Interview

Girish Mungroo - Le président de la Commission contre la Torture de DISMOI : «Je rêve d’un monde où le public n’aura plus peur de la police»

Girish Mungroo

Girish Mungroo, juriste de 25 ans effectue son « pupillage » auprès d’un avocat confirmé. C’est un passionné des droits humains et, à cet égard, il s’est engagé depuis deux ans au sein de DISMOI. Il préside depuis peu la Commission contre la Torture. Il explique le sens de son engagement.

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Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
J’ai 25 ans, je suis originaire de Lallmatie. J’ai effectué mes études secondaires au MGSS de Flacq. Après le HSC, j’ai entamé des études supérieures en Banking & International Finance à l’Université de Technologie, avant de changer de parcours et d’opter pour le droit. Dans mon temps libre, j’aime lire et faire du vélo.

Pourquoi avez-vous décidé d’étudier le droit?
Je suis sensible à ceux qui sont en situation de faiblesse et qui sont incapables de se défendre, soit par ignorance ou par faute de moyens financiers. De par sa formation, l’avocat sait se montrer impartial, faire fi de ses émotions pour résoudre les situations de conflit dans le calme.

Pourtant, lorsque j’étais au collège, je n’ai jamais dit à personne que je voulais étudier le droit. À l’époque, je trouvais que c’était un univers inaccessible pour moi. Puis, à l’Université de Maurice, je suis tombé sur une citation qui disait : « Être avocat, c’est être la voix de ceux qui n’ont pas de voix et défendre ceux qui ne peuvent se défendre. » C’est ce qui m’a décidé.

Présider une commission de DISMOI exige un engagement et la volonté de travailler pour la collectivité ? Pourquoi choisir cette ONG?
D’abord parce que DISMOI est la seule ONG à Maurice qui œuvre pour promouvoir les principes des droits humains à travers ses formations en Human Rights Education. Ce combat correspond parfaitement à ma personnalité : je ne peux rester insensible face à des situations d’injustice. Ensuite, c’est un engagement à plein temps : quand on s’engage, il faut le faire à fond, pas de temps à autre. L’objectif, c’est aussi de partager ses connaissances afin qu’un grand nombre de personnes connaissent leurs droits.

Je suis convaincu que le droit est un sujet important qui doit être intégré au programme scolaire. La plupart des cours enseignés à l’université incluent au moins un module sur le droit. Ce serait donc un gros avantage que d’aborder les principes de base dès le primaire ou le secondaire.

En plus de militer pour les droits humains, quel que soit le genre, l’âge, la couleur, la religion, l’orientation sexuelle et le statut social de la personne, ce que j’apprécie avec DISMOI, c’est qu’elle ne se limite pas aux frontières de Maurice. Elle œuvre à sensibiliser les autres îles de l’océan Indien comme récemment aux Comores et avant cela, à Rodrigues.

Il est grand temps d’arrêter ces pratiques barbares qui nous rappellent les périodes sombres de notre Histoire »

Peut-on présenter aux lecteurs du Defi la mission et la vision de la Commission contre la torture (CAT)° ?
La mission de la CAT consiste à tirer la sonnette d’alarme sur la torture, créer une culture de non-tolérance contre la torture ou toute autre forme de violence physique et psychologique. Nous réfléchissons à la création d’un bureau de Torture Watch où les citoyens pourraient venir dénoncer les cas de brutalité policière.

De par votre pratique professionnelle, peut-on dire que les actes de torture ou de violence sont généralisés dans la police ou sont-ils le fait de quelques individus qualifiés de brebis galeuses ?
Une poignée d’individus suffit pour projeter une mauvaise image du pays et être qualifié de « république bananière ». L’affaire Gaiqui, hélas, n’est pas un cas isolé. Il y a toujours au sein de la police une poignée d’éléments qui recourent à des méthodes barbares. Des cas ont été évoqués dans le passé, mais c’est la première fois qu’on a des preuves aussi flagrantes.

Il importe aussi de réaliser les failles de notre système où l’on voit des policiers enquêtant sur d’autres policiers. Il aurait fallu un organisme indépendant pour mener une telle enquête en toute impartialité.

Expliquez-nous pourquoi et comment la torture est-elle illégale?
Après les horreurs, les crimes de l’Holocauste, perpétrés lors de la Seconde Guerre mondiale, les États membres des Nations Unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’assemblée a défini les crimes imprescriptibles, et adopté par la suite une Convention contre la torture dans le but d’interdire tout traitement inhumain physique ou moral qui porte atteinte à la dignité de la personne. La torture n’est pas seulement illégale, elle est aussi immorale. Nous sommes en 2018, vous conviendrez qu’on ne peut se permettre de maltraiter les gens de la sorte, peu importe la raison. D’ailleurs, ne sommes-nous pas prêts à dénoncer les cas de traitements « inhumains » des animaux, de nos chiens ? Alors, comment peut-on accepter le traitement dégradant d’un prisonnier ?

Maurice a ratifié la Convention contre la torture. Quelles en sont les implications pour l’État mauricien ?
En ratifiant le protocole optionnel de la Convention contre la torture en 2005, l’État mauricien a pris l’engagement de mettre en place un système de visite des lieux de détention par des organisations locales et internationales pour faire en sorte que le protocole soit mis en application.

Le problème principal demeure notre système judiciaire qui se fonde sur les aveux comme meilleure preuve. Tout est donc mis en œuvre pour faire avouer l’accusé. Une fois la confession obtenue, l’affaire est bouclée. La police n’a plus besoin d’enquêter pour trouver d’autres preuves.

Que compte faire la Commission pour sensibiliser la population mauricienne sur la torture ?
Avant tout, il faudrait sensibiliser le plus grand nombre de Mauriciens possible afin qu’ils connaissent leurs droits. Souvent, c’est par ignorance que les actes de torture et de maltraitance ne sont pas dénoncés et se perpétuent. C’est également par peur de représailles que de nombreux faits sont tus. À travers les cours en HRE, les gens seront informés des recours dont ils disposent, notamment auprès de la National Preventive Mechanism Division de la National Human Rights Commission. Il est grand temps d’arrêter ces pratiques barbares qui nous rappellent les périodes sombres de notre histoire : l’esclavage, le colonialisme.

Le mot de la fin
Je rêve d’un monde où les membres du public n’auront plus peur de la police. Ne dit-on pas que ce sont des agents de l’ordre ? Les policiers se doivent de monter l’exemple pour inciter au respect de la population. Ma Commission recrute : ceux qui ont à coeur les droits humains et qui veulent faire une différence peuvent nous contacter sur notre site web. Il y a des campagnes que l’on peut mener à la radio, dans les médias, à l’université, dans la rue pour faire changer les mentalités qui justifient les violences gratuites indignes d’une société civilisée.

 

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