Interview

Kevin Ramkaloan de Business Mauritius : «Que cette hausse des salaires ne cause des pertes d’emplois»

Kevin Ramkaloan

L’économiste Kevin Ramkaloan est catégorique : s’il faut compenser ceux au bas de l’échelle pour leur perte de pouvoir d’achat, il tire la sonnette d’alarme sur le fait qu’en contrepartie, la productivité doit suivre, sinon on va droit vers le crash économique au vu de la situation actuelle dans le monde.

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Le concept de tripartisme est-il désuet en 2018 ? Si oui, par quoi va-t-on le remplacer?  Business Mauritius a fait une requête pour la mise en opération du Minimum Wage Consultative Council, qui devrait se rencontrer de manière régulière. Ce comité, réunissant les syndicats, la communauté des affaires, et le secteur public, devra aussi trouver un mécanisme pour l’indexation automatique des compensations de pertes de pouvoir d’achat, et ce jusqu’à un seuil maximal.

Il y a une école de pensée qui estime que la compensation salariale devrait être ‘sector wise’. Partagez-vous cette idée ?
Pas vraiment. Par contre, la compensation devrait être basée sur des barèmes salariaux afin de mieux compenser ceux au bas de l’échelle, qui sont les plus affectés par l’augmentation des prix.

Certains économistes avancent que les PME trouveront très mal de devoir dépenser Rs 400 supplémentaires, en sus du salaire minimum. Réactions ?
En effet, certains secteurs sont déjà à la limite de leur budget et de leur capacité à payer. Nous avons mis l’accent sur le secteur manufacturier (qu’il s’agisse du marché local ou de l’exportation), l’agriculture, le nettoyage et la sécurité ainsi que d’autres activités hautement ‘labour intensive’, ou encore le secteur des petits commerces et de la distribution. Il faudrait prévoir un travail d’accompagnement et de soutien, afin que cette hausse des salaires ‘across the board’ ne cause des pertes d’emplois dans ces secteurs.

Paradoxalement, le secteur privé amasse des fortunes, comme les banques et les assurances, sans compter le secteur du tourisme. Pourront-ils faire un effort de payer davantage ?
Business Mauritius lance un appel à ceux qui peuvent payer davantage à le faire. Cette hausse devra également être accompagnée d’une plus grande productivité.

Le taux de compensation dépasse celui de l’inflation cette année. Devait-on le payer ‘across the board’ ?
Notre recommandation initiale était de la payer jusqu’à la médiane de Rs 13 000, qui englobe la moitié des salariés. Pendant les négociations, les membres présents ont accepté de revoir ce barème à la hausse, jusqu’à un seuil de Rs 30 000.

Pensez-vous que le gouvernement « pe fer la bous dou » et que le secteur privé se doive de suivre et de ‘foot the bill’ ?
Le gouvernement a tranché sur un chiffre qui est de 50% au-dessus de notre proposition. L’impact de cette augmentation sur l’emploi, la productivité, la croissance, l’inflation, entre autres, devra être calculé afin d’arriver à en mesurer les conséquences. La communauté des affaires travaille dans le cadre établi par l’État. Nos décisions se situent au niveau opérationnel. En fonction du cadre régulateur, pouvons-nous développer nos opérations, investir,  ou recruter? L’effet d’une compensation salariale forte sur la masse salariale est immédiatement ressenti sur la compétitivité des entreprises au niveau international. Une telle décision doit donc nécessairement être suivie d’une augmentation de la productivité pour nous permettre de garder nos parts de marché. Cela est d’autant plus vrai sur un marché aussi ouvert que le nôtre.

Votre impression sur l’état de notre économie pour 2019 ?
La communauté des affaires et Statistics Mauritius s’accordent sur une croissance d’environ 4% en 2019. Il faudra toutefois garder un œil sur l’évolution du Brexit, les prix du pétrole et les dynamiques du commerce international, entre autres. Il nous faudra également privilégier l’innovation et les nouvelles technologies, afin d’améliorer notre compétitivité. Et accélérer la démarche de croissance liée au corridor Asie-Afrique.

 

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