Société

La violence chez les jeunes: l’urgence d’une solution

Un jeune de 17 ans pris d’une folie meurtrière dans l’Est, un autre âgé de 18 ans qui menace de mort sa petite amie mineure et saccage sa maison dans le Sud… Le comportement de nos jeunes suscite pas mal d’inquiétude. À quel niveau avons-nous failli dans notre tâche ? 22 heures. Nous sommes à Port-Louis. Des hurlements retentissent de la maison voisine. Nous pensons d’abord à une dispute conjugale, mais nous étions loin de la vérité : c’est une mère et son fils de 16 ans qui se disputent. « Ce n’est pas la première fois qu’ils se bagarrent ainsi », nous confie Iqbal Hussein, le voisin. Quelques minutes plus tard, un panneau de vitre vole en éclats. Le jeune homme vient d’enfoncer son poing dans la vitre et son bras est en sang. Sa mère continue de hurler mais, cette fois-ci, pour appeler à l’aide. Le voisin explique la raison de cette dispute: la mère a insisté pour que son fils éteigne l’ordinateur et aille au lit. Les actes de violence chez les jeunes font couler pas mal d’encre depuis quelques années. C’est devenu un sujet de grande préoccupation. D’ailleurs, le bureau de l’Ombudsperson for Children avait consacré une demi-journée à un atelier de travail sur le sujet en mars dernier. Rita Venkatasawmy, défenseur des droits des enfants, estime que « la situation est urgente et qu’il faut s’asseoir ensemble pour trouver des solutions, que ce soit dans le domaine familial, éducatif ou dans les centres de réhabilitation ». Justement, où avons-nous failli ?

Sanctions non adaptées à l’enfant

La violence poussent souvent les jeunes à être en conflit avec la loi. Les travailleurs sociaux estiment que de nombreux parents, dépassés par le comportement des enfants, font appel à la justice quand ils sentent qu’ils n’ont plus le contrôle sur leur progéniture. Mais que se passe-t-il par la suite pour ces enfants ? La suite navre Me Hervé Lassémillante de la Commission des droits de l’homme. « L’enfant est emmené devant un magistrat dans un environnement qui n’est pas du tout approprié pour lui. Le magistrat se base sur le rapport d’une seule personne. L’enfant, dans la plupart des cas, n’a pas son mot à dire ou si on lui demande son opinion, il ne va pas oser ouvrir la bouche car, autour de lui, il n’y a que des adultes. Cet enfant de 11 ans est, par la suite, envoyé au centre de réhabilitation possiblement jusqu’à ses 18 ans. Cela est révoltant ! » martèle l’homme de loi. C’est à la mode de qualifier un enfant de Child beyond control, poursuit-il. « Lorsqu’il arrive sur place, il se retrouve dans un lieu qui ressemble beaucoup à une prison, parmi une population hétérogène, et vous voudriez qu’il ne se révolte pas ? J’invite d’ailleurs ces magistrats à venir constater de visu l’endroit où ils condamnent ces enfants à vivre pendant des années », lance-t-il, ajoutant qu’il a déjà envoyé un courrier au ministère concerné à cet effet. [row custom_class=""][/row] [col-md-4]
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psychologue.

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Le manque d’encadrement

La psychologue Virginie Bissessur abonde dans le même sens. C’est l’approche que l’on adopte pour aider les enfants violents qu’il faut changer. « Le comportement de certains jeunes découle souvent des familles qui n’ont pas réussi à encadrer leurs enfants et instaurer une discipline. La violence est un symptôme de la souffrance. La société a du mal à reconnaître la souffrance psychologique autant qu’elle reconnaît la souffrance physique », explique-t-elle. Il est important de se mettre à la place de ses enfants, d’être à l’écoute et de ne pas avoir un rapport de force, poursuit la psychologue. « Il faut surtout savoir se mettre sur un pied d’égalité avec l’enfant », conseille-t-elle. Elle est rejointe dans ses propos par son confrère Vijay Ramanjooloo, qui ajoute toutefois que « quand un enfant agit mal, il faut le punir ». Cependant, dit le psychologue, il est important de bien lui faire comprendre qu’on l’aime, mais que ce sont ces mauvaises actions qui ne sont pas tolérées.

Un problème de santé publique mondiale

Selon l’Organisation mondiale de la santé, « la violence chez les jeunes est un problème de santé publique mondiale. Elle recouvre toute une série d’actes qui vont du harcèlement aux violences physiques, en passant par des violences sexuelles et physiques plus graves pouvant aller jusqu’à l’homicide. On estime que, dans le monde, il y a 200 000 homicides par an chez les jeunes de 10 à 29 ans, ce qui en fait la quatrième cause de mortalité dans cette tranche d’âge ».

