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Licenciés en fin d’année: le goût amer des fêtes

Licenciement, salaire et boni de fin d’année impayés. La période des fêtes, ils l’ont passée dans la tourmente. Pour ces travailleurs déçus, le mood festif n’y est pas. « Mo zanfan pann gagne kado pu Noël. Manze mo pena dan mo lakaz »,  martèle Pravind Ramchurn. Employé dans une maison de jeu depuis avril 2012, il a été contraint de démissionner à la fin de novembre. Plusieurs employés font face aux mêmes difficultés en cette période de l’année. Comme ce père de famille, ces derniers n’ont pas l’envie de faire la fête. Pravind Ramchurn ignore toujours les raisons qui ont poussé ses employeurs à lui réserver un tel sort. « Je n’ai pas encore perçu mon salaire pour le mois de novembre et ni celui de décembre. Le boni de fin d’année ne m’a pas été payé non plus. Quelques mois avant la fin de l’année, mes supérieurs m’ont obligé à signer une lettre de démission. Ils ont même proféré des menaces à mon égard. Paniqué, je n’avais aucune autre option que de signer la lettre. J’ai logé une plainte à la police », dit-t-il.

Une fin d’année stressante

Ce père de famille ne sait plus à quelle porte frapper. Marié et père de deux adolescents, il fait actuellement face à des difficultés financières sans précédent. Avec la rentrée scolaire qui approche à grands pas, il ne sait plus comment subvenir aux besoins de sa famille. « C’est très dur de perdre son emploi à deux mois de la fin de l’année. Personne n’embauche en cette période. Cela me fait de la peine de n’avoir pu offrir des cadeaux à mes enfants. Mais comment peut-on acheter des cadeaux quand on n’aura bientôt plus rien à manger ? », confie-t-il. Roger P, 50 ans et père également de deux adolescents, attend comme Pravind Ramchurn son salaire de novembre et de décembre. Pour ce qui est du boni de fin d’année, le quinquagénaire dit perdre tout espoir. Employé comme agent de sécurité, cet habitant de Grand-Gaube estime avoir été « berné » par son patron. « Il nous a obligés à signer un papier sans qu’on puisse vraiment savoir de quoi il s’agissait. Mes collègues et moi, nous sommes analphabètes. Il nous a fallu du temps pour comprendre que c’était une ruse pour ne pas nous payer notre dû », insiste-t-il. En fin de compte, le document que Roger P. et ses amis ont signé stipulait que ces derniers étaient d’accord pour être employés sur une base temporaire. « Cela fait deux mois que je n’ai pas touché de salaire. Ma femme ne travaille pas et je suis la seule source de revenus pour la famille. Si l’an dernier, en cette même période, nous étions dans la joie et la bonne humeur pour les fêtes, cette année, c’est avec des pleurs que nous avons accueilli le Nouvel An. Cette situation me fend le cœur », lance-t-il. Nous rencontrons également, Satyam Shewdeen, un mécanicien de 38 ans vit également dans une situation précaire. Ce père de deux enfants a eu une meilleure offre d’emploi. Respectant les lois, il a soumis sa lettre de démission avec trois mois de préavis. Son contrat devrait arriver à terme le 20 janvier 2016. Mais, il n’a pas encore reçu son salaire de décembre. Outré par l’attitude de ses employeurs, Satyam s’est tourné vers le bureau du Travail avec la ferme intention d’avoir une réponse à ses questions. « Les officiers ont contacté mes supérieurs. Ces derniers leur ont dit que j’étais d’accord que mon salaire de décembre et mon boni de fin d’année seraient payés le 20 janvier 2016. Je n’ai signé aucun contrat. J’ai respecté mon engagement et je suis parti au travail tous les jours pendant la période de préavis. Je ne sais pas pourquoi, ils me causent un tel préjudice », dit-il. Le mois de décembre a été parsemé d’embuches pour Satyam Shewdeen. « Je n’ai pu faire aucun achat de fin d’année. Nous vivons sur mes économies. De plus, cette situation est très stressante. Elle a gâché l’ambiance de fête », ajoute-t-il. Anita T, une veuve de 42 ans, s’est elle aussi retrouvée sans emploi du jour au lendemain. Employée comme bonne à tout faire depuis 2011, elle a été congédiée à la fin de novembre, sans explication. « Ma patronne ne m’a rien dit. Elle m’a payé le mois de novembre avec trois semaines de retard. Je me suis dit que peut-être elle faisait face à des problèmes financiers, car pendant toutes ces années, j’ai reçu mon salaire et mon boni de fin d’année dans les temps. Mais en rentrant chez moi, j’ai reçu un appel de sa part me disant de ne pas revenir au travail le lendemain. Cette nouvelle m’a terriblement bouleversée », nous confie-t-elle. Les difficultés n’ont pas tardé à faire surface. « J’ai trois enfants qui sont à l’école. Comment vais-je faire sans emploi ? Je suis tourmentée depuis que j’ai été licenciée. Je n’arrive plus à dormir et je n’ai nullement l’envie de faire la fête. Le mois de janvier sera très long, et je vais devoir puiser dans mes économies. Je trouve que c’est tout simplement malhonnête de sa part de me faire une chose pareille, après quatre ans de loyaux services », martèle cette mère désespérée.  
   

Jane Ragoo, Confédération des Travailleurs du Secteur privé: « Il n’y a aucune protection des travailleurs à Maurice »

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Pradip Dursun, Mauritius Employers’ Federation: « Chacun doit connaître ses droits »

 
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/div> La communication est très importante, indique Pradip Dursun, directeur de la Mauritius Employers’ Federation (MEF). Il explique que les employés et les employeurs doivent connaître leurs droits, mais également leurs obligations. « Il existe tout un cadre qui a été mis en place pour protéger à la fois les employés et les employeurs. Par ailleurs, les inspections se font régulièrement dans le but de s’assurer que tout se passe bien. Cependant, on note que beaucoup de personnes ignorent leurs droits. C’est pourquoi la MEF met beaucoup d’accent sur la formation », explique Pradip Dursun. Pour qu’il y ait de relations saines et harmonieuses au sein d’une entreprise, il est important que chaque partie observe la loi de manière formelle. «Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. La grande majorité des entreprises respectent les lois. La MEF s’attarde sur la formation, car nous estimons que c’est une solution efficace pour que les droits de tout un chacun soient respectés. Il s’agit là d’un exercice continu », fait-il valoir. [row custom_class=""][/row]  

Edley Armoogum, ministère du Travail: « La situation est sous contrôle »

Au ministère du Travail, on affirme que la situation serait sous contrôle. C’est ce que nous confirme Edley Armoogum, directeur du Travail et des relations industrielles. « Nous avons reçu jusqu’à présent une dizaine de plaintes concernant le non-paiement de salaire ou de boni de fin d’année ou de licenciements injustifiés. Ces cas sont en train d’être traités par les officiers du ministère. Nous allons prendre les mesures prescrites afin de corriger toute injustice éventuelle. De plus, les cas les plus complexes seront transférés en Cour industrielle, et c’est à elle de trancher », explique Edley Armoogum. « C’est une violation des lois du Travail que de licencier injustement un employé pour ne pas payer le boni de fin d’année. Le ministère veille de près que les employeurs respectent les droits des travailleurs, tout au long de l’année, et pas seulement en période de fin d’année », souligne le directeur du Travail et des relations industrielles. Et d’ajouter que la situation est sous contrôle. « Le ministère du Travail est aux aguets. Nous prendrons des actions si les lois ne sont pas respectées. Pour le moment, il n’y a pas eu de gros problèmes », fait-il valoir.
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