Interview

Kavi Ramano : «Le MMM a sous-estimé la crise interne de 2015»

Kavi Ramano

L’ex-élu du MMM, Kavi Ramano, qui siège en indépendant, estime qu’à la partielle au no 18, les mauves ont payé le prix de la crise interne de 2015. Quelques-uns de ses cadres avaient alors claqué la porte.

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« La personnalité d’Arvin Boolell a contribué énormément à son élection »

Les résultats de la partielle vous surprennent-ils ?
Je dois d’abord commencer par la démission de Roshi Bhadain. Elle a pris de court l’opinion publique et la classe politique. Le pourquoi de cette démission demeure incompris. Il a avancé que c’était un référendum pour le projet Metro Express. Xavier-Luc Duval et moi-même, nous lui avions parlé, mais sa décision était prise. Cette logique est compliquée pour l’électorat moyen du no 18. J’ai lancé un appel pour un candidat commun de l’opposition, en vain.

Quels enseignements en tirer ?
Cette partielle est remplie d’enseignements. On a connu le risque d’une non-participation de presque 50 %. Comment plébisciter un candidat, avec ce fort taux d’abstention qui doit interpeller la classe politique ?

À quoi attribuer ce désintérêt ?
Paradoxalement, les Quatrebornais sont concernés par les problèmes de leur ville. Toutefois, c’était une tendance qui se dessinait au fil de la campagne. Je constatais que c’étaient des gens en dehors de la ville qui venaient gonfler les foules des congrès. Puis, il faut reconnaître qu’il y a eu une forme d’intimidation des fonctionnaires à travers la circulaire distribuée, leur demandant de ne pas participer activement à cette partielle. Il ne faut pas sous-estimer ce poids-là, les fonctionnaires ont intériorisé cette crainte. Puis, l’autre constat est l’absence d’enjeu, ce qui a contribué au fait que bon nombre d’électeurs ont boudé ce scrutin.

Si vous étiez encore au MMM, étant un élu de la circonscription, pensez-vous que le résultat de Nita Juddoo aurait pu être autre ?
Quand j’étais au MMM, le parti a fait une excellente performance au no 18 en 2010, avec quelque 50 % des votes. En 2014, le score des mauves était de 47 % et en 2017, il a chuté à 17 %. C’est grave ! La direction du MMM fait aujourd’hui les frais d’une absence de remise en question après chaque défaite électorale. Elle a sous-estimé les conséquences de la crise de 2015 au MMM.

Qu’est-ce qui a cloché chez les mauves ?
La formidable machinerie organisationnelle du no 18 a quitté le MMM en 2015. Les têtes pensantes mauves parlent de grandes réformes du Comité central, du Bureau politique et de son aile jeune, mais elles oublient le principal : qu’en est-il de l’électorat du MMM ? Les instances du MMM sont-elles représentatives de son électorat, qui est le récipiendaire du parti ? Ne soyez pas surpris que le fameux vote à l’unanimité du Bureau politique est pris à contre-pied par l’électorat du MMM. Y a-t-il une déconnexion entre les instances et son électorat ? La bureaucratie tue le MMM.

Le MMM doit-il se réinventer ?
Depuis des années, it’s the same team and the same game, qui donne maintenant the same results. Cessons de tourner autour du pot. Au vu du fonctionnement actuel du MMM, il doit y avoir un sursaut et une remise en cause sincère. Cette initiative doit revenir à nul autre que Paul Bérenger. J’ai l’impression que le mot mea culpa n’existe pas dans le dictionnaire du leader des mauves. La population et l’électorat du MMM attendent un message après cette énième défaite.

Est-ce que Paul Bérenger devrait ‘step down’ pour le bien même du MMM ?
La réponse appartient aux dirigeants du MMM.

