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Marjorie Barbe Munien : «Il faut aider l’élève à se passer de son portable»

Marjorie Barbe Munien,Deputy Rector au collège du St Esprit.

À la veille des examens de fin d’année, la Deputy Rector du collège du Saint Esprit, Marjorie Barbe Munien, donne des conseils pratiques aux élèves et aux parents afin que cette étape se passe dans les meilleures conditions. Dans l’entretien qui suit, elle donne aussi son point de vue sur les cas de violence scolaire. 

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> Nous sommes à la veille des examens, quels conseils souhaitez-vous donner aux parents ?

La responsabilité première des parents est de s’assurer que toutes les conditions soient réunies, pour que leur enfant puisse faire de leur mieux. Le temps des examens est un temps stressant, tant pour les parents que pour les élèves. Je dirai donc qu’il est important pour les parents tout d’abord de gérer leur stress afin qu’ils ne le passent pas à leurs enfants.
Ensuite, s’organiser.  Cela aide à ce que les choses se passent bien et aussi à calmer le stress.

> Pouvez-vous, nous donner quelques exemples simples et pratiques ?

Il faut assurer un environnement propice à la concentration où le jeune peut travailler sereinement, sans distraction. Et là, il faut aider l’élève à se passer de son portable. Beaucoup refusent de laisser leur portable parce qu’ils disent qu’ils y ont des notes.  C’est un piège.  Parce que même s’il est en train de travailler, il va être distrait à chaque sonnerie ou chaque vibration du téléphone. À l’heure des révisions, il faut aider l’élève à s’organiser différemment pour ses notes.

> Aider l’élève à organiser son temps de révision. 

Par exemple, travailler en tranche de 45minutes/1 heure avec des breaks de 10 à 15 minutes se révèle souvent bien plus efficace que de travailler 3 ou 4 heures d’affilée. Au niveau des repas, il faut qu’ils soient le plus équilibré possible et veiller à ce qu’il y a les nutriments qu’il faut pour favoriser la concentration.
S’assurer aussi les enfants dorment suffisamment. Cela peut paraître paradoxal mais pour pouvoir se concentrer et mémoriser, le cerveau a besoin d’être reposé.  Donc, il est impératif que les parents veillent à ce que les enfants aient un sommeil de qualité. Ce n’est pas parce qu’un jeune travaille jusqu’à tard dans la nuit que sa révision va être plus efficace.
Veiller aussi qu’il y ait des temps de vraie relaxation, qui donnent l’occasion de se changer les idées sans surcharger le cerveau. Et là encore une fois, ce ne sont pas vers les écrans qu’il faut se tourner. Du sport, des sorties à la plage, de la lecture-loisir.

> Quelle est la responsabilité de l’élève en ce moment ?

En schématisant un peu, on peut dire qu’il y a deux aspects à un examen : le premier c’est le contenu et le deuxième la contrainte du temps. C’est ce à quoi l’élève doit se préparer.
Il faut en premier lieu s’assurer que l’élève a couvert son syllabus. Il doit avoir tous ses cahiers, ses notes, ses livres dans lesquels il a travaillé. Ensuite, il doit faire un inventaire de ce qu’il sait et de ce dont il n’est pas sûr. Ne pas hésiter à aller voir ses professeurs afin qu’il soit aidé, soit par de nouvelles explications et des devoirs soit par des notes. Vient ensuite le plan de révision.

C’est à dire répartir les matières/chapitres à travailler sur le temps disponible. Par exemple, si un élève rentre chez lui à 15h30 et qu’il va se coucher à 21h30. Cela fait 6 heures de disponible. En allouant 2 heures pour le tiffin, le dîner, la douche et un peu de relaxation, l’élève a 4 heures de disponible pour travailler tous les jours.  Évidemment chaque enfant est différent et le temps s’organise différemment dans les familles. C’est là que les parents doivent intervenir pour veiller à ce que l’organisation soit adaptée et propice à un travail efficace.

