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Harrish Reedoy : «Si nous régressons à 4 credits, ce sera un nivellement par le bas»

Harrish Reedoy

Harrish Reedoy, le président de la United Deputy Rectors and Rectors Union, s’exprime une semaine après la proclamation des résultats du Higher School Certificate (HSC). Il fait un tour d’horizon sur la situation éducative à Maurice et parle du critère de 5 credits pour passer en Grade 12 (Lower VI).  

Les résultats du Higher School Certificate (HSC) sont officiels depuis le 10 février. Quel est votre constat sur la performance des élèves ?
Le taux de réussite aux derniers examens du HSC est de 92,25 %. La comparaison doit être faite avec les résultats de l'année 2019 ou avant où aucune considération particulière n'a été accordée aux collégiens en raison de la pandémie de Covid-19. En 2019, le taux de réussite était de 74,95 %. Il s'agit d'une augmentation de 17,3 % par rapport à 2019. Deux raisons expliquent cette situation. Premièrement, tous les candidats qui se sont présentés aux examens du HSC avaient 5 credits. Ensuite, les  examens initialement prévus pour juin 2022 ont été reportés à octobre de la même année. Ainsi, ils ont eu davantage de temps pour se préparer. Une autre observation notable est que les performances dans diverses matières se sont considérablement améliorées, principalement en mathématiques, sciences et économie, entre autres.

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Cette année, nous voyons que les lauréats viennent de tous les collèges. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
C’est très bien, car cela motivera les élèves à donner le meilleur d'eux-mêmes en économie et HSC pro, ce qui devrait être valorisé comme c'est le cas pour les sciences. Les institutions habituées à la grande scène l'ont bien mérité avec le Collège Royal de Curepipe et de Port-Louis, le Queen Elizabeth College, Droopnath Ramphul State College, Dr Maurice Curé State College, Collège du Saint-Esprit et Mahatma Gandhi Institute de Moka.

Mais on voit aussi l'émergence d'autres collèges, alors que certains reviennent au-devant de la scène. Il y a le Collège de Lorette de Quatre-Bornes, Doha Secondary School, Sookdeo Bissoondoyal State College, Forest Side State Secondary School pour filles, John Kennedy College et le Dr James Burty David State Secondary School. J'espère que je n'ai oublié aucune institution, car nous devons saluer le travail accompli par tout le monde. Les élèves et le personnel ont été motivés pour un objectif commun, en l’occurrence, l'excellence. 

Je pense que c'est une situation très saine, car elle encourage les élèves de tous les collèges à donner le meilleur d'eux-mêmes et espérer devenir lauréats. À ne pas oublier les 24 lauréats additionnels basés sur des critères sociaux et de mérite qui seront annoncés prochainement. Cela rendra également justice aux jeunes issus de familles à très faible revenu.

Croyez-vous que d’autres collèges vont continuer à sortir du lot ?
Cette tendance se poursuivra certainement avec d'autres établissements publics et privés qui entreront en scène avec des élèves classés ou avec des lauréats. La réforme de l'éducation avec la régionalisation au niveau du secondaire démocratisera certainement le système des lauréats, puisque les académies acceptent les élèves à partir de la Grade 10. Il y a des élèves ayant de très bons résultats au National Certificate of Education (NCE) ou du School Certificate (SC) qui ont choisi de poursuivre leurs études dans leur collège régional. Ils commenceront sûrement à mieux faire que ceux qui fréquentent les académies à partir de 2025, lorsque la première cohorte de la réforme passera les examens du HSC. 

Cependant, il faut aussi être réaliste. Vu que les meilleurs candidats des NCE choisissent d’intégrer les académies, ces dernières auront une majorité de lauréats. C'est pourquoi la réforme a prévu des bourses régionales pour les élèves qui poursuivent leurs études dans leurs collèges.

Le MES a publié vendredi dernier les statistiques sur la performance des élèves du SC. Il en ressort que la moitié d'entre eux n'a pas obtenu les résultats voulus pour passer en (Grade 12 ) Lower 6. Comment remédier à cette situation ?
En 2019, 5 518 élèves sur 18 659 ont décroché les 5 credits minimums nécessaires pour passer en Grade 12 et en 2022, 7 441 sur 15 474. Une simple comparaison montre que 3 élèves sur 10 ont obtenu 5 credits en 2019, contre 5 sur 10 en 2022. Il y a eu une augmentation considérable depuis la réintroduction de ce critère. Cependant, en tant que pédagogue nous ne pouvons être satisfaits de cette situation, car la moitié des élèves examinés ne peuvent pas atteindre le niveau requis.

