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Journée mondiale : l’enseignant fait face à de grosses difficultés de nos jours

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« Les jeunes enseignant(e)s : l’avenir de la profession. » Tel est le thème choisi cette année par l’Unesco pour la Journée mondiale des enseignants, célébrée chaque 5 octobre depuis 1994. Tour d’horizon de cette profession en pleine évolution mais qui est remplie de défis. 

Du préscolaire au secondaire, ils sont plus de 18 000 enseignants dans la République de Maurice. Ces hommes et femmes sont pour la plupart des modèles. Ils se dévouent au quotidien pour comprendre, enseigner, accompagner et transmettre les valeurs. S’ils restent à jamais enseignants, cependant ils jouent un grand rôle dans plusieurs professions. 

Sunita Harpal.
Sunita Harpal.

Depuis 2006, Sunita Harpal est enseignante à la Sir Veerasamy Ringadoo Government School. Elle estime qu’être enseignante est d’exercer un métier passionnant et exigeant. « J'aime les enfants et j'aime partager ma connaissance. Je voudrais toujours transmettre mon savoir en valorisant les compétences des élèves. Après mes études tertiaires, j’étais à la recherche d’un emploi. Comme l’enseignement est un métier noble, je me suis rendue compte que je pourrais faire de mon mieux dans ce domaine. »

Notre interlocutrice ajoute que les méthodes d’enseignement basées sur la liberté, le rythme des enfants et leur capacité à rêver permettent d’apprendre sans fatigue. Elle précise que « l’éducation à la joie permet de réintroduire le bonheur à l’école. En d’autres mots, une école fondée sur l’épanouissement des enfants, des enseignants et des parents permet à l’enfant d’être en contact avec 'son trésor intérieur' ».

Les difficultés, il y en a, et ce n’est pas cette jeune femme qui dira le contraire. Elle avoue que « le nombre d'élèves considérés comme ayant des troubles de comportement a augmenté de manière exceptionnelle depuis les dernières années. Les problèmes familiaux, les niveaux d’encadrement des enfants et l’exposition répétée des enfants aux modèles violents, valorisés par des médias comme la télévision, peuvent en être la cause. Les enfants sont victimes du développement rapide d’une société remplie d'actes de violence. Ils sont eux aussi stressés. Ceci diminue malheureusement la performance des enfants ».

Pooja Ramlochund.
Pooja Ramlochund.

Valeurs humaines primordiales 

Sunita Harpal tient à cœur le développement de sa profession. Elle fait même certaines propositions pour améliorer le travail. Elle souligne que : « la réintroduction des valeurs humaines est primordiale. Il faut rappeler à ceux ou celles qui sont dans des hautes sphères qu’ils y sont grâce à l’accompagnement de leur enseignant à qui ils doivent une fière chandelle, c’est-à-dire le respect et la reconnaissance, qui sont des valeurs morales fondamentales. »

Enseigner c’est la passion de Pooja Ramlochund, 26 ans, qui s’est jointe à la profession de l’enseignement en janvier dernier. La jeune femme exerce à l’Orchard Secondary School Of Excellence. « Cela a toujours été mon métier de rêve. Dès mon jeune âge, je jouais au prof. C’est un métier qui me tient à cœur. J’aime être parmi les enfants, peut-être parce qu’au fond de moi, il y a toujours un enfant qui sommeille. Avec l’ouverture de la 'Orchard Secondary School Of Excellence', j’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve. »

Partenariat parents-enseignants

Néanmoins, l’enseignante confie qu’il y a certaines difficultés que les profs font face. « Les élèves, surtout ceux de la nouvelle génération, n’aiment pas la discipline. Ils ont tendance à se rebeller. Les devoirs restent toujours le plus gros souci. Les élèves ne sont pas réguliers avec leurs devoirs. Ils ne comprennent toujours pas 'la raison d’être' des devoirs. Ils sont toujours négatifs quand il s’agit des devoirs. »

Pooja Ramlochund soutient que l’éducation commence à la maison. Elle croit que les parents ont leur part voire leur rôle aussi à jouer. Inculquer des valeurs et établir la discipline sont autant de choses qui commencent à la maison.

