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Finances : Tourisme et construction contribuent aux prêts non-productifs

La Banque centrale affirme que des opérateurs économiques et des particuliers peinent à respecter leurs engagements financiers. Cela contribue à créer une situation qui risque de devenir alarmante sans un contrôle plus strict. Quels sont les secteurs concernés ? Le point. 

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Fin décembre 2016, le niveau des prêts non-productifs a atteint les Rs 46 milliards, affirme la Banque de Maurice (BoM) dans la dernière édition de son Monetary policy and Financial stability Report. Quand on le compare à la somme totale des facilités, le taux est passé de 6,4 % à 6,8  %. D’une part, le remboursement des prêts octroyés hors de la juridiction mauricienne est irrégulier, à hauteur de 5,4 %. D’autre part, le taux à Maurice a malheureusement progressé de 7,9 % à 8,2 %. La tendance a été à la hausse au cours du premier semestre de 2016 avant de reculer dans la deuxième partie de l'année dernière.

Alors que les commerces sont devenus plus réguliers, d’autres secteurs sont à la traîne. À commencer par l’industrie du tourisme. Le régulateur bancaire fait état de signes de détérioration avec le niveau des prêts productifs faisant un bond, s’établissant à 7,9 % à fin décembre 2016 contre 6,2 % une année auparavant, même si ce secteur a connu des arrivées record cette année-là.

Un exemple : New Mauritius Hotels Limited a vu son endettement augmenter de Rs 2,1 milliards entre fin septembre 2015 et fin septembre 2016 pour atteindre Rs 17,6 milliards. Il a fallu que le premier groupe hôtelier du pays vende une partie des murs de trois établissements afin de rembourser Rs 2,7 milliards.

La construction est également sous pression. Une raison avancée par les analystes est que les activités ont diminué. En 2016, on n’a noté aucun changement. L’embellie devrait intervenir en 2017, selon Statistics Mauritius. Entre-temps, les prêts non-productifs sont passés à 9,2 % du montant total avancé aux promoteurs de projets résidentiels, commerciaux et de morcellements. À ceux-là s'ajoutent les particuliers en difficulté financière qui risquent de voir leurs résidences vendues à la barre.

Selon le dernier relevé de la BoM, au mois de juin, le montant du crédit avancé au secteur privé (incluant les particuliers) a été de Rs 344 milliards. La construction se taille la part du lion, avec quelque Rs 90 milliards. À fin décembre, les dix plus gros emprunteurs du pays ont accumulé des facilités de Rs 86 milliards.

Afin de lever des fonds et de restructurer leurs bilans, les grandes sociétés ont désormais recours à l’émission de bons. Ainsi, le groupe IBL Limited a annoncé l’émission d’obligations qui pourrait atteindre Rs 10 milliards. Le mois dernier, Omnicane Limited a annoncé une levée de Rs 2,5 milliards auprès d’investisseurs privés.

 

Cumul des prêts au 10 principaux emprunteurs

Date Montant
Décembre 2014 Rs 81,2 milliards
Mars 2015 Rs 84 milliards
Juin 2015 Rs 88,7 milliards
Septembre 2015 Rs 87 milliards
Décembre 2015 Rs 89 milliards
Mars 2016 Rs 102 milliards
Juin 2016 Rs 94 milliards
Septembre 2016 Rs 94,6 milliards
Décembre 2016 Rs 86 milliards

Analyses

Kentish Moorghen, Chartered Valuation Surveyor et CEO de Prime Pillar : «8 logements sur 10 coûtent plus de Rs 5 M»

« Pour mieux comprendre le terme de bulle immobilière, il faut se référer à la loi de l’offre et de la demande. Nous parvenons à ce niveau quand le marché est inondé de projets immobiliers en tout genre. A Maurice, nous avons deux catégories. Il y a d'abord les particuliers qui empruntent pour acheter un lopin de terre ou pour construire chez les parents. Puis, il y a des individus qui achètent des logements. Quand on analyse le marché, on note que huit appartements sur dix coûtent Rs 5 millions ou plus et 75 % de ces logements peinent à trouver preneur.

Quand une personne cherche un logement, la condition sine qua non est que le coût doit rentrer dans son budget. Certes, les institutions financières peuvent contourner les limites sur les emprunts en offrant des fonds sous d’autres formes.

Peut-on continuer ainsi ? Il est grand temps de régulariser le secteur où l’offre suit la demande et non pas l’inverse. Sans changement drastique, je demeure pessimiste. On peut venir affirmer que ces logements sont destinés à des étrangers. Mais on va créer un système parallèle. Un Mauricien paiera moins cher. Un étranger déboursera davantage afin de bénéficier de diverses facilités et de règlements favorables. Que feront les évaluateurs de l’État pour analyser les comparables? Le Mauricien ne sera-t-il pas taxé davantage, au final ? »

Davin Appanah, Head of Quantitative Research, Bean Tree Capital : «Le secteur privé entre dans une logique d’endettement»

« Si les sociétés ont recours à l’émission de bons, cela signifie qu’elles ne peuvent emprunter davantage auprès des banques. Les fonds ainsi obtenus serviront à mettre de l’ordre dans leurs comptes. Ce faisant, ces compagnies et conglomérats parviennent à augmenter leur rentabilité à court et moyen termes.

Les obligations convertibles peuvent ne pas demander une notation. Cependant, il faut analyser la durée moyenne de dettes bancaires en comparaison avec la maturité de l’obligation. Car, si par la suite la société demande un nouveau prêt  bancaire, la banque pourra demander une garantie sur la société.

Comparé à des facilités bancaires, les prêts obligataires auprès des fonds d’investissements, des assurances ou des particuliers sont beaucoup plus intéressants. Les emprunteurs peuvent insérer davantage de clauses qui leur sont plus favorables, comme le taux d’intérêt sur les bons. Ils peuvent rembourser avant le délai prescrit ou alors rééchelonner la dette s’ils ont besoin de fonds supplémentaires. Mieux encore, ces bons peuvent être convertis en parts dans la société. Au final, l’actionnariat est dilué. Mais le montant du remboursement est inférieur. »

 

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