Magazine

Journée internationale du livre pour enfants : le goût de la lecture partagé

Tikoulou, Tizan, Lilet ek Gaspar ou encore Ludo Le Dodo, sur les rayons pour enfants dans les librairies attestent de l’engouement pour les histoires bien mauriciennes. À l’occasion de la Journée internationale du livre pour enfants ce dimanche 2 avril, rencontre avec des auteurs.

Publicité

Chaque auteur apporte sa pierre à l’édifice. Amarnath Hosany est, quant à lui, à son 15e livre. « Tizan et l’arbre à bonbons » est son plus récent ouvrage publié en décembre 2016. Il s’agit d’une histoire bien mauricienne qui raconte des aventures mystérieuses inspirées de l’histoire de « Tizan gato kanet ». Ce livre, coécrit avec Véronique Massenot et illustré par Sébastien Chebret chez les éditions l’Élan Vert vient faire découvrir les contes traditionnels aux jeunes lecteurs.

Souvent sollicité pour animer des ateliers d’écriture et de lecture dans les écoles privées, Amarnath Hosany estime que le secteur public ne fait pas la promotion des livres. « Chaque année, les célébrations autour de la journée mondiale du livre se résument à une foire aux livres. Il manque un vrai dynamisme. Et, la situation est encore pire quand il s’agit de faire aimer la lecture aux enfants », explique-t-il.

« À chaque fois, les enfants étaient heureux d’entendre et de voir les histoires sortir du livre. Ils voulaient que les auteurs reviennent les voir »

Pour lui, l’interaction entre les écrivains et les jeunes lecteurs est indispensable. « C’est souvent après une rencontre ou une séance de lecture que les jeunes s’intéressent au livre de l’auteur. C’est le partage qui crée l’engouement », fait comprendre l’auteur.

Il y un dynamisme sur le marché. Les livres sont publiés et les auteurs continuent à écrire. En février, il y a « le bestiaire mauricien » de Shenaz Patel qui a été lancé. Avec les dessins d’Emmanuelle Tchoukriel, le livre fait découvrir l’univers des animaux. Le singe, le tanrec (tandrac), le rat musqué, l’escargot, le paille-en-queue, le gecko, les « bebet sizo », la pieuvre ou encore le bigorneau, le « tectec » et l’étoile de mer sont présentés poétiquement chacun à travers une histoire drôle et malicieuse.

Les enfants découvrent ainsi cette faune de l’île tout en s’amusant à lire. D’ailleurs, les rencontres autour de ce livre avec les enfants ont démontré le réel engouement. « Dans les jours qui ont suivi le lancement, nous sommes allées à la rencontre des enfants à Mapou, à Bambous, et à Bell Village. Malgré la tendance générale, il est à déplorer que les enfants ne lisent plus. Nous n’avons pas rencontré un seul enfant qui nous ait dit non quand nous lui avons proposé de partager une histoire. Au contraire, ils avaient les yeux brillants, les bouches ouvertes, l’attention soutenue au-delà des heures habituelles », raconte Shenaz Patel. Pour elle, tout est dans l’accompagnement. Ainsi, il ne suffit pas de dire à un enfant d’aller lire, mais de lire avec lui, de l’accompagner et de l’aider à découvrir tous les avantages.

Brigitte Masson auteure à succès avec sa collection « Lilet ek Gaspar », fait découvrir la magie du livre aux petits. En 2015, elle lance le projet-pilote « Je lis mon île » dont l’objectif est de développer le goût de lire dès le plus jeune âge.

« C’est souvent après une rencontre ou une séance de lecture que les jeunes s’intéressent au livre de l’auteur. C’est le partage qui crée l’engouement »

Des animations sont organisées dans les écoles primaires défavorisées et un livre est remis gratuitement à chaque enfant. Ces ateliers ayant été fortement appréciés par les enseignants et les enfants, le projet a été validé et reconduit en 2016 sur un plus grand nombre d’élèves. Financées par IBL Foundation, les animations avaient commencé en mai 2016 et ont touché environ 500 enfants de Grade 1.

Cette année encore, de belles initiatives sont entreprises par les auteurs eux-mêmes et certaines institutions privées pour promouvoir le livre et la lecture chez les enfants. La troisième édition de la Fête de la jeunesse où le livre pour enfants volera la vedette se tiendra dans deux semaines.

Cinq librairies se sont déjà associées à l’événement, à savoir : Bookcourt, Presse-book, Le Trèfle, Papyrus et Le Printemps. Ainsi, pour titiller l’intérêt des jeunes lecteurs, il suffit de leur faire plaisir et en leur proposant des ouvrages ludiques, colorés et amusants.

Promouvoir le livre et la lecture

De belles idées naissent des rencontres. Corinne Fleury, de l’Atelier des Nomades, souhaite organiser une semaine spéciale autour des livres pour enfants à Maurice. Cette Mauricienne, installée en France, propose des activités : ateliers, lectures, bibliothèques à la plage, bibliobus et la participation d’auteurs et d’illustrateurs.

Pour réaliser ce projet, elle s’est tournée vers le site de financement Ulule pour faire une levée de fonds. Ce projet coûte environ Rs 240 000. Il est né après le lancement du livre de Shenaz Patel et de l’illustratrice française Emmanuelle Tchoukriel.

