Interview

Kee Chong Li Kwong Wing, Président du conseil d’administration de la SBM Holdings : «L’endettement est élevé mais son niveau n’est pas alarmant»

Kee Chong Li Kwong Wing

Président du conseil d’administration du deuxième groupe financier du pays, Kee Chong Li Kwong Wing affirme que la création de la richesse ne relève pas uniquement la responsabilité de l’Éat et du secteur privé. Dans cet entretien, il passe en revue la situation à  la SBM Holdings et de l’économie locale.

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Vous avez présidé le vendredi 23 juin l’assemblée générale annuelle de la SBM Holdings Ltd. Quel message essentiel avez-vous passé ?
Le message clé qui a été passé lors de cette assemblée est que le Groupe SBM s’est enfin stabilisé après les deux grands contrecoups qu’a fait subir l’ancienne direction, à savoir les créances douteuses de certains groupes d’affaires et les write-offs d’un projet informatique mal conçu. Nous avons pu surmonter ces coûts et nous avons changé de modèle d’affaires. Nous évoluons et nous avons adopté une nouvelle stratégie suivant le conseil de la firme internationale McKinsey.

Nous nous sommes engagés dans des produits et des marchés plus diversifiés. On a augmenté notre portefeuille de clients en promouvant plus de services taillés sur mesure pour leurs besoins financiers.

De plus, le marché bancaire mauricien étant devenu restreint à notre expansion, nous avons mis sur pied un vaste programme d’expansion régionale.  Nous avons aussi le devoir d’accompagner nos clients hors des frontières.

Notre banque s’est fixé comme objectif cette année de devenir la première banque totalement digitale. Nous avons déjà à notre actif plusieurs initiatives, telles que SBM Now, SBM Mobile App, SBM Online Loan Application et Signature Pad. Donc, notre groupe a déjà entamé son parcours vers la numérisation. Nous comptons rester proches de nos clients et  répondre à leurs besoins dans les plus brefs délais. Ce sera possible avec le SBM banking in your hand’ avec l’Android et l’iOS, Anytime, anywhere.

« La SBM s’est engagée dans des produits et des marchés plus diversifiés. On a augmenté notre portefeuille de clients en promouvant plus de services taillés sur mesure pour leurs besoins financiers. »

Les PMEs disent souffrir d’un manque d’accès au financement. Dans quelle mesure est-ce vrai ?
Je ne peux pas en dire autant.  Il faut faire ressortir qu’il existe plusieurs facilités d’aide financière qui ont été proposées par le gouvernement, que ce soit pour l’achat d’une machine ou le financement d’un projet. Cependant, ces facilités ne sont pas connues de tous.  La raison pour laquelle les PME se plaignent d’un manque d’accès aux finances se résume à un seul mot : communication.  Il y a un manque d’information et de communication concernant ces dispositifs financiers. Mais il faut aussi que le conseil et le marketing suivent.

En ce qui nous concerne à la SBM, nous avons mis en place plusieurs structures pour le financement des PME. En ce moment, nous mettons sur pied notre SBM Microfinance, micro-leasing et le factoring.

L’excès de liquidités perdure dans le circuit. Qu’est ce qui explique cette situation et comment y remédier ?
Il est vrai qu’il y a un excès de liquidités dans notre système bancaire en ce moment. Les nombreux projets infrastructurels que l’Etat a annoncés entraîneront une forte demande de crédit et de financement local.  Cela inévitablement aura un effet correcteur sur l’excès de liquidités sur le marché.  Je pense aussi qu’investir dans des projets viables pour l’exportation et en Afrique sera aussi une solution à ce problème.

Quelle est votre lecture des mesures budgétaires annoncées le 8 juin dernier?
Le budget prononcé le 8 juin reste dans la pure tradition de l’annonce d’une panoplie de mesures un peu disparates destinées à satisfaire les demandes de tout un chacun.

L’effet escompté est de créer un feel good factor général, qui donnerait une impulsion à l’économie, malgré les difficultés budgétaires montées en épingle comme un marasme économique imminent.  Sauf que dans le cas présent, le Premier ministre et ministre des Finances n’a pas ce vieux numéro de cinéma de «management of public opinion»,  brandissant la menace d’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée ou d’autres mesures d’austérité.

Il faut admirer le calme et le sens de la mesure de Pravind Jugnauth dans un contexte du Brexit et du Trumpology et un climat politique local turbulent. Il n’a pas fait de démagogie et a quand même remonté la pente économique sans fanfare. Dans ce budget, il a réussi trois coups majeurs : un recentrage vers plus de planification stratégique avec un Economic Development Board, une consolidation de l’Etat Providence avec ses negative income tax, solidarity levy, d’autres aides sociales et un vaste programme d’investissements pour la transformation de l’infrastructure publique .