Par ailleurs, elle affirme que son métier apporte aussi son lot de joies. La jeune femme cite l’exemple de voir le sourire sur les lèvres d’un enfant après avoir élucidé ses doutes. « Quand les enfants me donnent un devoir bien fait, je déduis qu’en tant que prof, mon but a été atteint. »

Pooja Ramlochund résume que l’Éducation est, avant tout, un partenariat entre éducateurs et parents, avec comme priorité l’enfant. « L’enfant est au centre de toute notre attention et nos préoccupations. C’est pour cela qu’il faut absolument avoir le soutien des parents afin d’instaurer la discipline et le goût du travail bien fait. » 


Prof NaeckProfessor Vassen Naëck : « Tout le monde ne peut pas devenir enseignant »

Le Professor Vassen Naëck (Dr), Head, Curriculum Implementation, Textbook Development & Evaluation au Mauritius Institute of Education (MIE), met l’accent sur les qualités recherchées chez le futur prof. Il insiste sur le métier de l’enseignement qui n’est pas fait pour tout le monde. 

« Tout le monde ne peut pas devenir enseignants. Enseigner c’est un métier. Cela s’apprend, mais c’est surtout une vocation. Il va s’en dire que l’enseignant a toujours sa place dans une salle de classe, car enseigner c’est avant tout se mettre en relation avec l’autre. L’internet ne peut pas donner une considération positive, ni développer de l’empathie et encore moins de l’authenticité », a précisé le Professor Vassen Naëck (Dr). 

Ce dernier ajoute que certaines qualités sont recherchées chez le futur enseignant. Parmi, il y a la pratique qui doit devenir un objet de réflexion et de recherche. Elle va engager l’enseignant dans la construction de savoirs issus de la pratique et lui permettre d’envisager les situations d’enseignement/apprentissage dans leur singularité et leur complexité. C’est l’outil qui aidera l’enseignant à construire une pratique en s’appuyant sur une démarche de questionnement, s’éloignant de la reproduction de modèles ou de techniques prescriptifs et rompant avec les pratiques routinières. Elle conduit l’enseignant à devenir autonome pour des prises de décisions motivées, réfléchies et pertinentes pour le contexte, mais aussi dans son développement professionnel. 

« Un futur prof doit être capable d’aider l’apprenant en difficulté en attirant son attention sur certains points, en lui rappelant certaines étapes qu’il aurait sautées, en lui fournissant certains indices ou encore des feed-back appropriés à son état de connaissance. Le futur prof doit être capable de médiatiser un sentiment de compétence chez l’apprenant en l’accompagnant, c’est-à-dire l’aider, lui montrer le chemin, être à ses côtés, mais ne pas faire à sa place. »

EN CHIFFRES
La République de Maurice compte 18 025 enseignants. Ils sont répartis comme suit : 
Préscolaire 2134
Primaire 4355 General Purpose
1284 Langues asiatiques 
Secondaire 8813 General Purpose
970 Prévocationnel
Special Needs  469

À l’agenda, aujourd’hui

  • À 10 h 00, la Government Teachers’ Union (GTU) célébrera le Teachers’ Day au centre des enseignants, à Quatre-Bornes. Il est prévu que la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, s’adresse à l’assistance.     
  • À 11 h 00, la Deputy Head Teacher’s Union (DHTU) et la General Purpose Teachers’ Union and Teachers’ Club invitent ses membres au Manisa Hotel, Flic-en-Flac. L’invitée principale sera Lady Sarojini Jugnauth.
  • La Government Secondary School Teachers Union (GSSTU) organise une journée de réflexion à l’intention des membres exécutifs et des délégués. Ils discuteront des défis de l’éducation, dans le cadre du Nine Year Continuous Basic Education.  

MegnathMegnath Sanmukhiya : « L’enseignant et la technologie sont appelés à se complémenter »

Fondateur du Modern College en 1969, Megnath Sanmukhiya a fêté ses 80 ans cette année. L’autodidacte a connu une enfance difficile, entre corvées aux champs de canne avant même le lever du soleil, les études et une santé précaire. En cette Journée des enseignants, Megnath Sanmukhiya leur conseille à ne pas hésiter à prendre des initiatives qui bénéficieront aux élèves.  

