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L’autre Noël des sans-abris…

Avant de se coucher, les résidents de l’Abri de nuit peuvent se détendre devant un film à la télé.
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Pendant que les rues scintillent de lumières et que les vitrines des centres commerciaux débordent d’idées de cadeaux, un autre monde se cache où des petits sapins de Noël éclairent des recoins chaleureux et où les cadeaux se limitent à un repas chaud et à un abri pour la nuit.

Jeudi 21 décembre, 17 heures. Nous franchissons le seuil de l’Abri de nuit de St-Jean, à Quatre-Bornes. Lynley Lachicoré-Simathree, le responsable de la réinsertion des résidents, nous accueille. Autour d’une tasse de café, il partage avec nous l’histoire de cet abri de nuit, parrainé par Caritas Ile Maurice, qui fêtera ses 20 ans d’existence l’année prochaine. L’Abri de nuit de Port-Louis existe, lui, depuis 30 ans. 

« Actuellement, notre capacité d’accueil est de 40 résidents. Ils sont tous des hommes. Le plus jeune a 22 ans et le plus ancien, 67 ans », dit-il. 

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Lynley Lachicoré-Simathree, le responsable de la réinsertion des résidents de l’Abri de nuit de St-Jean.

Chaque jour, les résidents quittent l’abri après le petit-déjeuner vers 8 heures pour aller travailler ou vaquer à leurs occupations quotidiennes. Parmi eux, certains continuent d’errer dans les rues. Vers 19 heures, ils reviennent tous pour se doucher et partager ensemble un repas chaud, avant de trouver le repos dans les dortoirs aménagés dans l’Abri de nuit. 

Qui sont les âmes composant ce refuge solidaire ? Lynley Lachicoré-Simathree indique qu’il y a des SDF (sans domicile fixe), des toxicomanes, des alcooliques, des ex-détenus, des individus brisés par les aléas de la vie, ou aux prises avec des problèmes familiaux, des orphelins, des jeunes ayant vécu dans des « shelters » de l’île et qui n’ont nulle part où aller après avoir eu 18 ans… Ainsi, une mosaïque humaine variée, unie par la quête commune d’un abri et de soutien, y réside pendant 18 mois. 

Et après, que font-ils ? « Nous ne les mettons pas à la porte après 18 mois. Ce n’est pas une période butoir. Elle nous permet de responsabiliser et d’autonomiser les résidents pour chercher un travail et économiser de l’argent pour se trouver un toit et voler de leurs propres ailes. » Cela permet également de libérer de la place pour accueillir d’autres sans-abris et de les aider de la même façon. 

« Ici, nous ne faisons pas que donner un abri et un repas aux bénéficiaires, nous les accompagnons à travers l’écoute. Nous essayons de les aider par rapport à leurs problèmes et de trouver des solutions. Nous les orientons aussi vers d’autres centres si besoin est, notamment pour la réhabilitation etc. », fait-il ressortir. 

Des défis pour mener à bien cette mission de Caritas qui est de Mettre L’homme Debout ?

 « Évidemment qu’il y en a. Nous faisons de notre mieux pour les relever. Mais ces personnes sont souvent sans repères, portant de nombreuses blessures datant de l’enfance. Certaines veulent s’en sortir, d’autres sont livrées à elles-mêmes et veulent juste avoir de quoi se mettre sous la dent et un lieu pour dormir. Donc, nous faisons de notre mieux pour toucher le plus de vies possible. Nous pouvons aider, mais nous ne pouvons pas changer une personne sauf si elle a la volonté de le faire pour un meilleur avenir. »

Si vous souhaitez aider l’Abri de Nuit de St-Jean, les dons de vêtements et de nourriture sont les bienvenus. Vous pouvez aussi faire don de pots de peinture et de pinceaux ou vous porter volontaire pour redonner un petit coup de neuf, avec vos amis ou autres. 

En cuisine avec les bénévoles de l’Église Adventiste de Camp-Levieux

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Theresa Larhubabe, l’une des bénévoles de l’Eglise Adventiste de Camp-Levieux.

