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‘Geet Gawai - An Ode to Geetharines of Mauritius’ : Sarita Boodhoo célèbre le Geet Gawai et ses ‘Geetharines’

Sarita Boodhoo.

Après son magistral ouvrage sur les rituels du mariage hindou intitulé ‘Kanya Dan’, paru en 1993, Sarita Boodhoo vient de lancer un deuxième livre tout aussi indispensable. Intitulé ‘Geet Gawai – An Ode to Geetharines of Mauritius’, cet ouvrage vient combler ainsi une lacune dans la reconnaissance des pratiques culturelles ancestrales issues de l’Inde.

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Le combat pour la reconnaissance du bhojpuri et s’assurer de la transmission des pratiques culturelles traditionnelles issues de l’Inde durant l’ère coloniale à Maurice s’inscrivent dans la poursuite de deux objectifs : (1) maintenir et obtenir la reconnaissance d’une langue ancestrale - en l’occurrence le bhojpuri -, et (11) perpétuer la transmission d’une pratique héritée des ancêtres venus d’un pays de peuplement (ici l’Inde) et laquelle participe à la préservation des rituels propres à  une communauté afin qu’ils ne se perdent pas dans un nouvel ordre culturel mondial dominé par les Américains et les Occidentaux avec leurs valeurs et leurs modes de vie dominateurs. La mission que s’est assignée Sarita Boodhoo revêt ce double symbolisme, à travers les activités concrètes d’un organisme, le Bhojpuri Speaking Union, dont elle est la Chairperson et qui s’emploie depuis sa création à revaloriser le bhojpuri. 

Pour y arriver et donner du sens au concept de diversité culturelle chère aux ‘communicants politisés’, il fallait entreprendre cette longue recherche au cœur même de ces milieux qui ont conservé cet héritage légué par les ‘Girmitiyas’, du nom de l’accord qui scella officiellement l’engagement des engagés indiens partis travailler dans les champs de cannes à l’époque coloniale. 

Comment donc le ‘Geet Gawai’ a-t-il atterri sur les rivages de l’île Maurice coloniale, comment a-t-il été préservé et transmis de génération en génération et qui sont ces chanteuses, hier et aujourd’hui, ces ‘Geetharines’ dépositaires d’un bien patrimonial culturel qui compose l’identité plurielle de Maurice ? Pour y répondre, Sarita Boodhoo a dû replonger dans l’histoire de l’itinéraire des Girmitiyas, du port de Calcutta jusqu’à Port-Louis. 

La ceinture bhojpuri

Comme toute entreprise semblable, il lui fallait d’abord comprendre comment une langue – le bhojpuri- s’est imposée à des gens venus de différentes localités situées dans le bassin du Ganges et appartenant à la ceinture bhojpuri, à savoir Shahabad, Arrah, Balia, Gorakhpur, Jaunpur, Chapra. « Il existait des formes variées du bhojpuri dans ces localités à l’époque où les girmitiyas sont partis », fait ressortir Sarita Boodhoo. Mais à partir de 1900, ces variations donnèrent naissance à un bhojpuri commun parmi ces Girmitiyas. Ce sont dans des champs que ces derniers ont commencé à fredonner les chansons qu’ils connaissaient déjà en Inde, comme à l’autre bout du monde les esclaves noirs qui cueillaient le coton dans les champs du sud des États-Unis. Dans leurs pauvres huttes, la nuit venue, après le dur labeur dans les champs, ces femmes bercèrent les enfants en chantant ou pour se protéger des esprits de la nuit.

« …à travers le temps et l'espace… »

 « Le voyage du ‘Geet Gawai’ à travers le temps et l'espace fait partie intégrante d'une extraordinaire saga de tribulations humaines », indique l’auteure. Il symbolise le génie de l'humanité dans la transmission de ses pensées, de ses idées et de ses émotions en tant qu'expressions de l'humanité, pas nécessairement écrites, dans des situations difficiles, telles que l'immigration et sa dynamique. Le Geet Gawai a été préservé avec succès à Maurice au cours des 188 dernières années et reflète une remarquable résilience du bhojpuri en tant que langue de culture et de communication Girmitya et en tant que vecteur du patrimoine culturel intelligible national et international ».

Les villages aux huttes traditionnelles

À l’époque coloniale, les groupes de chanteurs pouvaient alors émaner des familles, voisins, amis ou connaissances. Durant ses recherches sur la troupe Geet Gawai de l’école Geet Gawai de Petit-Raffray, l’auteure a noté que les chanteuses étaient issues de régions aussi éloignées l’une de l’autre que Mahébourg, Bambous, Médine, Camp-de-Masque, Camp Ithier ou encore le Nord de l’ile Maurice. L’évolution du Geet Gawai a suivi le développement social et économique de l’ile Maurice, entrainant la mobilité des Indiens issus de la culture linguistique bhojpuri, les villages succédant aux huttes traditionnelles. 

