Société

Jeux de hasard: une course effrénée aux millions

On rêve tous d’être millionnaire, mais certains ne se contentent pas uniquement de rêver. Pour eux, les jeux de hasard représentent une voie facile vers la richesse. Malgré les mesures prises par les autorités, la fièvre du gain rapide est toujours présente. Incursion. « Zis samem ki pou kapav fer mwa gayn impe kas », lance Malawtee, 60 ans. Grande fan des jeux de hasard, la sexagénaire ne rate aucune occasion d’essayer de se faire des millions, quitte à parcourir plusieurs mètres de sa maison d’un pas pressé pour se rendre à la boutique du coin. « Taler mo koz ar ou. Pre pou 7 heures. Mo prese-la », lance la sexagénaire à brûle-pourpoint. Nous avons pris le temps d’observer sa démarche. Une fois près du guichet, Malawtee sort de sa poche un morceau de papier sur lequel sont inscrits ses six chiffres fétiches. Comme elle, des milliers de Mauriciens font la course quotidienne aux millions. Si on dit que l’espoir fait vivre, pour eux, c’est le désir de devenir riches qui motive leur démarche. « Chaque semaine, je débourse Rs 100. Les numéros cochés sont les dates d’anniversaire de mes enfants. J’ai déjà obtenu cinq bons numéros. Mais la plupart du temps, je récupère l’argent que j’ai investi, ayant coché trois bons numéros », souligne Malawtee. Pour sa part, le commerçant avance que sa boutique se convertit en un véritable bazar chaque samedi. « Les gens s’empressent de jouer. Comme s’il y avait les soldes. Personne ne veut rater sa chance d’y participer. Nous avons eu deux gagnants ici et je peux vous dire que c’est formidable de les voir. » Les mesures prises par les autorités ne semblent guère décourager les Mauriciens dans la fièvre du gain. En tout cas, ce n’est pas l’interdiction des cartes à gratter ou des publicités des jeux de hasard qui les ont découragés jusqu’ici. Depuis son introduction en avril 2010, le Loto attire de plus en plus de gens. Que ce soit pour l’appât du gain ou la fièvre du jeu, ils n’hésitent pas à dépenser de l’argent pour tenter leur chance.

« Qui ne tente rien n’a rien »

Marc Petit, 47 ans, confie qu’il préfère parfois faire confiance au hasard et opte pour l’option Quick Pick, où les numéros sont choisis par le terminal. Il existe parfois où il prend le temps de mettre les chiffres porte-bonheur et les numéros importants de chaque membre de sa famille. « Chaque samedi, c’est le même rituel. J’ai rarement le temps de jouer en semaine. Je tente le tout pour le tout pour gagner au Loto. Jusqu’ici, j’ai dépensé plus de Rs 40 000. Une somme que je ne regrette pas d’avoir ‘gaspillée’, comme diraient certains. Je le vois comme un investissement. Après tout, qui ne tente rien n’a rien. » Par ailleurs, la Loterie verte, qui existe depuis plus de 76 ans, a fait plusieurs gagnants. Antoine Saminaden, 80 ans, joue à la Loterie verte depuis qu’il a pris sa retraite. Il avait rejoint une association d’une centaine de personnes. « Je joue systématiquement chaque mois. On ne fait qu’envoyer les numéros au responsable de l’association. Pour prendre connaissance des résultats, j’achète les journaux pour vérifier si on a touché la cagnotte. On a quand même remporté les 2e, 3e, 4e et 5e lots. J’ai pu acheter un lopin de terre et économiser pour ma famille. Nous nous assurons que l’association continue sur cette lancée même après le départ ou le décès d’un membre. D’ailleurs, nous ne sommes désormais qu’une dizaine de membres. » Pour Oopmanew Chumun, secrétaire des Government Lotteries, la Loterie verte fait des heureux depuis sa création en 1940. Il précise que la Loterie verte est un jeu passif et que les gens n’exagèrent pas quand il s’agit d’acheter des billets. Il convient de noter que la plupart des Mauriciens déboursent environ Rs 50 à Rs 100 chaque mois.

