Interview

Gaëtan Siew, président de la State Land Development Company: «Nous travaillons sur un nouveau plan pour les villes existantes»

Gaëtan Siew, président de la State Land Development Company
Les Smart Cities sont-elles plus que de simples projets immobiliers ? Gaëtan Siew, qui pilote tout le projet, répond par l’affirmative. Selon ce dernier, c’est toute l’île qui est concernée, d’où l’introduction d’un plan pour transformer nos villes existantes en villes intelligentes. Le gouvernement mise beaucoup sur les Smart Cities pour relancer l’économie. Dans le concret, comment cela se traduira-t-il ? Notre économie est à un palier où il doit se passer quelque chose. Nos secteurs traditionnels comme le manufacturier, l’agriculture ou le tourisme sont arrivés à saturation. Il est difficile de leur en demander plus. Il faut envisager d’autres activités économiques. Les nouveaux secteurs ont déjà été évoqués dans la Vision 2030. Il y a l’économie bleue, l’économie verte, les industries créatives et le numérique. Ces secteurs ne vont pas remplacer ceux qui existent déjà, mais plutôt les consolider ou alors fonctionner en complémentarité. Le secteur des services financiers, par exemple, sera complémentaire des Smart Cities. Les gens ne l’ont pas réalisé parce qu’ils pensent toujours immobilier quand on évoque les Smart Cities.
Si l’immobilier n’est pas ce que visent les Smart Cities, quels sont leurs objectifs ? Les Smart Cities ont la vocation de réunir trois objectifs. C’est un concept appliqué. Ce n’est pas nécessairement une nouvelle ville qu’on construit. Par exemple, Barcelone est une Smart City. Paris en est presque une aussi. C’est pour cela que je préfère parler de Smart Mauritius parce que l’objectif c’est que tout le territoire ait cette vocation.
[blockquote]« Tout le centre-ville sera couvert par le wifi gratuit »[/blockquote]
C’est quoi au juste cette vocation ? Premièrement, une Smart City est une plateforme où des nouveaux secteurs peuvent se développer. Que ce soit l’éducation pour Médine, la logistique aéroportuaire pour Omnicane, ou encore l’économie bleue pour une autre Smart City. Il y a aussi ce concept de work, live and play. Le work c’est le business, qui fait partie intégrante de chaque projet. Dans chacun, il y a un groupe d’entreprises liées à une activité ou un ensemble d’activités qui sont le cœur du projet. Bien sûr, quand vous avez autant d’employés, il faut les loger. Il faut aussi qu’il y ait un peu de shopping et du loisir. Les secteurs d’activité ont également deux éléments en commun : c’est l’innovation et le numérique. Qu’en est-il de la création d’emploi ? C’est justement le deuxième objectif des Smart Cities et c’est directement lié au premier. Il est évident que si je crée toutes ces activités économiques, il faut créer de l’emploi. Il y a un troisième objectif qui est la planification urbaine. On sait bien que nous ne sommes pas les champions de la planification urbaine. Le pays souffre de beaucoup de problèmes, comme le transport en commun, la mobilité, l’énergie, l’eau... Vous proposez donc d’éliminer ces problèmes dans les nouvelles villes, mais les villes existantes sont-elles laissées pour compte ? Actuellement, le problème de Maurice est que 40 % de la population vivent sur 8 % des terres. Ce qu’on veut faire, c’est construire de nouveaux territoires, mais il y a aussi les villes existantes. Pour l’un, il faut construire et mettre toute l’infrastructure numérique et pour l’autre, les villes existent déjà et il suffit d’ajouter une gestion numérique. Je vous donne une primeur : il y a le Smart City Scheme au Board of Investment, mais nous travaillons sur un nouveau scheme pour les villes existantes, le Urban Regeneration Scheme. Il y aura des incentives qui permettront à ces villes de se régénérer pour ne pas avoir deux catégories de citoyens dans l’île. Ce Scheme vise les collectivités locales ou les investisseurs du privé ? C’est destiné aux gens qui vont investir dans cette ville. Ce qui est important, c’est le work, live and play. Dans 10 ou 15 ans, cette demande de la population ne va pas venir ajouter une pression additionnelle sur les infrastructures des villes existantes. Ni en termes de transport, ni en énergie et ni en eau. