Interview

Harcèlement au travail : comment y mettre un frein

Dev Ramano

Vous êtes victime de harcèlement au sein de votre travail, allant même jusqu'à un licenciement abusif. Comment mettre fin à une telle situation ? L'avocat Dev Ramano aborde les diverses législations et explique comment un salarié peut se protéger de ce phénomène et obtenir réparation.

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Le harcèlement entraîne une dégradation des conditions de travail. Qu’en est-il quand ces délits sont commis sur un lieu de travail ?
Considérons au préalable la panoplie des formes dans lesquelles le phénomène du harcèlement se manifeste. Principalement, on peut évoquer trois variantes : le harcèlement moral, le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel. Même si dans le cas du troisième type, en particulier où la plupart des victimes sont des femmes. Le harcèlement dans toutes ses manifestations frappe les salariés, indistinctement des genres. Le harcèlement sexuel se réfère à des avances sexuelles non-sollicitées, que ce soit par le toucher, le regard, les pressions pour pousser à l’acte ou même des blagues à connotation sexiste. Il embrasse tout le corps social. Par contre, le harcèlement moral ou psychologique garde une place de prédilection sur le lieu de travail. Bien sûr, le harcèlement entraîne une dégradation des conditions de travail. Remarquons que le salarié, dans la relation employeur/employé au niveau de l’entreprise, se trouve dans une situation de vulnérabilité et de dépendance.

Les techniques habituelles de harcèlement des employeurs ou des supérieurs hiérarchiques à l’égard du salarié, dépendant de l’objectif visé, englobent, entre autres, des pressions, reproches, blâmes, modifications des secteurs d’activités, menaces de sanctions, attitudes agressives, des critiques injustifiées, refus de dialoguer, remarques insidieuses, dénigrements, volontés de ridiculiser, moqueries, de rapports conflictuels et difficiles, des humiliations et de mauvais traitements.

L’effet désastreux de cette avalanche est que le salarié est atteint dans sa dignité. Il est amené à opérer dans une atmosphère malsaine susceptible de porter atteinte à ses droits, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Sa santé physique ou mentale est altérée, son avenir professionnel est compromis. Cela peut même culminer par le suicide, comme cela a été le cas chez France Télecom et chez Renault en France.

Notre législation protège-t-elle un employé lorsqu’il est victime de harcèlement sur son lieu de travail ? Comment ?
On peut élaborer sur ce que prévoient le code pénal, le code du travail et la législation gouvernant les démarches discriminatoires. L’article 254 du code pénal condamne le harcèlement sexuel.De son côté, l’article 25 de l’Equal Opportunities Act de 2008 définit et explicite le harcèlement sexuel dans ses aspects de discrimination sur la base du genre.

Plus spécifiquement, au niveau des relations de travail, l’Employment Rights Act de 2008 couvre un large éventail d’actes de harcèlement dans sa définition allant de « any unwanted conduct, verbal, non-verbal, visual, psychological or physical, based on age, disability, HIV status, domestic circumstances, sex, sexual orientation, race, colour, language, religion, political, trade union or other opinion or belief, national or social origin, association with a minority, birth or other status, that a reasonable person would have foreseen that a worker would be affected negatively in his dignity. »

A la partie XI, sous le chapeau de « Violence at work », l’article 54 condamne les divers actes de harcèlement à l’égard du salarié comme on a déjà décortiqué et prévoit que toute personne reconnue coupable du délit soit passible d’une amende ne dépassant pas  Rs 75 000 et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas deux ans.

Un employeur complaisant est un actif au crime.»

Qu’en est-il lorsque le harcèlement mène au licenciement injustifié ou abusif de l’employé ?
Il est impératif de distinguer deux types de licenciement. Il y a le licenciement normal direct, le plus connu, sur la base de faute grave où l’employeur prend l’initiative de la rupture du contrat.

Dans le domaine du harcèlement, le mécanisme s’avère différent. Ici, le salarié est pris dans un engrenage de reproches, de brimades répétitives le rendant prisonnier d’une atmosphère de travail malsaine comme j’ai élaboré précédemment.

Soulignons que le harcèlement ne se constitue pas d’un acte isolé, mais de plusieurs actes à répétition. Dans le cadre de ces situations dramatiques, souvent  l’objectif visé par l’employeur est nul autre que de créer des conditions qui poussent le salarié vers la porte de sortie de son propre gré.

Dans ce cas de figure, ou le salarié se laisse faire ou ne connaissant pas ses droits, la fin tragique aboutit à une démission tout court de l’employé, résigné, démoralisé, dégoûté et dépité. Ou il est licencié sur la base de faute grave de ne pouvoir pas répondre aux tâches octroyées dans cet environnement dégradant.

Par contre, un employé victime qui ne se laisse pas taper sur les doigts, peut s’engager dans un processus de résistance aux actes de harcèlement en reprochant à l’employeur les faits, le manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles de pourvoir, de bonne foi, au salarié, les considérations appropriées et des conditions saines de travail.

Remarquons que l’article 1134 du Code civil mauricien précise que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi pour ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Ainsi, le salarié peut quitter ou démissionner de son travail, prendre acte de la rupture de son contrat de travail à l’initiative et aux torts de l’employeur et demander à la justice une requalification de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qu’on appelle dans le jargon légal  anglais, « constructive dismissal »

Quel recours a l’employé pour obtenir justice ?
Le salarié peut rapporter le cas au ministère du Travail qui demanderait à son inspectorat de procéder à des enquêtes plus approfondies et d’entamer des suites pénales. Pour les délits d’ordre sexuel, il peut avoir recours à la justice pour des suites pénales sous l’article 254 du Code pénal mentionné plus haut.

Si l’acte de harcèlement est de caractère discriminatoire, l’Equal Oppportunities Commission aussi demeure un forum de recours. Ultimement, une suite civile pour dommages et intérêts peut être aussi envisageable.

Si l’employé est harcelé par un « collègue » ou des collègues, comment peut-il se protéger ?
Il faut que l’employé réagisse et dénonce. Eh bien, le collègue, ou les collègues harceleurs peuvent être pris dans les filets des provisions légales qu’on a énoncées plus haut et peuvent aussi être inquiétés par les enquêtes de diverses autorités.

Quel est le rôle de l’employeur dans ce cas précis ?
L’employeur doit assurer que le contrat établi entre lui et son employé soit entériné de bonne foi et la vie de cette convention soit empreinte d’une loyauté quant à ses termes. Ce qui implique que, tout comme le salarié se doit de respecter son employeur, celui-ci doit démontrer des considérations réciproques à l’égard du premier. L’employeur ne peut se permettre de faire semblant de ne rien discerner ou de se montrer complaisant vis-à-vis des actes arbitraires et de harcèlement de ses préposés à l’encontre du salarié victime.

Que risque l’employeur s’il ne parvient pas à maintenir une stabilité dans le cadre de son entreprise ?
Un employeur complaisant face à l’atmosphère lourde du harcèlement dans l’enceinte de son entreprise demeure un participant actif au crime. Il est passible de poursuite pour complicité.

 

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