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La dérive des valeurs

Sur la situation sociale, tout le monde (ONG, institutions religieuses, gouvernement…) s’accorde à reconnaître une dégradation inquiétante des valeurs fondamentales. Le Premier ministre a même fait état, dans un langage qui lui est propre, d’un « comportement zanimo ». Personne n’ose cependant pointer du doigt la cause radicale d’un tel état des choses, afin, manifestement, de demeurer dans le politiquement correct. L’on évoque la responsabilité des parents, de l’école… Mais que peuvent réellement ces institutions lorsqu’elles sont elles-mêmes prises dans l’engrenage d’un  système socio-économique financiarisé qui, tel un rouleau compresseur, anéantit indistinctement sur son passage toutes les valeurs existantes. Tirer la sonnette d’alarme sur l’effritement des valeurs familiales chaque 15 mai, à l’occasion de la Journée internationale de la famille, ne mènera nulle part. La puissance du matériel a atteint un tel niveau de démesure qu’elle ne peut ne pas avoir d’incidence sur les relations humaines et toutes les valeurs – sociales, morales, familiales, spirituelles – qui y sont associées. Même la violence, tant physique que morale, à la télévision et ailleurs, est devenue une commodité bassement commerciale destinée à faire grimper les profits. Bref, aujourd’hui, la famille ne représente plus ce bastion de sécurité affective qu’elle était jadis. Même le Vatican est, paraît-il, désemparé face à un tel état des choses. Cela, alors que la Bible stipule que nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et l’argent (Matthieu 6:24). Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI avaient chacun copieusement critiqué « le consumérisme, le mercantilisme, l’individualisme » et « une économie qui privilégie le profit sans respect à la dignité humaine et à l’environnement ». Faisant référence à la tragédie humaine qui avait coûté la vie à plus de 1 200 travailleurs dans une usine de textile au Bangladesh deux années de cela, le pape François avait dénoncé « le travail d’esclave imposé aux ouvriers » contraints, à n’importe quel prix, d’accroître la productivité et « les profits égoïstes » des employeurs au péril de leur vie. Il avait aussi plaidé pour que l’actuel processus du développement soit gouverné par la raison du bien commun des citoyens du monde entier sur la base des exigences auxquelles il est impossible de renoncer, notamment la justice sociale et la solidarité familiale. Il est évident que lorsqu’un système économique n’est plus soutenu par un minimum de vertu, son développement anarchique, s’il n’est pas maîtrisé, a toujours tendance à provoquer crises et instabilités avec toutes les conséquences que cela comporte pour la population et la société. Ainsi, l’accent sur le capital au détriment du social a produit les mêmes effets sous-jacents de par le monde : précarité, chômage, pauvreté, exclusion… À Maurice même, au-delà de la politique de la démocratisation de l’économie et de l’intégration sociale, la pauvreté ne cesse de  grignoter du terrain. Vu que tous les travailleurs, sans exception, sont touchés par la hausse du coût de la vie, on se demande pourquoi l’exercice régulier  de la révision salariale et des conditions d’emploi du PRB ne concerne qu’environ 15 % des salariés – alors que cette révision est financée par les deniers de tous les contribuables indistinctement – cela, dans l’indifférence totale de l’administration centrale. Hormis les fléaux susmentionnés, d’autres désastres, tels la drogue, l’alcoolisme, la prostitution et la délinquance sous toutes ses formes ne font que fragiliser davantage la cellule familiale, provoquant  sa dislocation dans beaucoup de cas. Il est déplorable qu’en guise de remède à cette consternante situation, le pouvoir public choisisse toujours la voie de la facilité, notamment la consolidation de la répression. Or, ce n’est pas en traitant les symptômes de la maladie que l’on parviendra à guérir le patient. La racine du mal est bien plus profonde. L’essentiel aujourd’hui ne repose pas sur des constats béats et des dénonciations tous azimuts. Il s’agit d’identifier ce mal et d’agir en conséquence. Car il est temps de mettre un frein à cette politique de l’autruche et se concentrer sur les causes réelles de  cette  dérive des valeurs qui pourrit notre jeunesse et la société dans son ensemble.
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