Interview

Jean-Michel Giraud: « La GRA se couvre de ridicule »

Jean-Michel Giraud critique la GRA et la Police des Jeux, invitant l’État à leur donner les moyens pour être plus efficaces contre les mafieux au sein du monde hippique. Il est d’avis que la proximité des gros bonnets avec le monde politique freine tout plan d’assainissement.

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    « Il y a autant de paris au noir que de paris officiels »

Une fois de plus, le gouvernement semble vouloir tailler des croupières au Mauritius Turf Club (MTC). Est-ce encore des paroles en l’air ?
Je ne sais pas. En tout cas, je ne suis pas sûr que ce soit la solution pour assainir le monde hippique. Le MTC a eu beaucoup de choses à se reprocher durant ces dernières années mais, malgré tout, il reste l’autorité reconnue au niveau international. Il faut y mettre de l’ordre et le gouvernement doit lui donner un coup de main.

Vous aviez vous-même réclamé un Horse Racing Board. Finalement, la Gambling Regulatory Authority (GRA) a été créée. Êtes-vous satisfait de son travail ?
C’est l’ancien gouvernement qui a voulu mettre sur pied le Horse Racing Board. Qu’il y ait un organisme pour réglementer les jeux de hasard me semble tout à fait normal et nécessaire. Mais, à l’heure actuelle, la GRA s’arroge des prérogatives qui ne sont pas les siennes. Comme celle de décider du nombre de chevaux dans une course.

La GRA est en train de se couvrir de ridicule ! Trois ou quatre chevaux sont alignés dans une course dans de grands pays. Pour moi, elle est une bouledogue sans dents. La Police des Jeux aurait dû être bien plus efficace dans un aussi petit pays que Maurice. Malheureusement, depuis le transfert de Daniel Monvoisin (NDLR : en 2005), c’est comme si elle n’existait pas. Clairement, il y a un manque de volonté.

Vous avez souvent fait état de l’existence de mafieux au sein des courses. Comment se porte-t-ils ?
J’espère qu’ils se portent mal. Ils sont toujours aussi présents. Je les ai suffisamment dénoncés par le passé. L’emprise de ces mafieux est tellement importante que les commissaires à eux seuls ne peuvent se battre contre eux. Il faut une Police des Jeux efficace avec des officiers formés par des étrangers. Ils sont partout. Pas seulement chez les organisateurs des paris mais à l’intérieur même de certaines écuries.

Nombreux sont proches de certaines personnalités politiques. Celles-ci ont besoin d’eux pour financer leurs campagnes électorales. Ces gros bonnets, en échange, recherchent un « backing ». Je raisonne comme un citoyen lambda. Les détails du rapport intérimaire sur les courses devraient nous éclairer là-dessus.

La Brigade des Jeux, tout comme la GRA, semble attendre des rapports du MTC pour réagir. Est-ce normal?
J’ai cru comprendre que le MTC doit soumettre un rapport à la GRA après chaque journée de courses. Cela a été fait. La GRA n’est pas qualifiée pour établir si un jockey a bien monté un cheval. Son souci premier devrait plutôt être le pari à crédit. Celui-ci est en train de tuer les courses. Les courses truquées, vous croyez qu’elles se font avec des tickets du Tote ?  Non ! C’est chez certains bookmakers… Il ne fait pas se leurrer non plus : beaucoup d’écuries jouent à crédit.

Comment mettre un terme à ce fléau ?
Les bookmakers sont connectés à un serveur à la GRA. Il faut que la Police des Jeux puisse vérifier qu’il n’y a pas de système parallèle. N’importe qui connait un tant soit peu cette industrie vous dira qu’il y a autant de paris au noir que de paris officiels.

Les paris officiels se montent à Rs 140 millions par journée si ma mémoire ne me fait pas défaut. Si vous multipliez ce chiffre par 40 journées de courses, ça vous fait au moins Rs 5,6 milliards. C’est cette somme qui s’échappe du circuit officiel. Le MTC, qui tire ses revenus par rapport aux paris, ne touche pas ce qui doit lui revenir. L’État également. Tout laisse croire que les paris illégaux sont tolérés. C’est inadmissible.

Une Horse Racing Authority dirigée par des étrangers est proposée par des Britanniques. N’y a-t-il aucun Mauricien honnête dans le monde hippique?
Il en existe quelques uns. L’ancien Premier ministre m’avait proposé de prendre la tête d’une Turf Authority. J’ai refusé. Je lui ai expliqué pourquoi : l’État ne pourra pas tout prendre en charge. Est-ce l’État qui va former des apprentis ? Si les consultants britanniques ont préconisé cette solution, c’est parce qu’on leur a sans doute montré qu’elle direction prendre. Pourquoi l’État ne contrôle pas les paris à crédit ?

Une collusion entre les mafieux et certains politiques…
Je l’ignore. Si on met de l’ordre dans les paris à crédit, les courses seront assainies. Il faut aussi que le MTC vérifie qui sont les vrais propriétaires des coursiers. Certains ont été achetés en Afrique du Sud à plus d’un million de rands (NDLR : Rs 2,6 millions). À un moment donné, il y avait beaucoup de prête-noms. Le MTC doit être plus attentif et travailler avec la Mauritius Revenue Authority pour mener des enquêtes en ce sens.
Par le passé, certaines écuries ne payaient pas les jockeys. Qui les rémunéraient ? L’État et le MTC ont été beaucoup trop laxistes. Il ne faut pas qu’il y ait d’antagonisme entre eux.

Pourquoi est-ce que le MTC n’est jamais allé de l’avant avec son propre système de Tote ? Est-ce que cela ne lui aurait-il pas permis de remplir ses caisses?
Ça a été un grand débat. Chacun doit être dans son rôle. Celui du MTC est d’organiser des courses. Si les paris à crédit étaient contrôlés à Maurice, les milliards qui échappent au système se seraient retrouvés dans ses caisses. Déjà qu’il n’arrive pas à tout gérer, vous imaginez ce qui se passera s’il organise des paris ? Il a déjà dû se séparer de son laboratoire car il fallait consentir à des investissements énormes pour renouveler les équipements.

Est-il vrai que vous allez collaborer avec les Hardy pour la création d’un nouvel hippodrome à Pierrefonds?
Collaborer n’est pas le mot approprié. J’ai toujours œuvré pour un nouvel hippodrome. J’ai été parmi les premiers à en parler. Le Champ-de-Mars est devenu beaucoup trop petit. La piste ne peut pas tenir une saison entière. Le public assiste aux courses dans des conditions exécrables. Que ce soit dans la plaine ou dans les loges.

Tout est à refaire. Les loges, construites dans les années 30, sont tout sauf confortables. Vous avez vu les box ? Pensez-vous que des chevaux qui valent un million de rands puissent être placés dedans ? Il faut voir ce qui se fait à l’étranger. L’industrie hippique devrait s’ouvrir aux touristes. Au Champ-de-Mars, chacun se marche sur les pieds, le parking est dans la plaine. Ça manque de standing.

Terra propose un hippodrome à Pamplemousses. J’ai toutefois un penchant pour le projet de Médine, celui-ci étant situé près des agglomérations urbaines. Il sera un centre équestre complet. Le MTC pourra être actionnaire après avoir vendu ses biens à Port-Louis et à Floréal. Ce sera l’occasion pour l’Etat de délocaliser les casinos et autres maison de jeux.

 

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