Le Grand Journal - Affaire Platinum Card : la légalité et la moralité des transactions débattues

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L’utilisation de la Platinum Card d’Ameenah Gurrib-Fakim fait toujours débat. La présidente de la République avait-elle le droit d’utiliser une carte de crédit remise par une association pour faire du shopping ? C’était le thème du Grand Journal de Radio Plus, lundi. Gilbert Bablee et Patrick Hilbert recevaient Shakeel Mohamed député travailliste, Ravi Rutnah, Deputy Chief Whip et député de la majorité, et Dan Maraye, ancien Gouverneur de la Banque de Maurice et observateur politique.

Ravi Rutnah parle de la position de son parti, le Muvman Liberater (ML). Il affirme qu’il y a beaucoup de choses qui sont dites, mais le parti fonctionne bien et le ML se concentre sur l’avenir du pays. « Rien ne secoue le parti et le gouvernement. Je ne viens ni défendre ni accuser qui que ce soit. » Il souligne qu’aucune loi n’empêche une personne d’utiliser une carte de crédit. Ravi Rutnah est d’avis que ce n’est pas parce qu’Ameenah Gurib-Fakim est présidente de la République qu’elle ne peut utiliser une carte de crédit qu’elle avait en sa possession.

Shakeel Mohamed prend Ravi Rutnah à contrepied, en affirmant que le Deputy Chief Whip avait pris position : « Il avait dit que si ces cartes de crédit ont été vraiment utilisées par la présidente, elle devra partir. » Le député rouge affirme qu’il s’agit, là, de la présidente de la République. Il cite l’article 28 de la Constitution qui  stipule que le chef de l’État ne doit pas avoir d’autres  émoluments que ceux perçus comme président. « La présidente a bénéficié d’une carte pour aller faire du marketing pour Planet Earth Institute, mais elle l’a utilisée pour s’acheter des bijoux. Il s’agit de la Présidente et pas d’un citoyen ordinaire. »

Dan Maraye explique que les politically exposed persons sont sujettes à des rapports sur leurs transactions par les banques commerciales. Ces rapports sont envoyés à la Banque de Maurice (BoM). L’ancien Gouverneur de la BoM explique que les comptes de ces personnes sont passés à la loupe si jamais il y a des transactions irrégulières. « C’est pour éviter qu’il y ait des maldonnes. Les banques vérifient scrupuleusement les transactions des politiciens. » 

Shakeel Mohamed explique qu’il y a clairement un problème à la Banque de Maurice, si jamais les transactions de la présidente concernant sa carte de crédit sont passées inaperçues. 

Documents authentiques ou pas ?

Ravi Rutnah a des doutes. « J’avais dit que je doute de la crédibilité de l’express », Selon lui, il n’y a aucune présidente ait bénéficié d’un salaire ou qu’elle soit engagée dans un business. Il a même tenté de faire le procès de l’express avant d’être interrompu par Gilbert Bablee.

Dan Maraye est, lui, catégorique. La présidente a utilisé une carte offerte par l’association d’Alvaro Sobrinho. Selon l’observateur politique, le fait qu’elle s’associe avec ce personnage très controversé éclabousse la présidence et il trouve « dommage  » qu’Ameenah Gurib-Fakim ne connaisse pas ses limites. « Un président une fois nommé ne doit pas s’occuper d’autres affaires sauf celles du pays, ce n’est pas possible qu’un Mauricien qui aime son pays s’associe à ce personnage. »

Shakeel Mohamed trouve que ce n’est pas au quotidien l’express de venir prouver l’authenticité des documents, comme l’a réclamé Ameenah Gurib-Fakim, samedi. « C’est la réaction de quelqu’un qui vient concéder la défaite, elle ne vient pas démentir.» Le député observe aussi « l’uniformité de la défense ridicule de la présidente ». Ravi Rutnah ajoute par ailleurs qu’Ameenah Gurib-Fakim n’a jamais lancé d’ultimatum à ce quotidien pour prouver l’authenticité des documents publiés. Il affirme que rien de prouve que ces documents sont authentiques.