C’est un budget bien équilibré et avant-gardiste, surtout avec la révolution numérique et la disruption technologique qu’il a entreprises avec ses nouvelles mesures pour l’innovation, la création et la recherche. Pour moi, ce budget est porteur d’avenir mais tout dépendra de la capacité d’exécution des partenaires.

« La volatilité, l’incertitude, la complexité et la disruption technologique sont des éléments qui affectent notre climat économique. »

Est-ce un budget orienté vers le social ou un mélange du social et des affaires ?
Ce budget a été bien réfléchi dans la mesure où tout un chacun se retrouve finalement inclus, les plus démunis, les ménages, les PMEs et coopératives, les artistes, les petits planteurs de thé, les jeunes innovateurs, les producteurs manufacturiers du marché local. En même temps, comme nous le savons, l’investissement privé reste un élément clé pour la croissance de l’économie. C’est pour cela que le budget donne encore d’autres incitations au monde des affaires, mais avec accent sur les nouvelles technologies, l’énergie renouvelable, la robotique, le cloud-based computing, la biotechnologie, la pharmaceutique, la drone technologie, etc. Il faut surtout souligner la grande importance donnée au e-licencing, à l’importation de la main-d’œuvre qualifiée de l’étranger et l’exportation vers l’Afrique.

Le ministre des Finances fait mention d’une croissance de 3,9 % en 2016-2017. Quels ont été les facteurs ayant contribué à cette performance en deçà des prévisions ?
Vu les conjonctures difficiles auxquelles l’économie fait face, une croissance de 3,9 %, si elle est atteinte, est toujours honorable.  Malgré les efforts entrepris l’année dernière, il reste le fait que beaucoup de facteurs restent hors de notre contrôle.  Le monde fait face à des incertitudes qui ne font que s’accentuer. Le phénomène de ralentissement économique perdure même dans les plus grandes économies. Les changements politiques avec Trump et Macron ou même le nouveau type de terrorisme ont entraîné une certaine réticence de la part des investisseurs qui ont préféré se retirer des pays émergents. Cependant, Maurice a su gérer une croissance en hausse.

Est-ce le rôle de l’Etat de soutenir la croissance avec des investissements massifs ou est-ce que les responsabilités doivent être partagées avec le secteur privé ?
Aujourd’hui la contribution de tout un chacun est indispensable à la croissance économique.  Tout le monde a un rôle à jouer, du plus humble fonctionnaire au plus gros investisseur. L’État n’agit qu’en tant que facilitateur du privé. Les responsabilités sont partagées et les tâches sont distribuées. L’État donne des incitations, établit les règles du jeu et fait du social. De l’autre côté, le secteur privé jouit des avantages consentis par l’Etat et a la lourde responsabilité de créer la richesse et les emplois. Il doit aussi participer à la croissance inclusive et soutenable. Chacun a son devoir et ne doit pas empiéter sur le terrain de l’autre. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

Est-ce que l’environnement économique mondial s’améliore assez et aidera Maurice à atteindre une croissance de 4 % ou plus dans un proche avenir ?
Maurice a tant bien que mal essayé de se construire une armure contre les répercussions économique négatives au niveau mondial.  Cependant, il reste toujours des facteurs qui sont hors de notre contrôle. La volatilité, l’incertitude, la complexité et la disruption technologique sont des éléments qui affectent notre climat économique. Et tout cela ne fait que s’amplifier avec l’élection du président Trump, ses relations avec le monde arabe, son ambiguïté au sujet de l’immigration, le protectionnisme et le terrorisme, et d’autres événements perturbateurs comme le Brexit  La complexité de nos marchés et l’incertitude qui y règne laisse trop de variables difficiles à juger, ce qui ne favorise pas la croissance, l’ouverture et la coopération intelligente entre Etats   et  favorable à la création de la richesse.

Quelle est votre analyse sur le niveau de l’endettement public dans le pays ? Est-il trop élevé par rapport à la taille de notre économie ? Comment y remédier?
Certes, l’endettement est relativement élevé mais je peux dire qu’il n’est pas alarmant.  Il faut comprendre une chose : la croissance économique reste la clé d’une baisse de l’endettement.  Le pays s’est endetté afin de se lancer dans des projets d’infrastructure publique sur le très long terme. Ce qui fait que pendant ce long terme, des emplois seront créés, d’autres investissements privés seront faits, créant un effet de spill over ou boule de neige. Mais il est important de préciser que les investissements devront être canalisés dans des projets soutenables et ce n’est qu’à ce moment que nous pourrons jouir d’une croissance qui nous permettra d’inverser la tendance de l’endettement et d’améliorer la qualité de la vie des citoyens.

 

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