Economie

Loi des Finances : les bons et les moins bons du Budget

La présentation du Budget 2018-19 est derrière nous. Mais comme c’est souvent le cas après tout exercice de ce type, là où le bât blesse c’est au niveau de la mise en œuvre efficace et rapide des mesures annoncées. Cet exercice de fond touchera presque tous les ministères, départements publics et organismes parapublics. En somme, toute la machinerie gouvernementale sera mise en branle.

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Le Budget tant attendu a déjà livré ses secrets. À première vue, l’exercice de cette année semble avoir eu le mérite de satisfaire l’ensemble des acteurs socioéconomiques, de par les mesures qui touchent toutes les couches sociales. Le Budget 2018-19 se vante de faire la part belle au social, mais il contient aussi des mesures intéressantes ciblant la classe moyenne. Si certaines mesures peuvent être concrétisées instantanément, d’autres, en revanche, sont plutôt des exercices à long terme et prendront du temps.

Révolution numérique

Le Budget veut accélérer la transition de l’économie vers le numérique, avec l’accent sur l’intelligence artificielle, la technologie Blockchain ou encore la Fintech. Alors que ces nouvelles orientations permettront l’éclosion de nouvelles activités, il y a aussi le risque de conséquences néfastes, comme la perte d’emplois avec l’automatisation.

Bien que ce risque soit minime à Maurice, nous nous exposons toutefois aux conséquences d’une pénétration plus robuste de l’intelligence artificielle chez nos partenaires économiques comme l’Europe ou les États-Unis, car si cela entraîne la perte massive d’emplois chez eux, ce sont nos secteurs d’exportations et le tourisme qui souffriront. Espérons que le Mauritius Artificial Intelligence Council (MAIC) qui sera mis sur pied entamera aussi une réflexion sur les conséquences négatives et les solutions à apporter. Et que le MAIC soit lui-même dirigé par des personnes… intelligentes !

Secteur manufacturier : pauvre en mesures

Le gouvernement est déterminé à relancer le secteur manufacturier, mais l’absence de mesures concrètes fait défaut. Pire, il y a d’autres mesures contradictoires. Un secteur qui jadis contribuait entre 20 et 25 % au Produit intérieur brut (PIB) contribue aujourd’hui moins de 15 %. Selon Statistics Mauritius, le secteur a contribué à seulement 13,4 % du PIB en 2017, contre 15,3 % en 2014.  Déjà l’année dernière, le gouvernement a enlevé les droits de douane sur les meubles importés destinés aux Smart Cities et cette année, des produits importés en semi knocked-down seront exemptés.

Pour établir une véritable ‘Import Substitution Strategy’, il faut aller bien au-delà des parcs industriels.»

Pour établir une véritable Import Substitution Strategy, il faut aller bien au-delà des parcs industriels. À titre d’exemple, il faut encourager les consommateurs, à travers les mesures appropriées, à adopter des produits locaux. D’autres facteurs qui auront un impact certain sur le secteur manufacturier : la conclusion de l’accord CECPA (Comprehensive Economic Cooperation Partnership Agreement) avec l’Inde et le Free Trade Agreement avec la Chine.

Gaz ménager

Les subsides sur le gaz ménager seront augmentés pour faire baisser le prix de Rs 2,50 par kilo. Alors que l’objectif est de rendre le gaz ménager plus accessible à ceux au bas de l’échelle, la baisse bénéficiera également à ceux qui ne la méritent pas, à l’instar des résidents IRS/RES ou encore des commerçants de fast-food. D’ailleurs, il y a des règlements empêchant l’usage des cylindres domestiques à des fins commerciales mais il n’y a aucun contrôle sur le terrain.

Baisse de l’impôt

Bien que la baisse du taux d’impôt de 15 à 10 % soit fortement louable, il faut souligner que l’impact sera léger car une bonne partie de ceux touchant moins de Rs 50 000 par mois ne paient pas l’impôt en raison des diverses déductions fiscales (dépendants, prêts logements, etc.).

Mesures anti-pollution

Le gouvernement a bien fait d’imposer, à partir de février 2019, une taxe de Rs 2 sur les conteneurs jetables non biodégradables comme les take away, assiettes, cups, etc.. Mais c’est malheureux que les bouteilles en plastique aient été exclues alors qu’elles sont le plus polluantes.