Secret Bancaire et intérêt public 

À Ameenah Gurrib-Fakim qui a déploré ce qu’elle qualifie de violation du secret bancaire, Dan Maraye réplique que le secret bancaire sert à protéger les gens honnêtes. « Je suis convaincu qu’en tant que bon Mauricien, il est dans l’intérêt du public de venir dévoiler ces documents. » Il blâme ceux qui viennent invoquer la loi sur le secret bancaire pour protéger des maldonnes. Il souhaite que « la Banking Act soit amendée pour encourager les whistle blowers et favoriser la transparence et la bonne gouvernance ».

Ravi Rutnah plaide pour que les transactions bancaires de toute personne, qu’elle soit président, ministre, député, ou simple citoyen demeurent confidentielles. « Y a-t-il une loi qui empêche une personne d’utiliser sa carte de crédit ? L’intérêt public, c’est de dévoiler des fraudes massives et pas les transactions d’une personne », dit-il.

Shakeel Mohamed reprend les déclarations de la présidente de la République qui se dit affectée par la divulgation des documents. Le député souligne que l’article 18, 2 (d) de la Foundation Act stipule qu’une personne doit agir de bonne foi pour promouvoir les objectifs de la fondation. « Les objectifs de la fondation n’est pas d’offrir une carte à la présidente pour s’acheter des bijoux. Si l’article 18 et ses alinéas n’ont pas été respectés, c’est un délit », avance-t-il.

Dan Maraye explique, quant à lui, que des chefs d’entreprise disposent aussi de cartes de crédit mais qu’ils sont autorisés à les utiliser uniquement pour des besoins spécifiques. Il ajoute que la déclaration du ministre Mentor, sir Anerood Jugnauth, selon laquelle la présidente a tout remboursé vient apporter de l’eau au moulin de ceux qui condamnent la façon dont la carte de crédit a été utilisée.

« Vous ne faites que détruire la réputation de la personne », fulmine Ravi Rutnah. 

Motion soutenue par les membres du gouvernement

Sir Anerood Jugnauth a indiqué que la présidente a tout remboursé, mais Shakeel Mohamed persiste à dire qu’elle n’avait pas le droit de détenir une telle carte de crédit. Le député demande au Premier ministre de venir avec une motion, après la sienne, pour initier une enquête sur toute l’affaire.

Le député rouge fait ressortir que le numéro 2 du gouvernement,  Ivan Collendavelloo, prend la défense de la présidente et d’Alvaro Sobrinho. « La motion de blâme que j’ai déposée a le soutien de plusieurs députés du gouvernement et Pravind Jugnauth dira que c’est un vote libre, je le sais. Ils sont venus me voir, m’ont appelé et m’ont donné la garantie de leur soutien. »

Selon le député travailliste, s’ils étaient sur la même longueur d’onde, Pravind Jugnauth et Ivan Collendavelloo ne se seraient pas rencontrés.

« Il y a un risque de cassure. Il y a tellement de questions sur Ameenah Gurib-Fakim, sur ses bijoux. Si elle les a ramenés à Maurice, les a-t-elle déclarés à la douane.» Shakeel Mohamed estime que le peuple mérite que la présidente vienne dire la vérité. Dan Maraye ajoute qu’elle aurait du venir à la télévision pour s’expliquer. 

Le débat a pris fin avec deux avis négatifs sur trois à l’encontre de la présidente.

Dan Maraye: « Je suis écœuré. Pas possible de fêter les 50 ans d’indépendance dans une telle situation. »

Shakeel Mohamed: « Je suis triste. Le leadership ne fonctionne pas. »

Ravi Rutnah: « C’est malheureux que certains cherchent à salir la réputation de la présidente.»

 

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