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Inondations à Port-Louis : l’angoisse et la désolation toujours vivaces

Angle des rues Guillaume Giquel et Gravier, à Tranquebar.La maison s’est écroulée dans le ruisseau du Pouce Rue Gravier Tranquebarrue Jules Mallac Tranquebar

Passé le choc des inondations du 21 avril dernier, l’heure est au bilan et aux mesures à prendre pour éviter de revivre un tel drame. Certains résidents et commerçants envisagent une délocalisation, soit avec le soutien de l’État, soit par leurs propres moyens.

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Le calme semble être revenu à Tranquebar et dans les rues de la capitale. Après le choc provoqué par les inondations du dimanche 21 avril dernier et les agitations qui ont suivi le lendemain, la vie semble avoir repris son cours normal. Chacun essaie encore de panser ses blessures après avoir nettoyé à grande eau toute la boue et les déchets transportés par les torrents. Cependant, une odeur âcre et de moisissure plane toujours çà et là. Il en va de même pour les dégâts causés par l’eau. La vie ne sera plus la même pour certains, en particulier pour ceux qui ont été le plus gravement affectés.

Résidents et commerçants semblent résignés à avancer. Mais la frustration d’avoir vécu des moments difficiles à deux reprises au cours de la même année, à seulement quelques mois d’intervalle, est bouleversante pour eux. Chacun tente de se relever comme il peut et essaie en même temps de trouver des solutions pour faire face à une éventuelle nouvelle catastrophe. L’angoisse est toujours présente. « Je n’arrive pas à dormir depuis les événements de dimanche », déclare Wendy Andoo. La maison familiale, où elle vit avec ses vieux parents, se trouve juste à côté de celle des Ramsahye et Dindoyal. L’une s’est effondrée dans le Ruisseau du Pouce et l’autre pourrait s’écrouler à tout moment, lors de la prochaine grosse averse.

Chez la famille Andoo, c’est ainsi l’inquiétude, car ils pensent que le sol doit être instable. Avant que la maison des Ramsahye ne bascule dans la rivière, le mur de leur clôture s’était effondré peu de temps auparavant. Cela les amène à penser que les fondations de leur maison ont été fragilisées, d’autant plus qu’ils ont entendu des craquements dimanche. « Enn ekper bizin sertifie ki nou pa riske nanie, sinon nou lavi an danze si nou kontign res dan sa lakaz-la », explique-t-elle.

Avec ses parents âgés et sa mère ayant des difficultés à se déplacer, Wendy Andoo ne veut prendre aucun risque. N’ayant aucun proche à Maurice, elle ne sait pas où elle pourrait aller si elle devait évacuer la maison. Et même si les autorités étaient disposées à délocaliser toutes les familles se trouvant à proximité du Ruisseau du Pouce, il n’est pas question d’avoir un abri temporaire, souligne Wendy Andoo. Elle fait comprendre que c’est à la suite des travaux inachevés dans le Ruisseau du Pouce que ces événements tragiques se sont produits. « Nous ne pouvons être tenus pour responsables d’avoir construit sur un terrain instable. Nos parents vivent ici depuis plus de 40 ans et rien ne s’est produit jusqu’à ce que le mur de soutènement soit démoli lors des travaux dans le lit du ruisseau » dit-elle. Pour Wendy Andoo, c’est aux autorités de trouver des solutions au problème que vivent toutes les familles à proximité.

Plus haut, au cœur de Tranquebar, les habitants des environs de la rue Jules Mallac attendent des jours meilleurs. Après de nombreuses années dans le quartier, ils n’ont pas d’autre endroit où habiter. Un des habitants, dont la maison se trouve juste en bordure de la rivière qui traverse le quartier, ne sait à quel saint se vouer. Mis à part le fait que les autorités aménagent un mur de soutènement pour protéger sa maison, il ne voit pas d’autre solution. Bien qu’il soit conscient que sa maison est à risque, il ne songe pas pour le moment à quitter les lieux, tout comme ceux qui habitent à proximité.

Les déboires des commerçants 

Dans le centre-ville de Port-Louis, ce sont particulièrement les commerçants du côté des rues La Poudrière, La Chaussée et John Kennedy qui ont fait les frais des inondations. Propriétaire d’un petit commerce, Maryline se désole d’avoir subi des pertes lors des deux inondations, le 15 janvier et le 21 avril. Elle déplore de ne plus disposer d’une assurance contre les inondations sous prétexte que son commerce se trouve dans une zone à risque. « La compagnie d’assurance nous a fait savoir cette année que nous ne serions pas couverts », dit-elle. La gérante demande ainsi aux autorités des « trouver une solution » pour eux, car ils sont prêts à payer les frais de l’assurance afin d’être indemnisés en cas de catastrophe.

Pour elle, il n’est pas question d’abandonner son commerce « alors que ceux qui sont en partie responsables des inondations sont toujours là ». Maryline est ainsi d’avis que les autorités devraient faire le nécessaire pour faire démolir les bâtiments et les structures qui empêchent l’eau du Ruisseau du Pouce et du canal qui longe la rue La Poudrière de s’évacuer plus facilement vers la mer. Elle affirme avoir subi des pertes sèches lors des deux inondations, mais personne ne semble vouloir écouter leurs doléances, dit la commerçante.

Plus loin, Reeaz Toorabally, gérant de la boutique One O One, envisage de partir. Mais en attendant, il renforce les mesures pour empêcher l’eau de s’infiltrer dans son commerce. « Nous avons subi beaucoup de pertes matérielles en janvier car les inondations nous ont pris par surprise. Cela comprend la perte de mobilier, mais aussi des produits en stock et les équipements qui permettaient à l’entreprise de fonctionner normalement », explique-t-il.

Selon les relevés de la compagnie d’assurance, 45 cm d’eau avaient pénétré dans le magasin. Afin de minimiser les risques d’être envahi par l’eau une prochaine fois, des barrières supplémentaires seront bientôt installées pour parer à toute éventualité, dit-il. S’il échoue encore cette fois-ci, « ce sera la délocalisation pure et simple », dit-il.

Anita Jamookeeah a regardé impuissante les images des inondations du dimanche 21 avril à travers les réseaux sociaux et les médias. Quand elle a pu se rendre dans son commerce à la rue John Kennedy le lendemain, cela a été la consternation. Tous les commerces se trouvant dans le bâtiment ont été affectés par au moins 30 cm d’eau. Ce qui a endommagé tous les produits et équipements se trouvant au niveau du sol. « Je suis frustrée d’avoir eu à vivre cela encore une fois cette année. J’ai ma propre entreprise et si cela continue, peut-être qu’il ne sera plus possible de travailler ici. Il va falloir trouver un autre emplacement car nous avons beaucoup perdu : produits et jours de travail », dit-elle. « Le paiement des factures à la fin du mois sera difficile », souligne-t-elle.
Ainsi, même si la vie semble avoir repris son cours normal pour certains, pour d’autres, l’angoisse, la frustration et la désolation sont toujours présentes.

 

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