Dans le passé, le critère de 5 credits n’a jamais posé problème, et ce sans toutes les facilités dont les élèves disposent de nos jours, notamment le transport gratuit, les manuels gratuits et la subvention des frais d'examen, entre autres. Malheureusement, aujourd’hui, nous constatons un manque de volonté et d'assiduité de la part de certains élèves. Il y a également la surexposition aux médias sociaux à des fins non pédagogiques, une tolérance excessive et une négligence parentale, quant au soutien dont les enfants ont besoin à la maison.

Pour y remédier, les parents doivent assurer le suivi du travail effectué à l'école. Il leur est également conseillé de se rendre plus souvent à l’établissement scolaire de leur enfant quand ils constatent que ses notes commencent à chuter, et ce dès la Grade 10. Lorsqu’un élève est conscient que ses parents et enseignants sont concernés par ses performances scolaires, il commence à faire des efforts à l'école. 

Selon vous, est-ce qu'il ne faudrait pas permettre aux collégiens ayant obtenu 4 credits de passer en Grade 12 (Lower VI) ?
Je sais qu'il y a 1 534 collégiens qui ont eu 4 credits aux examens du SC 2022. De nombreux acteurs de l'éducation ont exprimé leur opinion à ce sujet et nous la respectons. Cependant, l'UDDRU soutient depuis le début la politique de 5 credits comme critère de promotion en Grade 12.

Le grand public ne connaît pas le nombre de points requis pour obtenir un credit. Si vous analysez le seuil des notes pour l’année dernière pour différentes matières, un credit publié récemment par Cambridge est bien inférieur à 40 points. À titre d'exemple pour obtenir un credit 6 en 2022 dans les matières mentionnées ci-dessous, les candidats devaient obtenir les points suivants :

  • Comptabilité - 27
  • Économie - 40
  • Business Studies - 25
  • Physics- 39
  • Chimie - 36
  • Biologie - 38
  • Mathématiques - 32
  • Add Maths - 22

Est-ce si difficile à atteindre ? Faut-il régresser à nouveau à 4 credits ? L'UDDRU compte plus de 75 vice-recteurs et recteurs dans les collèges et les académies publics. Nos avis convergent tous vers 5 credits comme critère de passage en Grade 12. Nous devons inculquer la culture de l'excellence à nos élèves. Croyez-moi, nous ne leur rendrons pas service si nous revenons au critère de 4 credits.   Ce sera un nivellement par le bas. Deux ans avant les examens, ils ont été informés des critères de promotion. Nous ne pouvons pas changer les règles du jeu après que ce dernier a été joué. Ce sera injuste, car l'année dernière aussi les candidats avec 4 credits n'ont pas été promus.

Tous ceux qui ne passeront pas en Grade 12 devront trouver un autre créneau, comme suivre les cours du Mauritius Institute of Training and Development (MITD). Est-ce intéressant pour les élèves concernés ?
Dans de nombreux pays, les collégiens qui reçoivent un enseignement professionnel gagnent systématiquement de meilleurs revenus que ceux qui choisissent la voie académique. Les parents doivent également tenir compte de ce facteur dans leur prise de décision. Le défi consiste à créer des programmes de formation professionnelle qui permettent aux diplômés de réussir sur le plan professionnel. Lorsque nous relèverons ce défi, les élèves les plus brillants se battront également pour une place dans les programmes TVET.

Contrairement à ce qui se passe dans les pays en développement, les employeurs et les entreprises de la plupart des pays développés font la queue pour embaucher des diplômés des programmes TVET. D’ailleurs, la réforme de l'éducation a prévu l’émergence des institutions TVET comme le Polytechnics of Mauritus. Le marketing de ces institutions devrait être plus agressif non seulement après les résultats du SC, mais bien avant. Je sais aussi que de nombreux collégiens avec de très bons résultats aux SC et HSC rejoignent le MITD et le Polytechnics  dans les secteurs tels que l'informatique, la gestion hôtelière et la santé. La mentalité est en train de changer et ces programmes ne sont plus l’apanage des décrocheurs scolaires.