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que tout cet investissement va se faire par le privé et le gouvernement pourra rediriger ses fonds vers d’autres secteurs, plutôt que dans l’infrastructure lourde. En suivant ce concept, vous comptez sur le fait qu’il y aura moins de trafic entre les différents centres du pays ? Le cœur du pays s’étalera sur une surface plus large. Il y aura ce triangle Port-Louis-Ébène-Saint- Pierre. Tout le monde ne convergera pas en même temps vers le même point, comme c’est le cas actuellement. Où en est-on au juste avec ces Smart Cities ? Médine a déjà signé un accord avec sept universités. Celle d’Omnicane a déjà une vocation précise avec le port franc de l’aéroport. Ils ont déjà trois gros business qui s’installent chez eux. Il y a un partenaire sud-africain de Durban qui s’appelle Shree. Il est en contact avec une académie de formation de pilote d’avion. Le troisième, il me semble qu’il est  est en discussion avec des studios de cinéma d’Afrique du Sud. Vous évoquez des projets qui avaient déjà démarré avant que le Smart City Scheme ne soit lancé. Y a-t-il des nouveaux projets à venir ? On a d’autres demandes qui ne sont pas spécifiques à une Smart City. Ils sont en train de faire leur ‘due diligence’ pour choisir l’endroit le plus stratégique pour eux. On a deux grosses demandes. La première vient de Microsoft qui a un seul Regional Headquarter basé à Dubaï qui couvre à la fois le Moyen-Orient et l’Afrique. Ce qu’ils sont en train de discuter avec nous, c’est de scinder ce regional headquarters pour que Dubaï s’occupe du Moyen-Orient et Maurice du continent africain. Pourquoi Maurice ? Microsoft a développé un ensemble de logiciels pour la gestion intelligente des villes, que ce soit pour l’énergie, l’eau ou le trafic. Maurice peut être une plateforme qui lui permet de tester ces logiciels dans un contexte très différent des pays occidentaux où ils ont été utilisés jusqu’à présent. C’est plus facile de développer et tester à Maurice, sur une petite échelle, comparé aux autres pays africains. La deuxième demande vient d’Eads, qui fait partie du groupe Airbus. Il veut développer un ‘cloud’ où toutes les données informatiques, comme le trafic routier par exemple, sont stockées. Port-Louis va être un showcase pour nous. Ce sera le sujet pilote pour rendre intelligent une ville existante, sans nécessairement construire du real estate, puisque tout est déjà construit dans Port-Louis. Tout le centre-ville sera couvert par le wifi gratuit. Voilà où on en est. Il y en a d’autres aussi, comme Engie et IBM France avec qui nous sommes en discussion. On parle de 200 000 étrangers pour faire marcher les Smart Cities. Est-ce réaliste ? On pense qu’il faut 2 500 expatriés par an sur une dizaine d’années. Il s’agit d’investisseurs ou d’experts dans ces secteurs. Par exemple, pour l’économie bleue, on a quelqu’un qui veut utiliser des extraits d’algues pour des produits cosmétiques. Il faut que ces experts aient l’opportunité de venir à Maurice. Au milieu de tous ces changements, quel avenir pour Port-Louis ? Il lui restera deux vocations. D’abord les activités portuaires, évidemment. Avec les développements prévus, on aura besoin de beaucoup de bureaux. Une quinzaine de ministère vont aller à Highlands, ce qui représente 30 000 personnes et 300 000 m2 d’espaces bureau libérés. L’idée, donc, est de faire retourner la population dans le centre-ville. C’est toujours le concept de work, live and play. Ce seront des logements abordables, surtout pour les jeunes, qui n’auront aucun problème à habiter un appartement. Et puis, après Porlwi by light, il y a un potentiel inestimable pour la culture et le patrimoine. On pourra aussi piétonniser les espaces.
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