Interview

Imran Dhannoo, du Centre Idrice Goomany : «La drogue synthétique est pire que l’héroïne»

Imran Dhannoo

Entre deux maux, il y en a un qui fait le moindre mal, dit Imran Dhannoo du Centre Idrice Goomany. La drogue synthétique, pour lui, est mortelle.

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Il y a eu pas mal de saisies de drogues en tous genres, mais le marché est quand même bien approvisionné. Comment expliquer ce paradoxe ?
Je vous renvoie la question : si les autorités n’avaient pas saisi toutes ces drogues, où en serions-nous ? Dans les années 80, le brown sugar faisait des ravages et un papier se vendait à Rs 10. Aujourd’hui, cela coûte Rs 250. Un toxicomane doit ainsi trouver Rs 1 000 pour se payer ses doses quotidiennes.

Comment fait-il, lui qui pointe géneralement au chômage ?
Si c’est un droger kas yen, il peut travailler, sinon il va voler.

La drogue synthétique fait des ravages et touche de plus en plus d’ados et d’enfants…
La drogue synthétique est apparue sur le marché local depuis 2013. Le produit de base provient de Chine. Il est mélangé avec d’autres ingrédients. Le dosage et les ingrédients varient selon les pays. À Maurice, ce sont des cannabinoïdes de synthèse qui sont utilisés.

Que comporte cette drogue, de l’anti-rat ?
Non… Ce sont des feuilles sèches qu’on ajoute à du solvant. Si on y met de l’anti-rat, c’est la mort assurée. À Maurice, ce mélange se fait de façon artisanale, d’où toutes les rumeurs sur la composition de la drogue synthétique.

Est-ce cher ?
Une petite pochette coûte à peine Rs 100.

Je connais un enfant de 9 ans qui se droguait à la synthétique»

Les ados peuvent s’en payer avec leur argent de poche ?
Le prix est trop abordable. Sakenn met enn koste si mank kass. Avec une cigarette, on a jusqu’à sept taffes.

Vous êtes bien placé pour nous dire si nous avons affaire à un vrai fléau ou si c’est seulement « synthétique », exagéré…
Sur 100 personnes qui viennent au centre pour traiter leur addiction à l’héroïne, 70 ont goûté à la drogue synthétique.

Les arrestations n’arrêtent pas…
De janvier à avril 2018, 65 % des arrestations concernent des consommateurs de drogue synthétique. C’est devenu fréquent depuis l’arrivée du Black Mamba en 2013.

Qu’est-ce qui pousse les jeunes à « synthétiser » ?
L’effet de la drogue synthétique est éphémère.  Bann zenes gagn nisa pendant un bref instant. Quand ils émergent, ils sont dans un état de manque. Ce qui les pousse à aller en chercher encore. C’est un phénomène mondial et les barons de la drogue l’ont compris.

Il faut une étude sérieuse sur les raisons et les circonstances qui poussent les jeunes à se droguer. Pas uniquement à la drogue synthétique, mais sur toutes les drogues. Je connais le cas d’un enfant de 9 ans qui se droguait à la synthétique. Sa mère était sous méthadone et son frère aîné se shootait…

Nous faisons face à un réel problème et si nous n’y prenons pas garde, nous sommes mal barrés.

La Food and Drugs  Administration des États-Unis a récemment autoriser l’utilisation du cannabis à des fins médicinales et le débat va bon train à Maurice concernant la dépénalisation du gandia. Votre avis ?
Je vais jouer franc jeu : un individu ne devrait pas se retrouver en prison s’il est pris avec un pouliah de gandia. C’est une bonne chose que le débat sur la dépénalisation du cannabis soit lancé chez nous. Pour ce qui est de l’utilisation du cannabis à des fins médicinales,  why not ? L’Organisation mondiale de la santé a reconnu ses bienfaits…

Quelle est la plus mortelle des drogues en circulation à Maurice ?
La drogue synthétique est toxique et fatale. Elle est pire que l’héroïne, car elle prend possession de notre corps.

Le nombre de patients admis à l’hôpital Brown-Séquard après avoir consommé de la drogue synthétique fait peur…
En 2016, il y a eu 418 admissions liées à la drogue synthétique. Entre janvier et mai 2018, 216 cas. Il y a eu 17 morts en 2015, 37 en 2017 et de janvier à mai 2018, on a dénombré 11 morts. Ce sont des chiffres officiels du ministère de la Santé. C’est à vous donner le tournis.

 

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