Ce jeudi 21 décembre, un groupe généreux de paroissiens de l’Église Adventiste de Camp-Levieux s’engage à offrir un repas réconfortant aux résidents de l’Abri de nuit de St-Jean. Dès notre entrée en cuisine, un parfum d’épices chatouille nos narines. Chef d’orchestre de ce festin du soir, Jean Christian Labonne coordonne les tâches. Deux paroissiennes préparent la salade tandis que les hommes manient les casseroles. 

Au menu ce soir : un « cari poul » avec des pommes de terre et des lentilles rouges, le tout accompagné de riz et une salade de laitues et de concombres. Theresa Larhubabe, l’une des bénévoles de l’Église Adventiste, nous confie que l’équipe est aux fourneaux depuis 16 h 30. « Nous avons commencé tôt. Après avoir coupé le poulet et les légumes, nous avons commencé à préparer le repas. Comme nous devons le servir à 19 heures, nous faisons de notre mieux pour être dans les temps », dit-elle, sourire aux lèvres. 

D’où proviennent les ingrédients pour concocter ce repas festif ? « Entre paroissiens, nous avons tous contribué et nous avons également reçu des dons de marchands de légumes et d’autres généreux 

donateurs », se réjouit-elle. En effet, plusieurs mains bienveillantes agissant dans l’ombre permettent d’apporter de la lumière à travers un repas chaud aux sans-abris, non seulement en cette période festive, mais quasiment chaque soir. 

Repas en take-away pour d’autres SDF

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Des SDF qui ne résident pas à l’Abri de nuit de St-Jean attendent à l’extérieur pour recevoir à manger.

À l’extérieur, les SDF qui ne résident pas à l’Abri de nuit de St-Jean, se manifestent un par un, avec des bols à la main. Comme chaque soir, ils sont devant le portail pour recevoir de la nourriture avant de regagner la rue et leur lit improvisé en cartons pour manger et dormir à la belle étoile. 

Didier, qui est encadrant à l’Abri de nuit de St-Jean depuis un an et demi, les rejoints et annonce le menu : « Bonsoir messieurs. Zordi nou ena enn diri kari poul ek lantil. Donn zot bol. » Des sourires illuminent les visages de ces individus affamés, sans un sou en poche. De bouche à oreille de SDF à SDF, ils savent qu’en se manifestant ici, ils ne dormiront pas le ventre vide à la tombée de la nuit. En effet, il y a toujours à manger pour tous ceux qui en ont besoin. 

Nous suivons Didier qui retourne en cuisine. Les bénévoles de l’Église Adventiste de Camp-Levieux remplissent les garde-manger, puis nous retournons les remettre aux sans-abris attendant devant la porte. Une fois, le repas en « take-away » reçu, ils le rangent dans leur sac qu’ils enfilent sur leurs épaules. Le cœur content, ils se dirigent à petits pas là où ils trouveront refuge pour la nuit. 

« D’autres viendront encore », lance Didier. Il confie que le surplus de nourriture chaque soir est souvent offert aux autres sans-abris qui viennent en quémander. « Cela nous permet d’éviter le gaspillage et d’aider d’autres personnes à manger à leur faim. » 

À table avec les résidents 

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Les résidents de l’Abri de nuit de St-Jean se rassemblent autour du repas préparé avec amour.

Une petite cloche retentit… C’est l’heure du dîner. Les résidents sont de retour dans l’Abri de Nuit de St-Jean et rassemblés dans la salle à manger. Certains ont eu le temps de se doucher, d’autres non car ils viennent juste de finir le travail. Ceux qui sont rentrés plus tôt ont mis les couverts sur la table pour les autres. Un geste qui témoigne de la camaraderie existante entre les résidents.

Jean Christian Labonne, de l’Église Adventiste de Camp-Levieux, explique la présence des paroissiens, soulignant l’importance de l’esprit de partage en cette période festive. S’ensuit une prière empreinte d’un appel au réconfort. Dès le mot « Amen » prononcé, les bénéficiaires s’installent à table. 

