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Le macaque à longue queue menace la biodiversité locale 

Owen Griffiths nourrissant les singes autrefois à Bioculture.

Introduite à Maurice au début du XVIIe siècle, cette espèce met une pression supplémentaire sur la biodiversité locale. Owen Griffiths, qui est biologiste de formation, nous en dit plus.

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Une précision pour commencer. Le macaque à longue queue (Macaca fascicularis) ou encore macaque crabbier n’est pas une espèce endémique de Maurice. Il est considéré comme une espèce exotique envahissante en raison des dommages qu’il cause à la biodiversité locale, souligne Owen Griffiths, fondateur de Bioculture. Biologiste de formation, ce passionné de biodiversité est aussi le propriétaire de La Vanille Nature Park, Ebony Forest, et la Réserve François Leguat, entre autres. 

C’est vers le début du XVIIe siècle que cette espèce a été introduite par des marins portugais et néerlandais, probablement comme animal de compagnie. Mais à cause de leur agressivité et des dommages causés aux navires, certains macaques ont été relâchés lors d’escales, ajoute-t-il.

Le Macaca fascicularis est une espèce de singe catarhinien de la famille des cercopithécidés. Owen Griffiths nous apprend qu’originaire d’Asie du Sud-Est, cette espèce a été reclassée en 2022 de « Vulnérable » à « En danger » par l’UICN. Où en trouver à Maurice ? « Partout », répond-il avec un sourire. Nous pouvons les trouver principalement dans les zones forestières, mais aussi près des zones urbaines avec un peu de couvert forestier. « Le noyau dur de la population se trouve dans les forêts et chasses, ainsi que dans le Parc national », souligne-t-il.

Les macaques sont des omnivores opportunistes, fait-il savoir. Ils peuvent manger une grande variété de nourriture carnée et végétale. Bien que les fruits et les semences représentent 60 à 90 % de leur apport alimentaire, ils se nourrissent aussi de feuilles, de fleurs, de racines et d’écorce. Des vertébrés font également partie de leurs proies, comme les oiseaux, les poussins d’oiseaux, les lézards, les grenouilles, les poissons ainsi que des invertébrés et des œufs, soutient le biologiste.

Présence dans les zones urbaines

Pourquoi sortent-ils des forêts pour aller chercher de la nourriture dans les zones habitées ? Owen Griffiths estime que c’est le manque de nourriture pour soutenir la population actuelle de macaques qui les inciterait à pénétrer plus fréquemment dans les zones urbaines. À Maurice, dit-il, la population exacte des macaques à longue queue n’est pas déterminée. En 2017, la population était estimée à plus de 40 000 individus, sur la base d’études antérieures et de données empiriques d’observations. Toutefois sans contrôle, nul ne sait si elle continue d’augmenter en nombre, fait-il remarquer.

Parfois, poursuit Owen Griffiths, des grands groupes se séparent en plus petits groupes qui vont conquérir de nouveaux territoires. « Si ceux-ci sont proches des zones urbaines, ils vont alors souvent s’aventurer dans les habitations pour se nourrir et établir de nouveaux territoires. » Autre facteur : la réduction des zones forestières, même exotiques, qui force les macaques vers les habitations humaines. 

Pourquoi sont-ils considérés comme des « nuisibles » ? « En zones urbaines, ils sont agressifs envers les hommes et leur animaux domestiques et font les poubelles. » Le biologiste souligne également l’impact de ces singes sur la biodiversité locale et l’agriculture. Les macaques nuisent à la biodiversité locale en se nourrissant des plantes et en chassant les animaux qui sont originaires de la région. De plus, ils sont en concurrence avec les animaux et les plantes endémiques pour les fruits. 

« Le macaque n’a pas de prédateurs naturels à Maurice et donc sans contrôle de la population, elle continuera d’augmenter. » Et de rappeler que le Groupe de spécialistes des espèces envahissantes de l’Union internationale pour la conservation de la nature classe le macaque à longue queue parmi les « 100 pires espèces exotiques envahissantes du monde ». 

Les macaques détruisent les nids des oiseaux endémiques, mangent les œufs, tuent les poussins et attaquent les adultes s’ils sont accessibles. « Leur présence menace la survie des oiseaux endémiques de Maurice. Par exemple, si la population de macaques est élevée dans le Parc national, très peu de Pigeons des Mares arriveront à maturité. Cela s’est vu en 2015 », affirme Owen Griffiths. 

Les macaques sont aussi connus pour consommer une grande quantité de fruits d’arbres endémiques tels que le bois clou, le bois de pomme, le bois de bœuf, l’ébène, et le makak. Ils brisent les tiges et les feuilles de plantes endémiques. Selon lui, cela signifie qu’il y a moins de fruits disponibles pour les espèces endémiques telles que la Roussette de Maurice et les oiseaux.

Étant donné qu’il reste moins de 2 % de forêt indigène d’origine à Maurice, la flore et la faune sont menacées d’extinction. Avec les changements climatiques, la présence de plantes exotiques envahissantes, la déforestation et l’urbanisation, les macaques ajoutent une pression supplémentaire sur la biodiversité mauricienne. Si rien n’est fait pour contrôler la population des macaques à longue queue, elle va continuer de grossir, aggravant les dégâts que cette espèce cause déjà et menaçant d’extinction certaines espèces endémiques, principalement les gros oiseaux comme le Pigeon des Mares et la Grosse Câteau Verte, ainsi que des passereaux comme l’Oiseau à Lunettes. 

Un contrôle se pratique-t-il à Maurice ? « Oui, à la demande des autorités locales, les membres de la Cyno Breeders Association de Maurice, comme Bioculture, font du contrôle des macaques. Cela a un impact positif sur la faune et la flore endémique », confirme-t-il. 

Sécurité alimentaire 

Owen Griffiths nous explique que les macaques sont parfois désignés sous le nom de « crop-raiders ». La raison étant qu’ils peuvent jeter leur dévolu sur les récoltes de canne à sucre, de maïs et de beaucoup d’autres légumes. « Ils mangent aussi des fruits comme les mangues et les letchis. Ce qui provoque parfois des pertes financières importantes pour les agriculteurs locaux », indique-t-il. 

Comment Bioculture aide-t-elle à réduire l’impact des singes ? « Notamment en capturant des macaques dans les KBA (Key Biodiversity areas) à Maurice », dit Owen Griffiths. Il explique que diminuer le nombre de macaques et leur pression sur les espèces indigènes et endémiques, favorise l’augmentation du nombre de descendants, ce qui contribue à accroître la population de ces espèces. De même, les plantes produiront davantage de fruits, favorisant la germination de nouvelles plantules.

« Dans la conservation, le contrôle des espèces exotiques introduites, principalement les animaux, est un sujet très controversé car il implique l’élimination d’animaux. » À Maurice, aucun mammifère autre que les chauves-souris n’a colonisé l’île. De ce fait, tous les autres mammifères comme les rats, les chats, les mangoustes, les singes, les tenrecs ont été introduits par l’homme et ont un impact direct sur le faune endémique. 

« Malheureusement pour le moment, fait comprendre Owen Griffiths, nous n’avons trouvé aucun moyen que le contrôle de ces espèces exotiques introduites pour préserver et sauver nos espèces endémiques comme la Crécerelle de Maurice, la Grosse Câteau Verte, le Pigeons des Mares et l’Oiseau à Lunettes. C’est un mal nécessaire. »

 

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