Si l’on suit votre raisonnement, le MMM est-il condamné à devenir un parti croupion, un appoint quelconque dans une alliance ?
Il convient de pousser cette réflexion plus loin. Il existe à Maurice un courant progressiste fort, qui transcende les clivages politiques. De par la strate sociale du pays, l’audience progressiste est fertile. Le MMM, comme les autres mouvements progressistes, a su bénéficier de ce courant de sympathie. Le bassin progressiste vit très mal ce clivage politique. Il faut se rendre à l’évidence que le courant progressiste n’est pas l’apanage de la gauche traditionnelle, mais se trouve aussi au sein du PMSD, du MSM et du PTr. Il est un fait que cette unité des progressistes fait face à un sérieux obstacle, qui est l’égo de ses dirigeants.

Un exemple concret pour étayer vos dires ?
A-t-on déjà vu Ashok Subron et Jack Bizlall sur la même plate-forme ? L’idée d’une candidature unique est tombée à l’eau pour ces raisons. Il est temps que la population aille à la recherche d’un renouveau politique qui s’inspirera des principes des mouvements progressistes.

La victoire est-elle pour Arvin Boolell ou pour le PTr de Navin Ramgoolam ?
La personnalité d’Arvin Boolell a contribué énormément à son élection. Il a été le candidat idéal. Sa victoire aurait pu être plus éclatante, sans la présence de la Voice of Hindu. Par ailleurs, il existe aussi le fait que l’électorat travailliste, qui avait boudé le parti en se ralliant à l’Alliance Lepep en 2014, est rentré au bercail. Arvin Boolell a su rassembler cet électorat. Puis, il a bénéficié de la faiblesse du MMM, du PMSD et des autres.

Vivrait-on un ‘Labour Revival’ ?
Dans un souci de faire le plein de son électorat, chaque parti s’est présenté seul à cette partielle. Je crains fort qu’avec le présent système électoral de First Past The Post, les alliances soient un mal nécessaire. Que vaut l’engagement d’un parti qui dit qu’il ne s’alignera pas avec un autre parti ?

Et Roshi Bhadain dans tout ça ?
Il a fait l’erreur de faire du Metro Express son cheval de bataille. Sa cible électorale est limitée à la jeunesse. Il était absent chez les 45 ans à monter, alors que c’est dans cette tranche d’âge qu’il y a des opinion leaders.

La défaite du PMSD de Xavier-Luc Duval est-elle étonnante ?
Dhanesh Maraye a mené une campagne propre, mais au niveau du PMSD, il y a eu une erreur de stratégie pour la campagne.

Comment ?
Ce parti a fait un amalgame à tort entre le vote propre à Xavier-Luc Duval et le vote en faveur de Maraye. Le leader du PMSD bénéficie d’un courant de sympathie au no 18. Est-ce que Maraye a su capitaliser sur ce courant ? Je ne le crois pas.

En revanche, tout le monde s’accorde à dire que Jack Bizlall a fait un bon score...
La candidature de Jack Bizlall et sa performance ne surprennent pas. Je pensais qu’il allait faire mieux. Il a péché par un manque d’implication personnelle. Dans sa logique électorale, il considère qu’il n’a pas à faire du porte-à-porte, que son parcours parle de lui-même et que tout est dans son livre.

N’est-il pas trop idéaliste ?
Il faut que le camarade Jack se rende compte d’une chose : il attire de la sympathie non seulement dans le prolétariat, mais aussi dans la moyenne bourgeoisie. Jack aime bien qu’on l’écoute, qu’on lise son livre. Il aurait dû se donner les moyens d’écouter les électeurs de toutes les classes sociales confondues. Après son bon résultat, il doit se rendre à l’évidence que son voyage était plus spirituel qu’électoral.

Comment s’annonce votre avenir pour les prochaines législatives ? Toujours en solo ?
Il est un fait que je ne compte pas rester indéfiniment seul. Je suis très sensible à une véritable alternance politique qui soit en phase avec les préoccupations et la réalité mauriciennes.

 

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