« Tout ce que nous subissons dans notre enfance a un impact sur la personne que nous allons devenir. Malheureusement, dans la plupart des cas, toutes les victimes deviennent des bourreaux. C’est notre approche qu’il faut changer. Les parents devraient aussi être tenus responsables quand ils n’arrivent pas à contrôler leurs enfants », tient à faire ressortir notre interlocuteur. « La violence est un phénomène qui touche toutes les tranches d’âge », lance pour sa part Emilie D. Pour cette jeune fille de 17 ans, il ne faut pas toujours associer la violence aux jeunes. « Peut-être qu’on en parle souvent parce que les jeunes ne savent pas se contrôler ou parce qu’ils ne sont pas aussi matures que les adultes pour pouvoir trouver un terrain d’entente. En tout cas dans mon entourage, je peux vous dire que je vois des jeunes responsables, qui ne sont pas violents », argue l’adolescente. Cependant, cette dernière conçoit tout de même que l’encadrement des parents aide beaucoup…

Témoignages de jeunes - Kushal B., 13 ans: « Je suis violent quand on est violent avec moi »

À 13 ans seulement, Kushal a déjà eu des problèmes à l’école à cause de son comportement. Cependant, estime le collégien, il est tout à fait « normal » pour lui de mal réagir quand les gens autour de lui réagissent mal. « Ce n’est pas parce que je suis plus petit, ou plus jeune qu’on doit me dominer », lance-t-il. Il parle là des grands de son collège qui ne cessent de lui faire voir de toutes les couleurs. « Pendant la récréation, ils volent mon pain ou mon argent de poche ou me donnent des coups avec un ballon. Lorsque je rapporte le cas à mon enseignant, il me répond que je dois savoir me défendre ou de laisser tomber et qu’ils vont sûrement arrêter. Un jour, l’un d’eux s’est moqué de moi et je lui ai donné un coup de pied dans les parties intimes. Pour moi, c’est tout à fait normal d’être violent quand on est violent avec moi. »  
   

Françoise Labelle, formatrice de la méthode Gordon: « Apprendre à gérer ses émotions peut aider à combattre la violence »

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Selon vous, qu’est-ce qui explique le comportement violent des jeunes ? Premièrement, il n’y a pas que les jeunes qui sont violents. Nous retrouvons beaucoup de violence chez les adultes aussi. Christiane Olivier dans son livre intitulé L’Ogre intérieur déclare que la violence « est en chacun de nous: originellement force de vie, elle peut se retourner en pulsion de destruction ou de mort ». Je pense qu’il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer le comportement violent de certains jeunes. Tous les jeunes n’ont pas un comportement violent. Je crois qu’il est important de le dire et ne pas tomber dans la généralité. Un des facteurs peut être un manque de « mots pour mettre sur les maux ». Apprend-on à nos jeunes à s’adresser à l’autre ? Apprend-on à nos jeunes à exprimer leurs émotions ? Avez-vous remarqué comment nous avons un vocabulaire très pauvre lorsqu’il s’agit d’exprimer nos émotions ? Soit nous sommes contents ou en colère ! Un deuxième facteur peut être l’incapacité de gérer ses émotions. Nous avons le droit d’être en colère. Que fait-on de cette colère ? Comment l’exprime-t-on ? En bref, apprendre à nos jeunes à exprimer et à gérer leurs émotions peut, à mon humble avis, aider grandement à combattre la violence. Un troisième facteur peut être la « violence éducative » – les punitions corporelles qu’on inflige aux enfants pour les « corriger » ! Les parents pensent qu’ils ont le droit de frapper si ce n’est pas de « battre » leurs enfants en cas de conflit. La violence éducative ne se résume pas à la violence physique seulement. Il y a aussi la violence verbale, la violence psychologique, utilisées non seulement dans le milieu familial mais aussi dans le milieu scolaire. Vous proposez une formation qui prépare des adultes à devenir des parents efficaces. Pourquoi est-ce qu’il est important de former les parents ? « Etre parent, ça s’apprend », disait Thomas Gordon. Si nous trouvons normal de recevoir une formation afin d’exercer un métier ou une profession, nous ne pensons pas qu’il nous faut recevoir une formation pour faire le travail le plus difficile: élever un enfant. La formation que je propose, Ateliers Gordon Parents, est de Thomas Gordon, auteur de nombreux ouvrages tel que Parents Efficaces et Parents efficaces au quotidien, Eduquer sans punir. Thomas Gordon avait lui-même animé un premier atelier pour les parents en 1962 dans le but d’aider ces derniers à mieux communiquer et développer des relations harmonieuses en famille. Cette formation donne aux parents des outils simples et efficaces pour exercer une autorité juste. Les Ateliers Gordon Parents sont organisés à travers le monde dans plus de quarante pays par des formateurs accrédités par le Gordon Training International qui se trouve en Californie. Vos conseils pour autodiscipliner son enfant et éduquer sans punir... Je n’aime pas donner des conseils… J’aime beaucoup partager ce que j’ai appris des auteurs tels que Carl Rogers, Thomas Gordon ou encore Marshall Rosenberg (la communication non violente). Je préconiserai donc de respecter les besoins (je ne parle pas des envies) de ses enfants. Ce faisant, nous apprenons à nos enfants à respecter nos besoins et ceux des autres. Nous devons aussi apprendre à les écouter pour justement entendre leurs besoins. Écouter ses enfants, ça s’apprend. Il est important aussi de revoir notre conception de « discipline ». Lorsqu’on parle de discipliner un enfant nous pensons à « commander, corriger, soumettre et punir ». Nous ne pensons pas en termes former, entraîner, inculquer de valeurs, guider, accompagner. Quand le comportement d’un enfant nous est inacceptable, aider l’enfant à changer ce comportement, en évitant d’utiliser le ‘tu qui tue’…  Parlez de ce que vous ressentez devant son comportement et les effets tangibles et concrets que ce comportement a sur vous et exprimez vos besoins. Je reconnais que c’est tout un programme et c’est ce que les parents apprennent au cours des Ateliers Gordon Parents…
 

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