En revanche, pour ne pas encourager l’importation d’alternatifs, SME Mauritius aurait dû être mandatée pour voir comment nos petits entrepreneurs peuvent importer la technologie et les équipements nécessaires pour fabriquer des accessoires biodégradables localement.  Le ministre des Finances aurait aussi dû taxer davantage les pesticides et les fertilisants chimiques pour décourager l’usage et offrir des mesures incitatives pour encourager l’usage de biofertilisants.

Octroi de nationalité

La mesure visant à octroyer la nationalité ou le passeport mauricien contre une contribution à l’État peut avoir un effet néfaste sur les ventes des biens RES/PDS. Le montant de la contribution devrait être revu à une hausse substantielle, afin de récolter la même somme avec moins de demandes. La citoyenneté attirera les Européens alors que le passeport intéressera les Indiens car ces derniers n’ont pas le droit de garder une double nationalité.

Plus de policiers

Pour combattre la criminalité et protéger les citoyens, le gouvernement recrutera 1 000 policiers additionnels. Mais augmenter la quantité n’est pas vraiment la solution. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’effectifs valables qui sont consacrés à des tâches sans valeur ajoutée. Par exemple, des groupes de policiers s’affairent tous les jours à « saboter » les voitures mal garées. Or, le gouvernement aurait pu recruter des jeunes pour les former comme Traffic Wardens et leur confier cette tâche.

Autre exemple : le gouvernement fournit des officiers de police pour être postés auprès de chaque branche des banques. Or, ces banques génèrent des milliards de profits et elles devraient investir davantage dans leur propre sécurité, libérant ainsi des officiers valables pour mieux protéger le public.


Rs 133,8 milliards

C’est le montant estimé des dépenses publiques pour la prochaine année financière. Quant aux revenus de l’État, ils s’élèveront à Rs 117,4 milliards, le déficit budgétaire étant de Rs 16,3 milliards, soit 3,2 % du Produit intérieur brut (PIB). Le gouvernement s’attend à ce que la dette publique baisse davantage au cours de la prochaine année financière pour atteindre le niveau de 63,1 % du PIB.


Indicateurs

Le taux de croissance pour l’année financière 2018-19 est estimé à 4,1 %, contre 3,9 % pour la précédente année fiscale. Un taux de chômage de 6,9 % est prévu pour l’année 2018 alors qu’il se chiffrait à 7,1 % en 2017 et à 7,3 % en 2016. Le taux d’inflation avoisinera les 3,5 % durant la prochaine année fiscale alors qu’il était estimé à 4,3 % en 2017-18. Le montant total des investissements directs étrangers reçus à Maurice en 2017 s’élève à Rs 17,5 milliards, contre Rs 13,6 milliards l’année précédente. Le niveau des réserves a atteint les Rs 222 milliards au 31 mai 2018, contre Rs 124,3 milliards en décembre 2014. Le déficit budgétaire sera d’environ 3,2 % du PIB en 2017-18 alors que la dette publique atteindra 63,8 % du PIB à la fin de juin 2018.


Claude Canabady : «Nous accueillons les mesures budgétaires»

Claude Canabady La Consumers Eye Association (CEA) se dit plutôt satisfaite des mesures budgétaires. Elle apprécie qu’à la suite de l’introduction de l’impôt négatif l’année dernière, il y a eu, cette année, une réduction de la taxe directe pour ceux et celles au bas de l’échelle. « Nous nous attendions à une baisse des prix du carburant et c’est un pas dans la bonne direction. Sinon cela aurait eu un impact conséquent sur le coût de la vie en général. Souhaitons que ceux du business qui ont augmenté leurs prix après la dernière augmentation des prix du carburant les réduisent sur-le-champ. Je suis surpris mais content de la baisse du prix du gaz ménager et du fait qu’il n’y ait pas d’augmentation du tarif d’eau », dit Claude Canabady, secrétaire de la CEA.

L’association se réjouit que sa demande pour une meilleure protection contre le dumping des produits importés qui sont d’une qualité inférieure et possiblement impropres à la consommation ait été considérée. La CEA espère que les consommateurs seront mieux protégés et que cela sera bénéfique aux produits locaux. Elle accueille favorablement les mesures pour les petites et moyennes entreprises, même si elle aurait souhaité davantage de mesures de soutien. Elle félicite le Grand argentier pour les sanctions additionnelles contre les chauffards et la taxe sur le plastique.

Toutefois, la CEA émet des réserves sur l’octroi de la citoyenneté mauricienne et du passeport mauricien à ceux qui ont les moyens financiers. « Nous regrettons qu’il n’y ait pas eu de mesures concrètes pour les habitants des maisons qui contiennent de l’amiante », conclut Claude Canabady.

 

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