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Jayrani bulleeram: le bonheur des tresses de vacoas

Chez les Bulleeram, les petites mains des belles-filles perpétuent une tradition quasi sacrée : le tressage du vacoas et du raphia. Dans cette famille, les femmes sont artisanes depuis trois générations. Rencontre avec Jayrani Bulleeram qui a voué sa vie au tressage. Lorsqu’on arrive un beau matin à Brisée-Verdière dans l’atelier de Jayrani Bulleeram, une veuve de 70 ans, on découvre sur le présentoir de nombreux objets traditionnels comme des paniers, chapeau et porte-photo, entre autres. En pénétrant dans le petit commerce de cette mère de six enfants, il semble que le temps se soit arrêté. De nombreux objets d’artisanat s’y amoncellent. Assise sur sa chaise sur la terrasse de son atelier, l’artisane s’affaire. Elle s’apprête à ranger ses objets pour la vente. Elle nous reçoit, toute souriante. « Je me suis mariée à l’âge de 16 ans. En fait, c’est ma belle-mère qui tressait le vacoas pour fabriquer des paniers et des tapis. Je lui donnais un coup de main jusqu’au jour où j’ai commencé à fabriquer, moi-même, des objets », raconte-t-elle. Grâce aux connaissances et aux techniques apprises de sa belle-mère Phoolmateea, l’artisane perpétue cette activité, véritable tradition familiale, pour répondre à la demande de ses clients, mais aussi pour nourrir la passion qui l’anime pour son métier. Elle aime le travail minutieux du tressage.
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Doigts de fée

Sur les tables et le sol de l’atelier, on retrouve des feuilles de vacoas ainsi que de raphia naturel et en plastique. Même à 70 ans, Jayrani est une femme infatigable. Avec ses doigts de fée, elle perpétue une tradition qui semble avoir perdu de sa superbe, au fil des années, mais qui fait encore la fierté et la renommée de ce petit village. « Le tressage du vacoas est pratiqué depuis longtemps. Je suis fière d’avoir pu préserver ce métier. Car, aujourd’hui, ce domaine n’intéresse plus les gens », estime-t-elle. « Je crée mes produits. Je me tiens au courant des nouvelles tendances. Pour répondre aux demandes de mes clients, je fabrique d’autres objets à l’aide de raphia naturel et en plastique », dit-elle. Cela fait bientôt 55 ans qu’elle fait ce métier. Elle a gagné la confiance de ses clients et a acquis une certaine notoriété. Pour perpétuer cette tradition familiale, elle a transmis cette passion à ses belles-filles qui, à leur tour, ont pris le flambeau du business familial. L’artisane bouillonne d’idées pour faire prospérer l’affaire familiale. Pour pérenniser son savoir-faire ancestral, elle forme des tresseuses. « Des jeunes à qui j’ai appris les rouages de ce métier m’aident beaucoup dans mes tâches. Ils embellissent mes créations », soutient-elle. Ses deux points de vente à Brisée-Verdière et à Belle-Mare lui permettent de commercialiser ses objets d’artisanat à travers l’île. Malgré le peu d’éducation qu’elle a reçue, la septuagénaire est fine stratège. « J’ai souvent de la chance d’exposer mes créations dans les hôtels. Ena bokou touris ki aste mo bann prodwi. Zot apresie bokou lorizinalite e kreativite. Zot kontan sa touss lokal la », dit-elle. Son métier lui a aussi permis de rencontrer des gens des quatre coins du globe. « La qualité du service sans compter la préparation qui est spéciale », ajoute-t-elle.

Une tâche fastidieuse

« À l’époque nous devions acheter les feuilles de vacoas avec des propriétaires. On payait Rs 20 à Rs 30 par arbre. Vu la cherté, j’ai planté le vacoas dans ma cour. Aujourd’hui, j’ai une centaine d’arbres », avance-t-elle. « Le travail en amont est plutôt fastidieux. Celui-ci requiert de la patience. Tout d’abord, il va falloir enlever une par une les feuilles de leur branche. Du fait de leur disposition en spiral, cela ne peut se faire aisément », fait-elle observer. Il faut faire très attention aux doigts, car la feuille de vacoas est tranchante. « En fait, la feuille présente trois rangées d’épines qui ont tendance à lacérer la peau même si une personne ne fait que l’effleurer », explique-t-elle. Il faut donc les manipuler une par une et enlever les épines. Une tâche fastidieuse, surtout lorsqu’elles sont recroquevillées sur elles-mêmes. « Je coupe ensuite des lanières, que l’on appelle chez nous des brins, dans le sens de la longueur et de la dimension demandée », poursuit-elle. « Il ne faut que conserver les lanières qui me serviront dans mon ouvrage », dit l’artisane. S’ensuit une longue période de séchage en bottes, en éventails ou en fagots suspendus. « Il faut compter au moins trois jours en plein soleil. Une fois bien sèches, les lanières ont une consistance un peu cartonneuse et ont une couleur allant du beige au marron foncé. Normalement, une feuille récoltée verte sera plus claire après le séchage tandis que celle ramassée au pied de l’arbre a une tendance à être plus foncée », fait-elle ressortir. À la veille de démarrer une commande, elle prend soin d’envelopper une quantité de lanières qu’elle utilisera dans un linge mouillé afin de les rendre plus souples. À l’instar de bouchers, elle a son propre couteau. Et juste avant de commencer le tressage, elle assouplit les lanières séchées à l’aide d’un couteau sur chaque face. Elle dit commencer par un truc simple, c’est-à-dire, un set de table. « La technique du tressage simple n’est pas compliquée. Il suffit d’alterner un dessus dessous », poursuit-elle. Pour confectionner des paniers, et d’autres objets plus ou moins mythiques, elle dit suivre le même rituel. « Il faut prendre soin de bien serrer les lanières, afin qu’il n’y ait pas de trou une fois l’ouvrage achevé. Lorsque c’est fait, donnez un point de couture autour pour les pérenniser », conseille l’artisane.

Notion de plaisir

« Je n’ai besoin de rien pour travailler, si ce n’est d’un couteau et d’une aiguille pour les finitions », indique-t-elle. Pour cette artisane de talent, trois à quatre heures sont nécessaires pour fabriquer un panier ou d’autres objets. « Pour des novices, cela prend plus de temps », estime-t-elle. « Il faut au moins un an de pratique quotidienne avant de pouvoir se lancer dans la réalisation ». « Je travaille au jour le jour. Pièce par pièce. En fonction de mon inspiration ou d’une commande. Mais jamais de grosses quantités. Car je ne suis pas une usine. Il faut garder la notion de plaisir », précise l’artisane.
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