce dernier affirme que l’AGOA est crucial pour Maurice et que si elle n’est pas renouvelée l’année prochaine, plusieurs entreprises locales exportant vers les États-Unis se retrouveront dans le rouge. « On ne devrait pas être pénalisé en raison de notre succès économique », insiste-t-il.

Appel pour un renouvellement rapide et à long terme

Au sein de la Mauritius Export Association (MEXA), l’importance de renouveler l’AGOA le plus tôt possible, bien avant la date d’expiration fixée à septembre 2025, a été soulignée lors de sa rencontre avec la délégation. « Les entreprises locales subissent déjà l’impact de l’incertitude entourant le renouvellement de l’AGOA, avec un ralentissement considérable des commandes des acheteurs », explique la directrice de la MEXA, Lilowtee Rajmun. D’ailleurs, elle insiste sur la nécessité d’un renouvellement rapide et à long terme de l’AGOA, d’une durée de 20 ans, pour assurer la stabilité de l’industrie, faciliter la planification et les investissements durablement, et soutenir les efforts d’intégration économique régionale.

Comme le souligne la MEXA, Maurice, avec sa croissance économique, risque de sortir de l’AGOA en raison du fait que le pays a atteint le seuil de Revenu National Brut (RNB) de la Banque mondiale . « Cependant, sortir de l’AGOA aurait des répercussions économiques néfastes pour Maurice et pourrait entraver les efforts d’intégration régionale en cours, notamment le partenariat stratégique avec Madagascar », prévient Lilowtee Rajmun. La MEXA a ainsi lancé un appel à la délégation du Congrès américain pour ne pas pénaliser Maurice pour son succès et a appelé à explorer des voies durables pour continuer à bénéficier de l’accord.

Inquiétude des exportateurs 

Jean Claude Ip Man Pun, directeur de Mac’Allan Ltée :  « Sans l’AGOA, je risque de perdre l’unique acheteur aux États-Unis » 

Si la compagnie Mac’Allan Ltée avait cinq clients importants aux États-Unis avant la Covid-19, aujourd’hui elle n’en compte plus qu’un seul. « Même si les activités économiques ont repris au niveau mondial, les exportations vers les États-Unis ont toutefois connu une chute drastique », déplore le directeur Jean Claude Ip Man Pun. Sa compagnie exporte principalement des sacs en cuir et en similicuir aux États-Unis. Selon lui, si l’AGOA n’est pas renouvelée, il risque de perdre son unique client américain. « Je ne sais pas combien coûtent les droits à l’importation aux États-Unis, mais je sais que c’est assez énorme. Avec l’abolition de l’AGOA, mes produits ne seront plus compétitifs », déplore-t-il. Ainsi, il lance un appel au gouvernement pour qu’il adopte une stratégie forte favorisant le renouvellement de l’AGOA. « Même si notre pays se dirige vers une high-income economy, il ne faut pas oublier qu’il y a toujours un bon nombre d’entreprises qui peinent à sortir la tête de l’eau », avance le directeur.

Ajay Beedassee, directeur de GNP Wear : « Plusieurs entreprises dépendent du marché américain pour leur survie » 

Le marché américain demeure le marché principal pour GNP Wear. « 30 % de ma production totale est exportée vers les États-Unis », indique le directeur, Ajay Beedassee. Ainsi, il avance que si l’AGOA n’est pas renouvelée, son entreprise sera parmi les premières à mettre la clé sous la porte. D’ailleurs, il affirme que de nombreuses entreprises orientées vers l’exportation subiront le même sort. « Ces entreprises dépendent du marché américain pour leur survie et sans l’AGOA, elles ne seront plus en mesure d’opérer », indique notre interlocuteur. En effet, il explique que sans l’accord de libre-échange, les produits mauriciens coûteront plus cher et ne seront plus compétitifs. « Par conséquent, les acheteurs américains se tourneront vers d’autres producteurs, notamment en Inde et au Vietnam », souligne Ajay Beedassee.

Manoj Juddoo, directeur de Chemiserie Bellvill & Co Ltd : « Les acheteurs américains se montrent déjà réticents. » 

Le directeur de Chemiserie Bellvill & Co Ltd affirme que l’impact de l’incertitude entourant le renouvellement de l’AGOA se fait déjà sentir sur les exportations. « En effet, les commandes se font au moins six mois à l’avance. Les clients américains sont au courant de la fin de l’AGOA l’année prochaine. Du coup, ils se montrent réticents et préfèrent ne pas prendre de risques en commandant à Maurice », explique Manoj Juddoo. Ce dernier indique que 40 % de ses exportations sont destinées aux États-Unis, représentant ainsi son principal marché. « Si l’AGOA n’est pas renouvelée, ce sera néfaste pour mon entreprise certes, mais également pour d’autres compagnies mauriciennes qui dépendent de ce marché », déplore-t-il.

Contribution de l’AGOA à l’économie mauricienne 

  • Selon la MEXA, les exportations vers les États-Unis représentent 13 % des exportations totales de Maurice, englobant divers secteurs tels que les textiles et les vêtements, le poisson et les produits de la pêche, les bijoux et les perles, les appareils optiques et équipement médical.
  • L’AGOA a facilité la création de cinq filatures  (Spining Mills) à Maurice.
  • L’AGOA et a favorisé les efforts d’intégration régionale entre Maurice et Madagascar, avec l’émergence de Madagascar en tant que plus grand exportateur de vêtements sous l’AGOA. 
     
 

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