Que faut-il faire pour obtenir les 5 credits en SC ?
Dès la Grade 10, les élèves doivent bien choisir leurs matières. Ensuite, ils doivent se fixer des objectifs, rester concentrés jusqu'à la fin des examens du SC et ne pas se laisser distraire. D’ailleurs, je conseille souvent aux collégiens de travailler pour obtenir un credit, voire une distinction dans chacune de leurs matières. Tous les sujets sont importants et les élèves doivent y accorder le temps approprié en fonction de leur niveau de difficulté pour une révision régulière.  

Les collégiens font l’erreur courante de commencer à étudier sérieusement qu’après avoir reçu leur emploi du temps pour les examens de la SC. Hélas, c’est trop tard,  car les enseignants ne sont plus là pour les aider. Ensuite, les parents doivent soutenir leurs enfants tout au long de ce processus d'apprentissage. Rappelez-vous toujours ce dicton : « Rome ne s'est pas construit en un jour ». Ainsi, investir dans l'éducation pendant quelques années deviendra un revenu pour la vie.

C'est la première fois que nous avons des lauréats en HSC Professionnal. Est-ce qu'il ne faudrait pas encourager les élèves dans cette filière ?
Ce concept a été introduit sur une base pilote depuis le début janvier 2015. Le HSC Professional est au même niveau qu'un HSC sur le « national qualification framework ». Le but de cette qualification est d'offrir aux collégiens qui ont terminé leur SC un programme d'études alternatif au HSC normal qui est plus adapté vers le monde du travail. Ce programme a été développé en mettant l'accent sur « l’apprentissage appliqué ». Il est conçu de telle manière qu'il prépare les apprenants au monde du travail. 

Depuis son introduction, les résultats de HSC Pro ont été assez encourageants avec des collégiens  qui ont décroché une distinction au Cambridge technique. Un certain nombre d’élèves  qui ont suivi le HSC Professional sont aujourd’hui engagés dans des carrières où ils estiment que les compétences acquises au cours de leurs études les ont grandement aidés. D'autres ont rejoint des cours universitaires. De plus, le ministère a maintenant offert deux bourses HSC Pro au meilleur collégien et la meilleure collégienne. Ces bourses devraient fournir la reconnaissance nécessaire à la qualification, ainsi que la possibilité aux candidats à poursuivre des études supérieures. Je recommanderais certainement aux collégiens de considérer cela comme une option viable.

Il y a un manque d’enseignants dans pratiquement tous les collèges depuis le début de l'année. Quelles sont vos solutions ?
Cette situation concerne certaines matières dans certaines écoles secondaires. Elle est due principalement à la nomination de 45 enseignants en tant que recteurs-adjoints à la fin de décembre dernier, mais aussi au nombre élevé d’enfants admis en Grade 7. Certaines écoles ont accueilli cinq classes de Grade 7 au lieu de trois. Tout cela a eu une répercussion sur le nombre d’éducateurs. De plus, l'enseignement n'est plus considéré comme une carrière attrayante par les nouveaux diplômés universitaires. La liste des éducateurs suppléants a été aussi épuisée dans certaines matières.

Pour remédier à cela, le ministère devrait rechercher des enseignants à la retraite et engager également des professeurs suppléants dès que possible. Cela devrait être la priorité immédiate. Cependant, je sais que dans de nombreuses écoles, des dispositions internes ont été prises avec la collaboration des enseignants afin que les élèves ne manquent pas leurs cours jusqu'à ce que de nouveaux professeurs soient recrutés.

Le mot de la fin ?
Nous avons vraiment besoin du soutien des parents pour améliorer les résultats à tous les niveaux, que ce soit NCE, SC ou HSC. Le rôle de l'école étant principalement le développement intellectuel de l'enfant, c'est surtout dans ce domaine que les parents et les enseignants doivent communiquer entre eux et collaborer. Les enseignants doivent considérer l'intervention des parents non pas comme une intrusion encombrante - bien qu'il arrive, sans doute, qu'elle le soit - mais comme un mouvement naturel et nécessaire, voire un apport qui peut être précieux. Il doit s’agir d’un échange de vues et d'informations sincère, reflétant le même souci du bien supérieur de l'enfant. 

Les responsables des établissements scolaires doivent réunir les parents deux ou trois fois dans l'année afin de leur faire comprendre leur rôle dans l’éducation de leurs enfants. Aux côtés des enseignants, ils ont un devoir de vérité envers les parents, malgré le désir très naturel de ces derniers de n'entendre que des choses agréables sur leurs enfants.
 

 

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