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Les transferts dans le judiciaire passés à la loupe

Me Raouf Gulbul, Me Sanjay Bhuckory et Me Narwin Ramdass.

Des permutations sont  d’actualité  au sein de la magistrature, au bureau du directeur des poursuites publiques et à celui de l’Attorney General. Le remaniement dans le judiciaire est diversement commenté. Deux avocats de carrière et un jeune juriste partagent leur avis. 

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Àpartir du 3 juillet 2023, il y aura des changements dans le judiciaire.  Des permutations sont  prévues au sein de  la magistrature. Des cadres du bureau du directeur des poursuites publiques (DPP) et de celui de l’Attorney General (AG) seront aussi concernés par  des transferts. Cet exercice est diversement commenté. 

Me Raouf Gulbul, avocat et ancien magistrat, relativise  ce qui constitue un événement pour d’autres. « De tout temps il y a eu des permutations aux bureaux du DPP et de l’AG et à la magistrature. Le processus n’a rien de punitif. Il vise à donner l’occasion aux employés concernés de se parfaire et d’acquérir de l’expérience, en vue de progresser dans leur carrière », explique l’avocat.   

Procédure

Me Raouf Gulbul explique que tout recrutement au sein du  judiciaire, passe par la Judical and Legal Service Commission (JLSC). Celle-ci est présidée par le chef juge et a pour membres, le Senior Puisne Judge et un juge. Ce dernier est traditionnellement celui qui a le plus de temps de service parmi les juges de la Cour suprême. Le président de la Public Service Commission (PSC) fait aussi partie de la JLSC. 

C’est la JLSC qui lance un appel à candidatures pour le recrutement des membres du bureau du DPP et pour ceux qui souhaitent être magistrats. Les candidats pour ces postes sont sélectionnés et passent un entretien. Les critères sont bien établis pour les nominations à ces postes. Ceux qui sont nommés le sont sur une base temporaire. D’où les appellations « temporary magistrate » et « temporary state counsel ».  

Les pouvoirs de la JLSC

Après une période probatoire, c’est la JLSC qui décide si les « temporary magistrates » et « temporary state counsels» sont aptes à occuper les fonctions de magistrats ou d’avocats du parquet à plein temps. 

« C’est toujours à la JLSC de décider qui passera de State Counsel à Senior State Counsel et quel magistrat sera promu à la cour intermédiaire. La JLSC peut prendre des actions disciplinaires contre les magistrats et les membres du bureau du DPP et de l’AG. La JLSC a aussi le pouvoir de décider qui est apte à devenir juge. Les personnes sont recommandées au président de la République qui, sur l’avis du chef juge, procède à la nomination », ajoute-t-il. 

Un avocat, qui débute au barreau, peut devenir magistrat, ou peut exercer au bureau du DPP où il a l’occasion de maîtriser le droit pénal. Au bureau de l’AG, il va acquérir plus de connaissances sur le droit civil. S’il est magistrat et pratique devant les tribunaux de district, il se familiarisera avec les contraventions et les accusations provisoires, entre autres. 

Acquérir de l’expérience

« S’il aspire à devenir  juge, un candidat doit acquérir de l’expérience et être exposé à toutes les sphères du droit. Cette expérience ne peut pas être acquise à l’université, d’où la nécessité de l’exercice de permutation », conclut Me Raouf Gulbul

Pour sa part, Me Sanjay Bhuckory, Senior Counsel, dit qu’il est « contre cet exercice de permutation ». Il ajoute que c’est « perçu comme une relation incestueuse ». Pour lui, la magistrature, le bureau du DPP et celui de l’AG sont des instances séparées. 

« La question que je me pose, c’est si la JLSC a d’abord eu des consultations avec les responsables du DPP et les Presiding magistrate des divisions pénales et civiles, avant de procéder à ces changements. J’ose espérer que oui », estime Me Sanjay Bhuckory. 

L’homme de loi explique que certaines personnes ont acquis des connaissances spécifiques de par leur travail. « D’un coup, la personne est affectée à la magistrature. Or, cette personne a bénéficié d’une formation spécialisée. C’est un investissement en quelque sorte qui quitte alors le bureau du DPP», avance le Senior Counsel.  

Le transfert soudain des magistrats vers d’autres instances pose aussi le problème des procès qui doivent être repris à zéro. « J’ai un client médecin, qui est poursuivi dans une affaire d’attentat à la pudeur. Le procès était sur le point d’aboutir à un verdict et le magistrat a été transféré. L’affaire a été reprise à zéro devant un autre magistrat ». 

Un travail très difficile et mal payé

Ce genre de situation a des conséquences pour un prévenu. Pour Me Sanjay Bhuckory, cet exercice doit être planifié. 

Pour Me Nawin Ramdass, le procédé de transfert n’a rien d’anormal. « Que je sache, les magistrats sont informés, à la signature de leur contrat, qu’ils seront appelés à être affectés au bureau du DPP ou ailleurs », indique-t-il. « Les magistrats font un travail très difficile et sont mal payés. Aussi, beaucoup sont des mères, qui une fois à la maison, doivent assumer leurs rôles en plus d’écrire leurs jugements. » 

Les changements attendus

Parmi les changements attendus : le retour de Me Pranay Sewpal, Assistant Solicitor General, à la cour intermédiaire pénale. Il occupera le poste de président. La magistrate Ida Dookhy-Rambarun rejoindra le bureau de l’AG. D’autres noms ont été pressentis pour siéger à la cour intermédiaire. Il y a Me Nishal Jugnauth, qui siège actuellement au tribunal de Port-Louis (division civile) et Me Magalie Lambert-Henry, magistrate au tribunal de Curepipe. 
Deux magistrates quitteront la Financial Crimes Division (FCD) pour rejoindre les bureaux du DPP et de l’AG. Elles sont Darshana Gayan et Nalini Senevrayar-Cunden. 

C’est Me Bibi Razia Jannoo-Jaunbocus, Senior Assistant DPP qui sera désormais en charge de la FCD. 

Le magistrat Kevin Moorghen de la cour criminelle intermédiaire fera son retour au bureau du DPP. Idem pour le magistrat Vignesh Ellayah du tribunal de Rose Hill et la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath du tribunal de Bambous.

D’autre part, les magistrates Asha Sungkur-Daby et Prakashinee Punchu, qui siégeaient à la Bail and Remand Court seront dorénavant au bureau de l’AG. Quant à Me Pooja Autar-Callichurn, épouse du ministre Soudesh Callichurn, elle agira comme Acting Senior State Counsel.

Les magistrates de la cour intermédiaire Ashwina Jalloo et Ranjeeta Rajkumarsingh seront affectées au bureau de l’AG. Me Akhil Ramdahen, Principal State Counsel quitte, quant à lui, le bureau du DPP pour celui de l’AG.

Des précédents exercices 

Août 2022 - Il y a eu plusieurs transferts au sein de la magistrature à partir du 1er août 2022. Me Rehnu Karuna Gowry-Bhurrut, Assistant Director of Public Prosecutions, est devenue présidente de la Children’s Court. Pravin Harrah, président de l’instance, fut muté à la cour industrielle. Il  est actuellement juge à la Cour suprême

En 2021 - Six magistrats furent mutés. La JLSC était alors présidée par l’ancien chef juge, Asraf Caunhye. Me Jean-Michel Ah Sen qui était magistrat à la chambre civile de la cour intermédiaire est retourné au bureau du DPP. Le magistrat Kevin Rengasamy avait été promu à la cour intermédiaire. 

 

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