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Liberté de la presse : la Tanzanie condamnée à adopter des lois moins restrictives

Cour de justice de l’Afrique de l’Est (EACJ)

Dans un jugement le 28 mars, la cour de justice de l’Afrique de l’Est (EACJ) a condamné le gouvernement tanzanien pour entrave à la liberté de la presse et lui a ordonné de revoir ses textes afin d’ouvrir l’espace démocratique.

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En 2016, l’Assemblée nationale de ce pays avait adopté la Media Services Act. Celle-ci venait restreindre la liberté de la presse ainsi que la liberté d’expression.

D’ailleurs, à l’international, la Tanzanie a été maintes fois accusée de réduire l’espace démocratique en violant les libertés des citoyens et de la presse.

Par conséquent, des ONG de défense des droits des journalistes, dont le comité de protection des journalistes (CPJ) et le Media Council of Tanzania ont engagé des procédures légales contre la Tanzanie. Sa Media Services Act réprime des délits comme la sédition, la diffamation pénale et la publication de fausses informations.

À Maurice, la sédition demeure un délit qui est puni sévèrement par la loi. En octobre dernier, des amendements ont été introduits à l’ICT Act. Ils prévoient une peine d’emprisonnement de dix ans pour la diffusion d’un message « which is likely to cause or cause annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person ». Or, le texte de loi ne donne aucune définition de ces termes et cela peut ouvrir la voie à des abus.

Un journaliste qui se sent «Anoyed»

Plusieurs journalistes, mais aussi des citoyens lambda ont été inquiétés par cette loi mauricienne. En janvier dernier, huit journalistes de la MBC ont ainsi fait le va-et-vient dans les locaux de la Cybercrime Unit. Cela après qu’un employé de la MBC ait porté plainte dans le cadre de la Judicial and Legal Provisions Act. L’employé s’est senti « annoyed » par un post Facebook qui avait été partagé au sein d’un groupe Whatsapp qui regroupe les journalistes seniors de la MBC.

Jeudi, l’EACJ a appelé le gouvernement tanzanien à tout simplement abolir la Media Services Act. Pour cette instance judiciaire, le texte tanzanien « enfreint le traité constitutif de la Communauté de l’Afrique de l’Est, un bloc économique régional dont la Tanzanie est membre ».

Parmi les clauses de la loi qui ont fait la controverse, il y a la section 58 qui donne l’autorisation à un ministre d’interdire d’importer toute publication qu’il juge contraire à l’intérêt public et cela sans avoir à donner de justification.

La loi tanzanienne donne également le pouvoir au ministre de l’Information d’interdire ou de sanctionner la publication d’un contenu qu’il estime mettre en danger la sécurité nationale ou la sécurité du public.
Pour l’EACJ, la bonne gouvernance inclut l’adhésion aux principes de démocratie, la redevabilité, la transparence, la justice sociale, les opportunités égaux et la reconnaissance, la promotion et la protection des droits de l’homme et du peuple. La Tanzanie avait adhéré aux principes de la bonne gouvernance à travers le traité de la Communauté de l’Afrique de l’Est. En adoptant cette loi jugée restrictive en 2016, le gouvernement va donc à l’encontre de ces principes et il est appelé à apporter les mesures correctives au plus vite pour mettre la loi en conformité avec ledit traité.

« Nous nous félicitons de la décision de la cour de justice de l’Afrique de l’Est, qui constitue un rempart important contre la dégradation de la liberté de la presse en Tanzanie et dans la région de l’Afrique de l’Est », a déclaré Muthoki Mumo, représentant du CPJ en Afrique subsaharienne. Dans le classement 2018 de Reporters sans Frontières, publié fin avril 2018, la Tanzanie occupe la 93e place. Maurice se situe, lui, à la 56e place depuis 2016. Aucun recul, mais aucun progrès non plus.


Réactions

Ashok Radhakisson

Ashok Radhakissoon, ancien président de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) et de l’Independent Broadcasting Authorit y indique qu’à Maurice la Constitution garantit la liberté d’expression, mais que cette liberté est encadrée. « Nous avons toujours la loi sur la sédition, la diffamation ou les fausses nouvelles, le rapport de Jeffrey Robertson avait recommandé que ces lois soient abrogées, mais il n’en est rien », explique-t-il.  Ashok Radhakissoon cite les nouveaux amendements à l’ICTA, qui est un moyen technique pour être plus sévère en ce qu’il s’agit de diffamation, avec la fameuse formule « to cause annoyance ». Selon lui, il y a une mouvance dans le monde pour restreindre la liberté d’expression totale. Il cite la Tanzanie, le Botswana et l’Inde. Ces pays ont alors subi un revers devant les tribunaux.

Yvan Martial

Selon Yvan Martial, un journaliste doit être capable de contourner les problèmes d’ordre juridique « kan enn laport ferme, le zournalist bizin kapav pass par linpost ». Le but principal est d’informer la population, s’il y a une répression il doit assumer les conséquences. Il doit même accepter d’aller en prison pour protéger sa source. La limitation de détails ne permet pas à l’oppresseur de remonter le fil de l’information.
Danny Ip Kai Yuen

 

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