Fan des courses hippiques

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15471","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-25991","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Jeux de hasard"}}]] « Nous avons eu des gagnants qui ont acheté un seul billet. Depuis décembre 2015, la formule de la Loterie verte a repris sa forme initiale, c’est-à-dire qu’il y ait un gagnant pour les 144 lots. Depuis quelques années, nous avons noté une légère baisse. Et cela, pour des raisons économiques. En proposant le prix spécial, une hausse des ventes a ainsi été enregistrée. Le premier lot, dont le montant est de Rs 10 millions, peut être attribué à un billet invendu. Il faut préciser que le gagnant n’aura pas plus de Rs 10 millions pour la prochaine cagnotte, mais deux personnes peuvent bénéficier de cette somme chacune. Cela vise à encourager plus de personnes à y participer. » Durant la période hippique, l’hippodrome de Champ-de-Mars affiche presque complet à Port-Louis. À Maurice, les courses hippiques constituent un des sports qui attirent plus de 20 000 personnes au cours d’une journée classique. Du plus jeune au plus âgé, tous suivent attentivement le déroulement des courses. Tevin Marday, 34 ans, est un fan des courses hippiques. Il affirme qu’il a déjà dépensé plus de la moitié de son salaire en misant sur un cheval. « C’était avant que je ne me marie. Maintenant, je me contrôle car j’ai une famille à ma charge. Cette passion pour les chevaux existe depuis mon adolescence quand j’accompagnais mon père au Champ-de-Mars. Depuis, j’y vais chaque samedi. Il y a des semaines où la chance est de mon côté. J’en profite pour acheter des produits électroménagers ou des meubles. Or, il y a aussi des samedis où je rentre bredouille. C’est un jeu et on doit prendre le risque. » Qu’est-ce qui explique l’engouement des Mauriciens pour les jeux de hasard ? Jayen Chellum, secrétaire général et porte-parole de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, avance que ces jeux sont illusoires et font rêver bon nombre de gens depuis plusieurs années déjà. Selon lui, ils attirent surtout ceux au bas de l’échelle. « Vivant dans une société de consommation, nombreux sont ceux à rêver de devenir millionnaires. C’est la formule magique pour devenir riches. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait de plus en plus de personnes qui se laissent tenter de semaine en semaine. » Bien que les autorités sensibilisent les gens au jeu responsable, précise Jayen Chellum, certains n’hésitent pas à faire le contraire au détriment de leur famille. « Nous avons eu des cas où les gens préfèrent réduire le budget familial pour pouvoir participer à des jeux de hasard. Nous ne pouvons que leur dire ne pas aller dans l’excès. »  
   

70 % de la population joue au Loto chaque semaine

Le Loto semble être désormais bien ancré dans nos mœurs. Il s’agirait d’un engouement sans précédent pour tenter de remporter le jackpot. Une cagnotte qui est sans doute prometteuse pour celui qui trouve les six bons numéros. Peu importe la cagnotte de la semaine, les supermarchés, les boutiques, entre autres, sont bondés, surtout les samedis. La société mauricienne compte-t-elle des accros aux jeux d’argent ou s’agit-il tout simplement d’un moyen de se faire plus d’argent ? Virginie Pasnin, responsable de communication de Lottotech, avance que pour ce qui est du Loto, il s’agit d’un jeu de hasard et ne présente aucune caractéristique d’un jeu pouvant entraîner des habitudes problématiques. « Plus de 200 études à travers le monde le prouvent. À Maurice, c’est exactement la même chose. À l’instar des addictions aux jeux d’argent et de hasard, le Loto est mis en jeu sur une fréquence hebdomadaire et on joue peu pour gagner le jackpot, car le montant joué ne change pas les chances de remporter le jackpot. En moyenne, un joueur dépense Rs 73 par semaine au Loto. Étant membre de la World Lottery Association, nous sommes appelés à suivre les mesures mises en place en ce qui concerne le jeu responsable. Nous avons aussi inclus une loi sur le jeu responsable sur notre site Web, des conseils et mythes sur les jeux. De plus, les joueurs peuvent faire un test pour évaluer leurs habitudes de jeu », explique la responsable de communication de Lottotech. Virginie Pasnin parle aussi du suivi que Lottotech fait avec le ou les gagnants, en leur prodiguant des conseils sur les projets qu’ils souhaitent entreprendre et en leur disant qu’ils peuvent contacter la firme à tout moment.  
   

Témoignage - Un gagnant du Loto: «Un rêve devenu réalité»

À ce jour, grâce au Loto, 98 grands gagnants ont raflé le jackpot. Même si ces 98 gagnants diffèrent les uns des autres, dans la majorité des cas, leurs projets sont principalement axés sur l’amélioration de leurs conditions de vie. En 2008, Nitish, (prénom modifié), âgé de 33 ans, est parmi les gagnants du Loto. Pour lui, c’est une nouvelle vie qui commence. Cet ouvrier confie qu’il a pu réaliser plusieurs projets. « J’ai bien sûr économisé un peu d’argent. Dans la foulée, j’ai pu rénover ma maison et aider mon frère à lancer son business. J’ai aussi acheté un lopin de terre. Si je n’avais pas eu cet argent, j’aurai passé plus de 20 ans de ma vie à rembourser des prêts bancaires. » Alors que Nitish se remémore le jour où il a appris qu’il était gagnant, un sourire rayonne son visage. « Quand j’ai vu les numéros dans le journal, je n’arrivais pas à parler. J’ai crié, pleuré et même dansé car je n’arrivais pas à contenir ma joie. Pour les gens issus d’un milieu modeste, gagner au Loto est un rêve qui devient réalité. Quand je pense que j’ai pu accomplir plusieurs choses sans contracter de prêt bancaire. »
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