Monde

Les Irlandais votent sur la libéralisation de l'avortement

Une électrice dépose son bulletin dans l'urne à Athlone, en Irlande, lors du référendum sur l'avortement le 25 mai 2018

Les Irlandais votaient vendredi sur l'abrogation de l'interdiction constitutionnelle de l'avortement, un scrutin historique dans ce pays à très forte tradition catholique. Près de 3,5 millions d'électeurs sont appelés à se prononcer à l'issue d'une campagne âpre, au cours de laquelle les divisions entre villes et campagne, jeunes et moins jeunes se sont exacerbées.

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Arrivée tôt dans son bureau de vote dans un quartier résidentiel de Dublin, Emer, 28 ans, explique s'être "fait son opinion il y a longtemps déjà" et avoir voté "Oui". Non loin de là, Arthur Keaging, retraité de 68 ans, affirme qu'il votera "Non", soulignant que ses six enfants voteront eux certainement oui. Dans la petite ville de Kilcullen, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Dublin, Sean Murphy votera également "Non". "Je ne vois pas de raison de changer la situation actuelle", dit-il à l'AFP.

Selon les derniers sondages, l'avantage est au "Oui" à la libéralisation de l'IVG mais le nombre élevé d'indécis rend le résultat final difficile à prévoir. Toutefois, les autorités ont enregistré un nombre important de nouveaux inscrits sur les listes électorales, avec plus de 118.000 demandes d'ajout cette année, signe de l'intérêt pour ce vote.

La mobilisation de l'électorat a été l'un des grands axes des militants anti et pro-avortement, les premiers tablant sur un sursaut de l'Irlande rurale, tandis que les seconds ont fortement encouragé les jeunes à s'inscrire et à voter. De nombreux militants des deux camps continuaient vendredi de tenter de convaincre les électeurs d'aller voter, mais les règles électorales leur interdisent d'être à moins de 50 mètres d'un bureau de vote.

Le Premier ministre Leo Varadkar, qui a voté dans le nord-ouest de la capitale irlandaise, s'est dit "plutôt confiant" dans une victoire du 'Oui' pour lequel il a fait campagne. Il a appelé les Irlandais à se déplacer en nombre pour s'exprimer, jugeant qu'un fort taux de participation serait un bon signe pour le "Oui".

La consultation pose précisément la question de l'abrogation du 8e amendement de la constitution irlandaise, introduit en 1983, qui interdit l'avortement au nom du droit à la vie de "l'enfant à naître (...) égal à celui de la mère". Après le décès de septicémie d'une femme enceinte en 2012, une réforme a été introduite en 2013 permettant une exception lorsque la vie de la mère est menacée.

La législation irlandaise n'en reste pas moins l'une des plus restrictives d'Europe, avec l'Irlande du Nord et Malte, contraignant des dizaines de milliers de femmes à aller avorter à l'étranger depuis 1983. La consultation intervient à trois mois d'une visite du pape François en Irlande et trois ans après la légalisation, par référendum également, du mariage homosexuel, qui avait provoqué un séisme culturel dans ce pays de 4,7 millions d'habitants.

Elle traduit le déclin de l'influence de l'Église catholique, dont la tutelle s'est érodée en raison des bouleversements économiques et sociaux mais aussi des nombreux scandales qui ont frappé l'institution religieuse, dont les affaires de pédophilie impliquant des prêtres, parfois couvertes par des responsables ecclésiastiques. Selon Diarmaid Ferriter, professeur d'histoire irlandaise à l'University College Dublin, les mentalités ont profondément évolué depuis 1983.

"A l'époque, le débat était dominé par des voix plus âgées, masculines, et l'Église se trouvait manifestement dans une position beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui", a-t-il dit à l'AFP. "Le profil des militants des deux côtés est bien plus jeune aujourd'hui". Les bureaux de vote sont ouverts de 06H00 GMT à 21H00 GMT. Les premières estimations seront publiées dans la soirée tandis que le résultat devrait être connu samedi dans l'après-midi.

Si le "Oui" l'emporte, le gouvernement élaborera un nouveau projet de loi qui, s'il est voté par le Parlement, devrait autoriser l'avortement dans les douze premières semaines de grossesse, et jusqu'à 24 semaines pour raisons de santé. "On se bat pour ça depuis des années, essayant désespérément d'obtenir des gouvernements successifs de faire quelques chose. J'espère que notre jour est arrivé", déclare Helen, 47 ans, devant son bureau de vote à Dublin. Avant de se faire héler par un homme qui lui reproche de ne pas accorder de prix à la vie.

AFP / Paul FAITH

 

 

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