Quel doit être le profil de l’enseignant de 2019 ?
L’enseignant de 2019 a pour mission principale de transmettre à la fois le savoir et le savoir-vivre à ses étudiants, tout en les amenant à savoir apprendre. Tout cela est rendu possible grâce à un travail d’équipe. Son style d’enseignement doit pouvoir inspirer les élèves lorsqu’ils auront quitté leur salle de classe, ils se sentiront motivés à poursuivre le travail commencé. Il est primordial que l’enseignant planifie son travail afin de compléter à l’avance le programme d’études, laissant ainsi le temps aux élèves à assimiler de manière scientifique et systématique ce qui leur a été enseigné.  
L’enseignant doit éviter de travailler à son aise durant le premier et le deuxième trimestres, et ne s’attaquer au gros morceau du programme que pendant le troisième trimestre. Ce qui   malheureusement contribue à augmenter le stress des étudiants. C’est la pratique régulière des questionnaires d’examens sous les conditions d’examens qui permettent aux étudiants et aux profs d’identifier les failles et d’y remédier, tout en dissipant les doutes de l’esprit des étudiants.  

Je considère que la classe homogène n’existe pas. L’enseignant doit pouvoir travailler et évoluer avec une « mixed ability class ». Je tiens aussi à souligner que dans cette société en constante mutation, il est souhaitable qu’une ligne de communication soit établie et qu’elle perdure entre  l’école et les parents pour s’assurer de l’évolution et du développement harmonieux de l’enfant. Une éducation saine est le bon dosage entre l’instruction académique, les activités extracurriculaires et les valeurs inculquées par la famille qui malheureusement commencent à  s’effriter de nos jours.  

Y-a-t-il toujours de la place pour le modèle de l’enseignant dans une salle de classe avec les infos  disponibles sur internet ?
Que nous vivions à l’ère primitive ou digitale, l’enseignant est incontestablement au cœur même de ce qui se passe dans la classe. L’enseignant et la technologie sont appelés à se complémenter.  Avec l’avalanche d’informations disponibles sur internet, il incombe à l’enseignant d’instruire les élèves de façon à pouvoir discerner et séparer le bon grain de l’ivraie. C’est à lui d’amener l’élève à avoir une vision manichéenne du monde, de distinguer entre le bien et le mal, de faire le bon choix. De plus, l’enseignant doit faire valoir son côté humain, surtout dans un monde numérique où les fléaux de toutes sortes étendent leurs tentacules, s’apprêtant à faire mal.  

Beaucoup se découragent en voyant le comportement de certains élèves. Ils préfèrent baisser les bras. Comment les encourager à suivre leur passion?
Comme on le dit, la discipline est à la base de toute réussite dans la vie. Dans certains collèges privés, comme au Modern College, l’administration, le corps enseignant et  non-enseignant  accordent leurs violons en ce  qu’il s’agit des problèmes liés  à  la  discipline. Je crois fermement que la conduite d’un enfant influence son développement holistique et impacte sur la classe dont il fait partie. Chez nous, si un prof a un problème ayant trait à l’indiscipline des élèves, c’est la  communauté entière qui s’implique et s’engage à trouver une  solution, qui  serait la meilleure,  dépendant du contexte.

Avez-vous un message aux jeunes enseignants en cette journée spéciale? 
Je considère que l’enseignement est au-delà d’une profession, c’est un sacerdoce. L’enseignant doit donc se sentir privilégié d’être choisi à apporter son concours à façonner l’avenir de son pays en formant ceux qui seront appelés à prendre en main la destinée du pays. Pour faire justice à cette noble profession, l’enseignant doit être imbu de certaines qualités et valeurs indiscutables.

Dans un premier temps, être qualifié ou bardé de diplômes est une condition sine qua-non, mais insuffisante.  Il doit, à proprement parler, s’investir dans le progrès académique et la formation intégrale de l’enfant. Il doit également se présenter comme le garant du progrès de l’enfant, surtout pour eux qui sont dévoués et bosseurs. Tous les élèves ne viennent pas à l’école pour étudier ; ils considèrent la réussite académique comme leur dû plutôt que la récompense à leurs efforts.  

En revanche, l’enseignant doit s’assurer que celle ou celui qui vient à l’école pour apprendre avec sérieux, indépendamment de son habilité académique, doit  impérativement sortir  gagnant.  Mais, l’enseignant devrait aussi trouver des stratégies pour convaincre les élèves perturbateurs et distraits de prendre conscience de l’importance de l’éducation. 

Mon message est clair. Je conseille aux jeunes enseignants de faire preuve d’humilité, de compréhension, d’honnêteté, de ne pas hésiter à prendre des  initiatives qui vont bénéficier aux  élèves, de se remettre régulièrement en question, de mettre en œuvre de nouvelles stratégies et  surtout d’accepter et d’émettre des critiques constructives afin de donner à  cette profession ses  lettres de noblesse.


 

 

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