Législatives 2019

Jack Bizlall, observateur politique : «Les jeunes ne sont ni de droite, ni de gauche» 

Jack Bizlall

Il y a un nombre important de néophytes dans la liste des partis pour les législatives. Le Mouvement Militant Mauricien propose 36 nouvelles têtes sur ses 60 candidats. Dans le cas de l’Alliance Morisien, il est question d’une trentaine de nouveaux venus. Est-ce un renouveau ? Comment l’électorat réagira-t-il ? Jack Bizlall livre ses impressions en sa qualité d’observateur politique. Il explique aussi pourquoi il ne sera pas candidat à ces élections générales. 

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Beaucoup de nouvelles têtes figurent dans la liste des partis politiques pour les législatives. Cela reflète-t-il le renouveau qu’ils ont tant promis ? 
Cette question est pertinente puisqu’elle recherche une causalité entre nouvelles têtes et renouveau. Prudence, toutefois. Le terme renouveau doit s’appliquer à la politique sur le plan qualitatif et l’application du progressisme en tant que philosophie. Un jeune peut être porteur d’un savoir académique ou technique. Ce qu’il a sans doute d’ailleurs. Mais certains peuvent ne rien avoir d’autre dans le ventre que leurs pulsions individualistes. 

Cela fait longtemps que la politique, surtout à Maurice, ne se pratique plus dans un cadre innovant et conscient. On ne fait que suivre la mondialisation et la politique anarchique du capitalisme financier, spéculatif, anti-républicain et anti-écologique. Nous reculons dans le sens où nous sommes retournés à la mécanique de l’histoire au détriment de la construction consciente de notre civilisation. 

Les jeunes viennent combler plusieurs trous politiques mais ils ne construisent rien de nouveau. Ils sont élus par défaut, par soumission volontaire et par l’attrait de la cupidité… Je veux bien qu’on me dise ce qui est proposé sur le plan constitutionnel, éducationnel, économique et social. Je veux bien entendre ce que ces jeunes disent sur la situation internationale. J’attends néanmoins de savoir ce que veulent ceux qui se trouvent en dehors des partis pouvoiristes. 

Les jeunes ne sont inspirés par aucune idéologie politique sans être apolitiques. Ils sont tous, excusez mon jugement, des opportunistes.»

Comment pensez-vous que l’électorat réagira face à ces nouvelles têtes ? 
L’électorat de Maurice ne réagit que lorsqu’il y a un grand enjeu : en 1967 avec l’indépendance et le danger du Parti mauricien social-démocrate ; entre 1976 et 1982 pour sortir du marasme économique ; ou encore en 2014 pour empêcher l’installation d’une République présidentielle. En 1967, j’avais 21 ans. J’ai été élu député de par mon engagement politique à 30 ans, en 1976. 

La décision de Jugnauth de faire de la politique un business, ou du moins un métier bien payé avec pension à la sortie, a tout saccagé. Pour un jeune aujourd’hui, il ne reste que l’écologie comme moteur ou prétexte. Les jeunes d’aujourd’hui ne sont ni de droite, ni de gauche, comme ils disent. Ils ne sont inspirés par aucune idéologie politique sans être apolitiques. Ils sont tous, excusez mon jugement, des opportunistes. 

L’opportunisme en politique consiste à opter pour ce qui se présente en termes de pouvoir, d’argent, de statut et de paraître, en rejetant les principes moraux, l’idéologie et les intérêts objectifs des électeurs qu’on veut défendre… En changeant souvent de bord… et de navire. Leur vie se résume à se corrompre soi-même ; à être à la fois le corrupteur et le corrompu. Allez voir ce que les termes « macadam » et « bagasse » – ce qu’ils sont – signifient en langage soutenu ou familier. 

Les observateurs politiques sont nombreux à penser que ces jeunes vont tout droit à l’abattoir... 
Il n’y a que 60 sièges à pourvoir. Donc beaucoup de déceptions à prévoir. Mais il faut surtout analyser la situation de ces jeunes candidats. En termes de classe, ils sont presque tous issus de la classe moyenne. N’allez pas soulever les pulsions politiques des agents de cette classe qui ne veulent ni retourner dans la classe ouvrière dont ils sont issus, ni se soulever contre la classe capitaliste dont ils dépendent directement ou indirectement. C’est une classe sociale potentiellement dangereuse.  Une des raisons pour lesquelles je ne serai pas candidat est le fait que tous les efforts faits envers des jeunes n’ont servi à rien, si ce n’est qu’ils se font débaucher par des organisations politiques de droite , par l’idéologie sectaire et la pratique manœuvrière. Ils proposent tous l’Étatisme. Je préfère laisser la tempête se calmer. Qu’ils fassent leur expérience personnelle et que le temps leur soit donné pour qu’ils se rendent compte de deux choses : que la politique n’est pas le rejet de la philosophie et de l’idéologie ; et que la politique se pratique avec un savoir, un savoir-faire, un savoir-être et un savoir-vivre. 

 

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