« Bien qu'il y ait eu un choc culturel avec la rupture brutale dans la vie des girmityas déracinés radicalement de leur terre, ‘mati’, et de siècles de croyances, de pratiques et de vie anciennes, ils ont néanmoins réussi à implanter les mêmes dans leur nouvelle terre et à se créer un nouveau paysage culturel. Ils ont conservé leur mode de vie et implanté leurs chants sur une nouvelle terre, nourris par l’environnement mauricien, le soleil, le climat, l’air et le sol », fait valoir Sarita Boodhoo. 

Le Geet Gawai s’est développé à l'origine comme une tradition de ‘sanskar geet’ (chansons traditionnelles) avant le mariage. Mais différentes chansons traditionnelles sont également chantées lors de différents geets et de la cérémonie du mariage. Bien que le Geet Gawai conserve l’originalité des chansons bhojpuri avec une racine indienne, il a développé une nouvelle saveur mauricienne. Les paroles ont conservé leur originalité mais ont également été créées en référence à des scènes locales, à la politique et à des personnalités politiques, tout en mélangeant le bhojpuri mauricien et quelques mots créoles. Cependant, il est remarquable que les premières chansons de la cérémonie prénuptiale soient toutes en pur bhojpuri. Elles ont été si bien préservées dans leur originalité que nombre d’entre elles sont encore chantées de part et d’autre de l’océan Indien. Et elles conservent les airs langoureux d’origine.

“Geet Gawai: An Ode To Geetharines of Mauritius”, du Dr Sarita Boodhoo

Publié par Prabhat Prakashan PVT LTD, New Delhi

Inscription au patrimoine mondial de l’humanité

La chanson folklorique mauricienne bhojpuri - Geet Gawai- a été inscrite le 1er décembre 2016 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO lors de la 11e session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à Addis-Abeba, en Éthiopie. Avec cette inscription, le gouvernement mauricien a l’obligation légale de sauvegarder les pratiques et autres éléments, telles que les représentations, les expressions, les connaissances et les compétences avec les chansons folkloriques bhojpuri - Geet Gawai. Il est appelé à présenter un rapport périodique au Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Geet Gawai.

« Un modèle particulier », selon Hugh Tinker

« Pendant la période d’immigration, les femmes sont venues célibataires ou mariées, accompagnant leurs maris. Elles vivaient dans des baraquements, dos à dos dans des camps de fortune (Hugh Tinker). Leur origine de 26 districts de zones géographiques différentes reflète des traits distinctifs. Au fil des générations, le chant collectif des mariages s’est transmis de génération en génération. Mais un modèle particulier s’est développé à Maurice pour donner au geet gawai un caractère unique, inégalé dans la diaspora indienne. On ne le trouve même pas dans les lieux d’origine, au Bihar et dans l’est de l’Uttar Pradesh. Je ne peux pas dire que les chansons sont uniquement bhojpuri dans leur origine, leur style, leur contenu et leur rythme, car j’ai entendu des chansons similaires en maithili, magahi, awadhi et dans d’autres dialectes apparentés comme le bajrika et l’angika. Ils se fondent l’un dans l’autre et fusionnent, même si les dialectes changent ». 

Représentation et expression féminines

C'est à partir de toute une gamme de souvenirs collectifs que le Geet Gawai est devenu la principale tradition orale patrimoniale de l'île Maurice. Cela s’explique sans doute par l’attachement et la pratique bien ancrés des chants à l’occasion des mariages. Lorsque les nouveaux immigrants mariaient leurs enfants, ils demandaient aux personnes âgées et aux voisins de chanter. Les jeunes femmes ou les enfants reprenaient la tradition et accompagnaient les aînés au Geet Gawai. C’est ainsi que s’est développée l’une des formes les plus visibles et audibles de chant oral bhojpuri accompagnant les différents rituels et coutumes de mariage à l’île Maurice. Elles deviennent également la forme la plus forte et la plus visible de la représentation et de l’expression féminines. Malgré elles. 

Le Geet Gawai était en fait exclusivement féminin. Personne n’osait franchir la frontière. Sans le savoir, les « dadis » et « nanis » d’antan ont créé un circuit solide de camaraderie et de liens tricotés où la règle des anciens prévalait et guidait les plus jeunes. Ils pratiquaient entre les quatre murs des huttes de chaume du village, avec des sols et des murs en bouse de vache (lipai). C’est à partir de ces débuts modestes que se sont développés les différents genres de chansons orales bhojpuri, mais ce sont surtout les chants de mariage qui se sont imposés à l’île Maurice.

 

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