« Avec l’auteure mauricienne Shenaz Patel, elle a eu plusieurs jours d’échange dans les écoles, à la médiathèque, à la bibliothèque, avec des associations autour de l’album Le bestiaire mauricien. Au programme, exposition d’illustrations, lecture de contes en musique, ateliers et interventions pour expliquer le métier d’illustrateur, etc. À chaque fois, les enfants étaient heureux d’entendre et de voir les histoires sortir du livre. Ils voulaient que les auteurs reviennent les voir », relate Corinne Fleury.

Sur le site d’Ulule elle précise que les événements autour du livre et plus particulièrement autour du livre jeunesse sont rares sur l’île. Il y a une manifestation annuelle organisée par l’Institut français et que le relai culturel est difficile. « Face à l’absence de politique publique et au désengagement du gouvernement vis-à-vis du livre, nous avons pris conscience qu’il était temps de s’organiser et d’agir aujourd’hui pour que le livre et la culture soient plus accessibles à l’île Maurice demain », indique-t-elle.

Sensibiliser

Le 7 mars, le groupe Rogers en partenariat avec Reef Conservation et les éditions Vizavi a présenté les nouvelles aventures de Tikoulou. Le livre « La légende de Bel-Ombre » devient ainsi un outil de sensibilisation qui vise à éduquer les enfants et les adultes sur l’importance des écosystèmes et de la biodiversité de l’île.

Pour Audrey d’Hotman de Villiers, CSR & Sustainability Manager, c’est l’occasion de mettre en avant le travail des auteurs et dessinateurs de l’île qui, à travers leurs plumes, font mieux connaître le pays et ses trésors.

« C’est surtout une fierté pour Maurice. C’est une histoire locale, inspirée et créée par des artistes mauriciens. Rien de mieux pour faire honneur au pays et éduquer ainsi fièrement nos jeunes sur nos richesses », explique-t-elle.

L’album jeunesse sera distribué gratuitement aux écoliers de 8 à 11 ans par le Bis Lamer de Reef Conservation au terme des sessions pédagogiques qu’il dispensera durant la première année suivant la publication. Le fameux bus éducatif touche en moyenne 2 800 élèves du primaire par an.

Activités à venir

Amarnath Hosany

Pour marquer cette journée internationale du livre pour enfants, l’Institut français de Maurice (IFM) organise la troisième édition de la Fête de la jeunesse. Intitulée « La littérature jeunesse à l’honneur », elle se tiendra le samedi 22 avril. À 10 h 30 débutera l’heure du conte avec Stéphane Servant et Véronique Nankoo.

Ensuite, à 11 h 30 se tiendra un atelier de dessin sur le thème : « Dessine la culotte du loup ! ». Et tout au long de la journée, il y aura une vente de livres et des séances de dédicaces avec plusieurs auteurs. On trouvera, entre autres, Amarnath Hosany, Brigitte Masson et Evan Sohan, Céline Chowa et Henry Koombes, Munawar Namdarkhan et Shenaz Patel.


Papier vs numérique

Le livre papier comme numérique a ses avantages et désavantages.

 

Gheerishsing Gopaul explique que la transition papier numérique doit se faire en parallèle.

Gheerishsing Gopaul est Library Officer à la Quatre-Bornes State Secondary School (SSS). Il est aussi le président de la Mauritius Library Association (MLA). Il note que la lecture est une passion innée chez peu d’enfants.

« De par notre métier, nous avons la responsabilité d’initier et d’encourager les jeunes à la lecture. Souvent, les étudiantes me demandent de réserver un bouquin spécifique. Il y a aussi une séance de discussions lors desquelles elles me parlent d’un livre particulier, de son histoire ou encore des personnages », explique-t-il.

La passion de la lecture peut être transmise par les parents, la fratrie et même des éducateurs. Mais, il faut que les enfants s’intéressent aux livres. « Il nous faut d’abord comprendre le problème à la source. Comment pousser un enfant à la lecture si la majorité des écoles primaires n’est pas équipée d’une bibliothèque appropriée ? Cette initiation doit commencer très tôt », souligne le président de la MLA.

Un autre constat : l’avènement des écrans. Il y a trente ans, d’après Gheerishsing Gopaul, le livre était un des rares sinon le seul loisir. « Aujourd’hui, la technologie envahit le quotidien et l’enfant est entouré d’écrans. Il grandit avec une nouvelle culture de lecture. Mais est-ce que l’enfant lit des contenus adaptés à son âge ? », demande notre interlocuteur.

« Aujourd’hui, la technologie envahit le quotidien et l’enfant est entouré d’écrans. Il grandit avec une nouvelle culture de lecture »

Il avance que les jeunes font souvent la lecture pour les besoins des études et non pour le plaisir. « La lecture a pour but de faire voyager notre esprit et surtout d’enrichir notre vocabulaire », indique-t-il d’emblée.

Le Library Officer pense d’ailleurs que la technologie peut également être un moyen de donner le goût de la lecture aux enfants. « Nos bibliothèques publiques sont truffées de livres de qualité. Des CD et des écrans sont aussi disponibles. Il y a certes des ordinateurs. Cependant, ils sont majoritairement utilisés pour des travaux de recherches. Le livre papier a toujours un bel avenir à Maurice. Le livre électronique commence à gagner du terrain. La transition papier numérique doit se faire en parallèle » , estime Gheerishsing Gopaul.

Pour lui, les « e-books » sont faciles à trouver et sont souvent gratuits. « Mais les liseuses coûtent les yeux de la tête et sont encombrantes. L’écran fatigue les yeux, alors que nous pouvons trouver un livre en librairie entre Rs 200 et Rs 300. Papier ou numérique, chaque méthode a ses avantages et désavantages. Le lecteur doit se faire plaisir avant tout », ajoute-t-il.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !