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La banque en peril

Depuis l’éclatement de la crise financière de 2008, ils étaient nombreux à affirmer que le monde de la finance n’était pas suffisamment régulé et qu’il devrait être davantage réglementé. Un avis qui a trouvé un écho favorable parmi des professionnels ici. Ils devront peut-être revoir leur position à la lumière de l’imbroglio juridique devant lequel se retrouve aujourd’hui notre secteur bancaire. Ainsi donc, dans l’affaire du transfert des actifs de l’ex-Bramer Bank au National Property Fund, l’enjeu est de savoir si les articles 110 de l’Insurance Act ont préséance sur la clause 65 du Banking Act. C’est un amendement à la loi de l’assurance, proposé et voté dans la précipitation par les législateurs, qui met les régulateurs dans une impasse. C’est encore une inconséquence de la gestion cahoteuse du démantèlement du groupe BAI. De réglementation en réglementation, on a fini par paralyser les… régulateurs ! C’est sur avis du State Law Office que le Conseil des ministres avait décidé du transfert des actifs à l’administrateur spécial de BAI. Il est dommage que l’administrateur de l’ex-Bramer Bank ne soit pas allé jusqu’au bout de sa démarche de contester cette décision en cour. Laisser prévaloir une confusion juridique ne sert pas l’intérêt général de notre secteur financier, dont l’avenir dépend précisément d’une clarification rapide de la loi par le juge. L’ironie est que c’est Laina Rawat qui rend ce service en réclamant un ordre d’interdiction de la cour. Elle exerce parfaitement tous ses droits de défendre ses biens. Le gouvernement devait s’y attendre, et c’est son rôle de trouver des solutions aux problèmes créés par ses actions. Gouverner, c’est prévoir ! Tout aussi salutaire est la ténacité de la Banque de Maurice dans une juste cause. Elle exerce clairement son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique en allant à l’encontre du Conseil des ministres. Ce qui est en jeu est bien plus que les créances que la MauBank veut récupérer pour écarter une recapitalisation par des fonds publics. En faisant aussi appel au judiciaire, la Banque centrale cherche à éviter un précédent qui est susceptible d’ébranler les bases de la régulation bancaire. Car si la loi bancaire ne prime pas sur les autres lois financières, la tâche de la Banque centrale d’assurer la stabilité financière du pays sera plus ardue. Celle-ci est d’importance capitale et ne saurait être sacrifiée sur l’autel des expédients politiques. Il reviendra donc à la Cour suprême de trancher. Quel que soit son jugement, une chose est sûre : le secteur bancaire ne peut pas bien fonctionner sans bénéficier de la clarté de la loi. Mais même lorsque la loi est claire, des inconscients peuvent mettre en péril l’industrie bancaire. Aucune banque n’ignore la section 26 du Banking Act qui garantit la confidentialité des documents bancaires. Mais ne voilà-t-il pas que les détails d’un prêt, fût-il au nom d’un ministre de la République, se retrouvent étalés au grand jour sur Facebook. On est tombé bien bas, jusqu’au degré zéro de la gouvernance publique. Comme le disait sir Gaëtan Duval face à ses détracteurs, vous pouvez ne pas aimer l’homme, mais aimez au moins votre pays. La State Bank of Mauritius (SBM) glisse sur une pente dangereuse. Cette fuite d’informations ne peut que ternir sa réputation, déjà malmenée par la dégradation de son service clientèle. La banque s’enkyste dans l’arthritisme de l’ère Reddy avec son lot de frustrations chez le personnel. Des diplômés rémunérés à Rs 10 000 par mois, c’est une politique qui ne marche pas. Il s’agit ici d’une société cotée en bourse. Gageons qu’un petit malin achètera régulièrement un minimum de 100 actions de la SBM pour soutenir son cours, sans que la Stock Exchange of Mauritius n’y trouve rien d’anormal. Ce genre d’agissement fut la marque de l’ex-Bramer Bank. Qu’on prenne note de cet avertissement de Karl Marx : « L’histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce. » Reste que le citoyen lambda n’a pas du tout envie de rire du généreux prêt bancaire accordé à Vishnu Lutchmeenaraidoo en septembre dernier. C’est à peu près à cette époque que ce dernier déclarait vouloir déloger la SBM de son rang de deuxième banque commerciale du pays au profit de la future MauBank. Difficile de savoir si c’était un moyen de marchandage, mais toujours est-il qu’il s’est octroyé un gros crédit de deux ans, remboursable à l’échéance, alors qu’une telle facilité est refusée à un petit demandeur de Green Loan. Pour se faire rembourser d’un peu plus d’un million d’euros en capital et intérêts, une banque ne peut pas se fier uniquement aux salaires et allocations qu’un ministre peut accumuler pendant vingt-quatre mois. Ces rémunérations, il faut d’ailleurs les mériter. Mais un ministre qui prend vingt-cinq jours de congé de suite a-t-il la notion d’un revenu durement gagné comme le ressent le travailleur d’usine ? Il ne fait certainement pas avancer la promotion de la productivité au sein de l’entreprise. Il se situe aux antipodes des valeurs de travail et de discipline que le Premier ministre vient de transmettre dans son message du 12 mars à la nation. Nouveau ministre des Finances, sir Anerood Jugnauth donnera sans doute l’exemple. En sachant qu’il ne suffit pas de réglementer pour administrer une économie. Ni pour sauver une banque d’un péril.
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