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Liyyakat Polin et Roger de Boucherville: «La condamnation à vie est injuste»

Par le biais de Le Dimanche/L’Hebdo Liyyakat Polin et Roger de Boucherville, deux anciens détenus, se sont rencontrés. Ils demandent au gouvernement de revoir la loi concernant la prison à vie et la remise de peine pour les trafiquants de drogue. C’est avec un grand sourire que ces deux ex-détenus se sont fait l’accolade. Liyyakat Polin, 49 ans, et Roger de Boucherville, 86 ans, ont deux points communs : (i) ils ont purgé de lourdes peines d’emprisonnement pour des assassinats et (ii) ils étaient des vedettes en prison. Mais leurs routes ne se sont jamais croisées en prison. Ils étaient incarcérés soit dans des prisons différentes ou dans des cellules différentes. Liyyakat Polin, condamné à 21 ans de prison (mais il n’en a fait que 15), était incarcéré à la prison de haute sécurité La bastille, Phoenix, avant d’être transféré à la prison centrale, puis à la prison de Petit-Verger. Roger de Boucherville a échappé à la peine capitale en 1995. Sa peine commuée en peine d’emprisonnement à vie. Il a retrouvé la liberté à l’âge de 82 ans, après avoir passé près de trois décennies dans les geôles du pays.

Prison à vie

Les deux anciens détenus que nous avons rencontrés sont d’avis que le gouvernement doit revoir la loi régissant les remises de peine pour les coupables de trafic de drogue. [blockquote]« La prison est le dernier endroit où une personne songe à mettre les pieds. L’incarcération est le moyen pour un condamné de payer sa dette envers la société. Et la remise de peine est importante pour le détenu et pour sa famille. Elle va de pair avec l’emprisonnement. La condamnation à vie est une injustice. Dans cette situation, le prisonnier se sent frustré et il n’aura aucune envie de purger sa peine, car il sait qu’il ne sera jamais libéré », avance Liyyakat Polin.[/blockquote] Roger de Boucherville, qui a échappé à la prison à vie, abonde dans le même sens. [blockquote]«J’ai côtoyé de nombreux détenus. Je suis bien placé pour dire que la remise de peine a un effet positif sur leur comportement», poursuit-il.[/blockquote] La remise de peine est obtenue de diverses façons : la bonne conduite et les corvées, entre autres. « Un détenu qui sait qu’il aura une remise de peine fera de son mieux pour bien se comporter en prison. Le détenu qui purge un emprisonnement à vie fera ce que bon lui semble et il paiera ses frasques dans les cachots de la prison pendant plusieurs jours, avant de passer en jugement devant un conseil constitué du personnel pénitentiaire », fait ressortir Roger de Boucherville.

Rapatriement des détenus

Ils disent avoir côtoyé une centaine de détenus qui purgent des peines pour trafic de drogue. Ceux-ci espèrent obtenir des remises de peine un jour. Ils lancent un appel au gouvernement en vue de rapatrier les détenus étrangers. Ils préconisent des accords bilatéraux avec les pays concernés. Le nombre de détenus étrangers avoisine la centaine. « La prison est un autre monde. Mais faire de la prison en étant loin de sa famille, dans un pays étranger, est la pire chose qui puisse arriver à un individu. C’est la raison pour laquelle il est important de rapatrier les détenus. Ils devraient purger leurs peines dans les prisons de leurs pays », ajoute Roger de Boucherville. « Les avocats ont un grand rôle à jouer lorsqu’un détenu est traduit en cour. Mais bien souvent on réalise qu’ils ne jouent pas leurs rôles comme il se doit. Ils ont tendance à vous mettre la pression afin que vous plaidiez coupable et vous vous retrouviez derrière les barreaux. Le gouvernement doit revoir la façon dont les avocats opèrent. Surtout ceux qui sont commis d’office. Ils ont tendance à écrouer leurs clients », souligne Liyyakat Polin.
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Un bon commissaire

Les deux anciens détenus concèdent que l’état des prisons locales est exécrable. Selon eux, la prison de Beau-Bassin mérite d’être remise à neuf, car elle ne dispose que de quatre toilettes pour accommoder quelque 250 détenus. Les deux hommes demandent au ministre de tutelle d’effectuer des visites régulières à la prison, afin de constater les conditions de vie des détenus. « Jean Bruneau est le meilleur commissaire que le milieu carcéral ait connu. Il se dévoue corps et âme pour le bien-être des détenus. Mais il ne peut tout faire », disent-ils. [row custom_class=""][/row]
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Liyyakat Polin: « Je remercie Dieu »

À la prison La Bastille, Phoenix, Liyyakat Polin était enfermé 22 heures par jour.  Pour ce père de quatre enfants, l’incarcération n’était pas la fin du monde. Il a repris sa vie d’entrepreneur en bâtiment depuis qu’il a été libéré. Il travaille actuellement sur un chantier de construction en compagnie d’un de ses fils, chauffeur d’excavateur. « Je remercie Dieu de m’avoir envoyé en prison. Sinon je me serais retrouvé avec une montagne de dettes. Au lendemain de mon incarcération, j’ai fait le vide. Désormais, à part ma famille et mon travail, plus rien ne compte. Je recommence ma vie », dit-il. [row custom_class=""][/row]
 
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Roger de Boucherville: « La prison laisse des séquelles »

L’ancien détenu au matricule AU 748, 86 ans aujourd’hui, passe son temps libre à jardiner et nourrir les pigeons. « Je n’ai presque rien fait depuis ma libération en février 2011. Durant mon incarcération, j’ai subi plusieurs interventions chirurgicales. J’ai eu deux ulcères à l’estomac et on m’a enlevé un rein abîmé par des calculs. Je fais également de l’hypertension artérielle. Je fais le va-et-vient chez mon médecin », avance notre interlocuteur. Il souligne qu’il n’a jamais remis les pieds à la prison depuis sa libération. « La prison laisse des séquelles. Les semaines qui ont suivi ma libération ont été très difficiles. J’ai eu une migraine incroyable pendant près d’un mois et demi. Tout était nouveau pour moi et j’arrivais à peine à m’habituer à ma nouvelle vie, surtout pour ce qui est des heures de repas. Et même aujourd’hui, j’ai tendance à fermer les fenêtres à 16 heures. Mon épouse Thérèse doit me rappeler que je ne suis plus en prison », ajoute l’ancien détenu en souriant.
 

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