Ensuite, il faut que le jeune se sente libre de dire ce qu’il ressent pendant ce temps qui peut être, comme je l’ai dit plus haut, stressant.  Il ne faut pas avoir honte de dire qu’on est anxieux ou même qu’on a peur.  Nommer les choses aide à avoir plus de contrôle.

> Comment garder la tête froide en ce moment où tout est relié à la compétition ?

C’est vrai que nous vivons dans un monde où tout est compétition et performance.  De plus, la seule mesure par laquelle on juge un jeune c’est l’école : il doit avoir une ‘bonne’ école, avoir de bons résultats sinon c’est comme s’il ne valait pas grand-chose.
La compétition est malsaine quand on demande à un enfant de faire comme les autres alors qu’il est différent des autres et qu’il vit dans une situation différente.

Au risque de faire cliché : la vraie compétition n’est pas une course contre les autres mais une bataille contre soi. Et c’est à cela que les parents doivent encourager leurs enfants : toujours faire mieux que la dernière fois. C’est l’effort qui doit être récompensé.
Les adultes doivent savoir prendre de la distance par rapport à leurs propres ambitions et envies. Il faut que les parents soutiennent leurs enfants dans ce qu’ils sont et non pas dans ce qu’ils espèrent.

> Le bullying est de plus en plus présent dans nos écoles. En tant que Deputy Rector, comment venir à bout de ce problème ?

Je répondrai d’abord en tant que citoyenne.  Parce qu’avant d’être un problème scolaire, le bullying est un problème de société.  Les frontières de l’école ne sont pas étanches.  Tout ce qui se passe dans la société se passe dans l’école. Nous vivons dans un monde où non seulement « la loi du plus fort est la meilleure » mais elle semble être devenue la seule loi. Et les enfants sont imbibés de cela.
À l’heure de la circulation de l’information à grande vitesse, combien de parents ont activé la fonction contrôle parental sur le smartphone de leurs enfants ? Souvent les parents offrent des smartphones sophistiqués à leurs enfants sans avoir la moindre idée de comment contrôler ce qui entre et circule sur le device.  Ce qui fait que leur enfant est livré à la violence du monde sans aucun filtre. Quand un enfant reçoit de son parent un appareil qui contient cette violence sans filtre, je crois que l’enfant reçoit comme message symbolique que cette violence est ok, que ce n’est pas un problème.

De plus, nous n’apprenons pas à nos jeunes à exprimer leur ressenti. Ils ne savent pas, comme dit Alain Bentolila dans Le Verbe contre la Barbarie : « que la langue n’est pas faite pour parler seulement à ceux que l’on aime, mais qu’elle est faite surtout pour parler à ceux que l’on aime pas  » et que ce n’est qu’en apprenant à  parler d’eux-mêmes « que l’on peut espérer qu’ils en viennent aux mots plutôt qu’aux mains ».

> À quand un réel débat de fond sur l’avenir de l’école et qui aura le courage de la mise en place des recommandations préconisées ?

En tant que Deputy Rector, je dirai qu’il faut en parler tout de suite.
Aux parents tout d’abord, allez voir l’école et parlez-en. Dans ce genre de cas, il vaut mieux être plus over-prudent que pas assez.
Aux élèves ensuite. N’ayez pas peur. Vous n’êtes pas tout seul. Le harcèlement c’est souvent l’apanage des faibles. C’est pour cela qu’ils se mettent en groupe. Parlez à vos parents ou à vos professeurs. Quand il y a eu une agression, notez ce qui s’est passé pour vous rappeler des détails et rapportez-les. Ne restez pas silencieux. Le silence est l’allié des harceleurs. Dénoncez-les. N’ayez pas honte. Vous n’êtes pas fautif.
Cela étant dit, les harceleurs sont aussi des élèves. Et il faut pouvoir permettre aux victimes et aux agresseurs de continuer leur scolarité…Malheureusement, là encore il n’y a aucun cadre qui permette que les choses se passent de manière réfléchie et sereine.  On compte sur la bonne volonté des personnes. C’est très bien la bonne volonté mais à l’échelle dont nous parlons, cela ne suffit pas.

 

 

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