Interview

Kentish Moorghen, Chartered Valuation Surveyor et CEO de Prime Pillar : «L’offre dans l’immobilier résidentiel ne correspond pas à la demande locale»

Engagé dans le secteur de la construction à plusieurs niveaux, Kentish Moorghen, Chartered Valuation Surveyor et CEO de Prime Pillar, est d’avis qu’il y a un manque de projets pour répondre à la demande locale. Il estime que les mesures et conditions doivent être harmonisées afin de ne pas compliquer les transactions dans le segment résidentiel destiné aux Mauriciens, expatriés et étrangers.

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Le secteur de la construction apportera sa contribution à la croissance en 2017. Le gouverneur de la Banque de Maurice a indiqué lundi que le principal facteur sera les projets de l’État. Dans quelle mesure êtes-vous d’accord ?
C’est vrai. Les projets du gouvernement, principalement ceux d’ordre infrastructurel, contribueront à l’expansion du Produit intérieur brut (PIB). Des exemples de ces projets sont le Metro Express et l’aménagement de nouvelles routes. Mais la question reste posée. Est-ce que le gouvernement  s’endettera davantage pour terminer ces projets et payer des intérêts pendant de longues années ?

Ceci étant dit, la concrétisation de ces chantiers entraînera un effet multiplicateur, qui apportera de la croissance dans d’autres segments tels que la hausse des salaires et l’amélioration de la qualité de vie. Autre point positif est que ces engagements du gouvernement nous mettront dans une meilleure position pour attirer encore plus d’investissements directs étrangers, qui, à leur tour, soutiendront la croissance économique.

N’empêche qu’il y a pas mal de critiques sur les projets annoncés…
En tant que professionnel du secteur de la construction, je suis d’avis que nous devons accueillir la croissance positive et contribuer à ce qu’elle soit pérenne au lieu de critiquer chacune des mesures prises à ce jour. Par exemple, on pourrait engager une réflexion commune afin de réduire l’endettement pour ces grands chantiers. Il est également question de rentabiliser l’investissement. Mais c’est un autre débat.

Est-ce qu’on peut toujours miser sur la construction pour relancer l’économie ?
Évidemment. Cependant, l’innovation est le maître-mot. Le pays ne peut pas se permettre d’accueillir un autre centre commercial, à l’exception de celui prévu dans le Sud. Davantage d’espaces commerciales veulent dire que nous sommes en train de donner beaucoup plus d’options plus ou moins aux mêmes personnes et cela provoque une dilution du marché, avec moins de visiteurs par centre. Vous n’avez qu’à vérifier les options disponibles le long de l’autoroute M1. Sur une distance de quelque 25 kilomètres, le Mauricien dispose de sept possibilités. Ce n’est pas normal ! L’effet domino est que les promoteurs et gérants de ces centres commerciaux feront face à des difficultés financières à terme. Et il est bon de savoir qu’un centre commercial ne s’arrête pas qu’aux boutiques, mais les facilités annexes également.

Dans l’ensemble, je suis de ceux qui croient dans l’avenir du secteur aussi longtemps que les produits offerts soient corrects et répondent à ce que la population mauricienne recherche avant tout. Car ce sont les Mauriciens qui sont les premiers concernés.

«Venir dire qu’aujourd’hui, un Mauricien peut se permettre de débourser autant que les étrangers pour un produit immobilier est tout à fait absurde.»

Qu’en est-il de l’immobilier résidentiel ?
Venir dire qu’aujourd’hui, un Mauricien peut se permettre de débourser autant que les étrangers pour un produit immobilier est tout à fait absurde. Que 10 % de la population a cette capacité financière et cela inclut les expatriés. Le marché local a ses spécificités. Avec des projets taillés sur mesure, les promoteurs peuvent toucher 20 % de la population qui est à la recherche d’investissements résidentiels. Malheureusement, il n’y aucune offre de ce genre.

Qu’en est-il du secteur de l’immobilier résidentiel ?
Le marché pour les acheteurs locaux et les expatriés est bel et bien là. Pour ce qui est acheteurs mauriciens, ce sont les nouveaux mariés. Leur attitude est différente de qui existait il y a 20 ans ou 30 ans. Ils ne veulent pas forcément acheter ou construire une maison proche de celle des parents. Dans le processus de répondre à cette demande, à mon avis, les promoteurs doivent avoir plus de mesure incitatives.

Le budget 2016-2017 a introduit de nouvelles mesures favorables à l’acquisition d’appartements par des étrangers. Est-ce bien formulé ?
Maurice n’est pas le seul pays où les étrangers peuvent poser leurs valises et acheter une maison ! Le 9 décembre dernier, le conseil des ministres a donné son aval à des amendements à la Non-Citizen (Property Restriction) Act afin de permettre aux étrangers d’acheter des appartements dans des bâtiments ayant au moins deux étages. Qui plus est, l’acquéreur n’aura pas à s’enregistrer au préalable, en tant qu’investisseur. Mais des autorisations du Board of Investment et du ministère concerné seront toujours nécessaires dans les deux cas.

Même si cette initiative est fort louable dans la forme, il existe néanmoins pas mal de zones d’ombre. D’abord, on doit se demander si on n’est pas en train de mettre en place deux marchés parallèles, un pour les étrangers et un pour les Mauriciens. Il aura alors deux types de prix pour le même appartement. Cela pourrait être source de confusion et de conflit. Et le marché  n’a surtout pas besoin de cela de par les temps qui courent.

Êtes-vous de ceux qui croient en une série de mesures entre deux Budgets pour donner un nouvel élan à l’économie?
Oui. Tel a été le cas dans le passé. Afin de prouver que les nouvelles mesures ne font pas partie d’une stratégie d’effets d’annonce, le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, devrait venir de l’avant avec un mini-Budget, par exemple, avec davantage de mesures incitatives et correctives.

 

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