Pour égayer l’atmosphère de ce repas partagé, des jeunes de l’église chantent quelques cantiques. Les paroissiens discutent avec les bénéficiaires qui savourent une glace en dessert. Entre conseils et éclats de rire, la solidarité et l’empathie émeuvent nos cœurs ce soir. 

Notre soirée se termine avec Yousouf, un vieux routier qui a vécu dans les rues. Il se vante d’être « casual » ici. Ce qui veut dire qu’il travaille à l’Abri de nuit. « Akoz miray simitir inn grene laba, mo pe bisin ed legliz pou sirvey bann tom pou evit piyaz », dit-il. Et d’ajouter qu’il est passé voir son ami à l’Abri de nuit et aussi profiter du repas offert avant d’aller travailler pendant toute la nuit. 

Pourquoi s’est-il retrouvé à la rue ? « Apre dese mo madam, mo inn gagn enn kopinn pli zen ki mwa, preske mem laz ek mo tifi. Biensir fami pann dakor. Monn bisin kit lakaz. Monn ress dan lari. Aster mo tras trase mo travay pou gagn mo lavi ek get mo kopinn », confie-il avec humour. 

Avant de tirer sa révérance, Yousouf nous partage qu’il est très reconnaissant envers les âmes bienveillantes de l’Abri de nuit de St-Jean  : « Mo dir zot enn gran mersi pou zot zenerosite e mo swet zot enn Joyeux Noël. »

Cette année pour Tristan, le Père Noël s’appelle Karen

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Cela fait 18 ans que Tristan Fabre réside à l’Abri de nuit de St-Jean.

Au cœur de l’Abri de nuit de St-Jean se dessine une histoire extraordinaire. Autrefois perdu dans l’ombre de la rue après avoir divorcé de sa femme, Tristan Fabre, 67 ans, a trouvé refuge dans cet abri qui est devenu son havre de paix. Cela fait 18 ans qu’il y réside. 

Assis sur une bordure en béton, Tristan Fabre grille une cigarette. Sachant qu’il est le bénéficiaire le plus ancien et le plus âgé de cet abri de nuit, nous l’approchons. Avec le sourire, il nous parle de lui. « Je suis tailleur de pierre. Vous voyez la pierre là-bas, c’est moi qui l’ai taillée. Il y a mon nom dessus », dit-il tout fier. Ledit rocher sert d’élément décoratif dans le jardin dont il s’occupe pour faire pousser des légumes.

« Mo travay pou monper kouma zardinie. Isi, mo plante pou ki nou gagn legim pou nou servi pou fer repa », dit-il. « Aster mo pa tro gagn letan. Me get sa balistrad-la, mo em kinn fer sa. Mo ede kouma mo kapav. Mo enn dimoun ki toultan kontan travay. Dimoun inn bien ed mwa kan mo ti dan difikilte. Aster mo tour pou ed zot », ajoute-t-il. Portant sur ses épaules le fardeau d’une existence marquée par l’incertitude des rues, Tristan Fabre ne se contente pas de recevoir. Aujourd’hui, il s’engage pleinement à redonner à la communauté qui lui a tendu la main. 

Cette année pour Tristan Fabre, le père Noël s’appelle Karen. Lors d’un repas généreusement offert par l’Église Adventiste de Camp-Levieux, Karen, une bénévole, lui a non seulement offert un présent, mais elle a également partagé avec lui quelques pas de danse. Dans cette salle où l’esprit de Noël était palpable sous un petit sapin illuminé et décoré, une danse improvisée est devenue un moyen d’exprimer la joie retrouvée, un instant où le passé difficile de Tristan s’est effacé dans le tourbillon de la musique, de la camaraderie et des fous rires échangés avec Karen. 

Cette dernière n’a pas seulement été le Père Noël de Tristan Fabre pour un jour, elle a allumé une flamme qui continue de briller dans son cœur. Sa générosité a déclenché une réaction en chaîne de bienveillance transformant un destin individuel en une histoire collective de résilience et d’espoir. C’est une histoire qui rappelle que la magie de Noël réside dans notre capacité à être les porteurs de lumière pour ceux qui en ont besoin, à créer des moments de grâce et à semer des graines d’espoir dans les endroits les plus inattendus. 

 

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