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Mauricianisme : des teintes en quête de clarté

Maurice commémore, ce mardi 12 mars, le 56e anniversaire de son indépendance. Cependant, la question reste posée : les paroles « As one people, as one nation » de notre hymne national ne sont-elles qu’un slogan creux ? 

Qu’est-ce que le mauricianisme ? Cette question revient sur le tapis, à l’aube du 56e anniversaire de l’indépendance de Maurice et du 32e anniversaire de la République, qui seront célébrés ce mardi 12 mars. Suffit-il de chanter « as one people, as one nation » du « Motherland », notre hymne national, pour éprouver un sentiment d’appartenance authentique à Maurice ? 

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« Peut-être existe-t-il une perception particulière de la phrase ‘as one people, as one nation’ », commente Jonathan Ravat, directeur de l’Institut Cardinal Jean Margeot (ICJM). Comment est-elle perçue, et reçue, au sein de la sphère publique et privée des Mauriciens, se demande-t-il. 

« Cela ne signifie pas que cette phrase n’a pas sa légitimité. Au contraire, elle exprime une vérité profonde, résonnant dans nos foyers, nos communautés et notre quotidien », souligne Jonathan Ravat, pour qui « le mode de vie à la mauricienne est bien ancré dans le pays », se manifestant à différents niveaux, que ce soit en privé ou en public, en groupe ou en solitaire, dans les villages comme en ville. 

Le mode de vie est, effectivement, une des manifestations du mauricianisme, souligne l’historien Jocelyn Chan Low, ancien directeur du Centre culturel mauricien. Pour lui, « le mauricianisme est essentiellement un sentiment d’appartenance à l’État mauricien ». Ce sentiment émerge en raison de la nature pluriculturelle de notre pays, explique-t-il. 

« Certaines personnes développent des liens culturels et émotionnels forts avec leur terre natale », ajoute-t-il. 

Au fil du temps, poursuit l’historien, « les différentes composantes de notre société ont appris à coexister harmonieusement et à cultiver une identité commune ». Il en est convaincu : « Le mauricianisme est une réalité vivante dans notre pays, profondément enraciné dans notre identité pluriculturelle. Les Mauriciens sont fiers de leur nationalité. » 

Toutefois, Jocelyn Chan Low et Jonathan Ravat s’accordent à dire que le mauricianisme ne peut être pris pour acquis, ni en otage. « Il est regrettable que certains réduisent le mauricianisme à une question d’ethnicité », déplore l’historien. « Les tentations de repli et de division sont bien présentes, surtout sur le plan politique », renchérit le directeur de l’ICJM.

Ainsi, pour Jonathan Ravat, le vivre-ensemble demande « un effort constant ». « Il ne faut pas considérer cela comme acquis et immuable. Nous devons nous engager à maintenir et à enrichir cette façon de vivre, en l’élargissant vers des horizons inexplorés. ‘As one people, as one nation’ ne devrait pas être simplement un slogan, mais plutôt un engagement », souligne-t-il. 

C’est, affirme-t-il, « le fondement d’une construction qui exige que nous restions vigilants et actifs ». Car, fait comprendre Jonathan Ravat, « nous ne sommes pas simplement héritiers d’une tradition, mais des acteurs engagés dans la construction d’un vivre-ensemble. Il est impératif de penser à l’avenir mauricien ».

Mais pour l’observateur politique Faizal Jeerooburkhan, nous sommes « en train de nous voiler la face ». Il se montre très critique envers les groupements socio-culturels. « Est-ce cela que vous appelez la nation arc-en-ciel et ‘as one people, as one nation’ ? » ironise-t-il. Soulignant, dans la foulée, la perception de favoritisme et de passe-droits, ainsi que l’absence de méritocratie, il estime que c’est l’une des raisons pour lesquelles de plus en plus de Mauriciens préfèrent tenter leur chance dans d’autres pays que le leur. 

Faizal Jeerooburkhan fait également remarquer que le système politique actuel ne favorise pas le sentiment d’appartenance à son pays. « Nous pourrons parler de mauricianisme le jour où un candidat non-hindou briguera les suffrages universels dans une circonscription rurale. Et aussi quand un candidat non-hindou accédera au poste de Premier ministre et lorsque le Best Loser System (BLS) sera aboli. »


Marwan Dawood, ex-journaliste : « La vraie force du pays est l’unité de son peuple » 

Marwan« Nous avons beaucoup de chance de vivre en harmonie dans un pays prospère et qui se développe à vue d’oeil. Le mauricianisme est bien ancré dans la population. Il suffit de regarder l’élan de solidarité qui s’est dégagé lors du drame survenu à Arsenal la semaine dernière. Toute la population a été affectée. Lors des inondations du 15 janvier dernier, tout le monde s’est serré les coudes. Mais pas seulement, dans la vie de tous les jours, au travail, à école, dans la rue, il y a cet élan de mauricianisme. Il est vrai qu’il y a un petit groupe d’extrémistes dans chaque communauté, mais ce n’est pas pour autant que l’esprit de « enn sel lepep enn sel nasion » est menacé. La vraie force de ce pays se trouve dans l’unité de son peuple. À l’occasion des 56 ans de notre indépendance, mon souhait le plus cher est qu’ensemble nous progressions davantage. »


Dyven Pierre-Louis, diplômé : « Le mauricianisme est solidement enraciné mais… »

Dyven« Le mauricianisme est solidement enraciné dans notre société. Cela transparaît clairement dans divers secteurs, notamment sur le marché du travail, où l’égalité des chances est une réalité pour tous. La génération actuelle embrasse pleinement le concept de ‘As one people, as one nation’. Cependant, il est indéniable que des efforts de sensibilisation sont nécessaires notamment à l’égard de certains membres de la génération précédente. En cette année 2024, le monde a évolué et il est impératif de reconnaître et d’embrasser ces changements »


Hansraj Jaunky, entrepreneur : « Le mauricianisme réside en chacun de nous »

hansraj

« Le mauricianisme réside en chacun de nous, peu importe nos origines. Il imprègne nos cœurs et nous permet de partager la richesse de la culture mauricienne avec le monde entier. De même, nous partageons notre cuisine, notre musique et nous célébrons ensemble des événements tels que la fête Maha Shivratri et bientôt le début du Ramadan. »


Ajeet Katoorah, ex-enseignant : « J’ai vécu le mauricianisme en maintes occasions »

« Pour moi, le mauricianisme c’est d’oeuvrer et de penser en tant que patriote pour faire progresser le pays, sans distinction de couleur, de race ou de caste. Je l’ai vécu en maintes occasions : les premiers Jeux des îles de l’océan Indien, le cyclone Gervaise, la visite du Pape Jean Paul II… Je sens que le mauricianisme est profondément ancré dans le coeur de chaque Mauricien, avant d’autres considérations. »

 

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