Interview

Me Antoine Domingue : «Il faut radier les avocats devenus brebis galeuses»

Me Antoine Domingue Me Antoine Domingue

L’ex-président du Bar Council est intransigeant : pour éviter que la profession légale ne soit traînée dans la boue, il faut radier les confrères devenus brebis galeuses. Pour la partielle au no. 18, Me Antoine Domingue  est d’avis que le poulain de l’écurie rouge l’emportera.

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Le Bar Council nous serine quant à l’éthique que doivent respecter les avocats. Est-ce éthique pour un homme en noir de défendre un trafiquant avéré, et en même temps de paraître pour ses complices qui veulent se repentir et le dénoncer ?
Un avocat ne peut le faire. Dans ce cas de figure, il y a conflit d’intérêts et cet homme de loi est passible de  lourdes sanctions et risque de perdre sa robe. De même, il ferait face à des poursuites pénales qui sont passibles de prison. Car ce serait une interférence au cours de la justice et ça s’apparenterait à un complot et à une subordination des témoins de la poursuite.

Avez-vous déjà défendu des trafiquants de drogue ?
Plusieurs fois, je l’ai fait. Le code de déontologie stipule que les avocats ont l’obligation de défendre toute personne qui recherche ses services. On n’a pas le droit de refuser, sauf excuses majeures. On a le Cab Rank Rule stipulant qu’on est obligé de défendre un dossier. C’est le corner stone of the barrister rights to practice. Si chaque avocat choisit ses clients, vers qui les clients vont se tourner pour les défendre, vers des marchands de bananes ?

Même si le client paraît louche ?
L’avocat n’a pas le droit de juger un client. Il appartient à la cour de le faire.

Pour des cas de pro bono (gratuitement), avez-vous déjà été partant ?
Un tiers de ma pratique est fait de pro bono publico. Il y a des cas méritants où les prévenus ont subi des injustices manifestes et ne peuvent s’offrir les services d’un avocat, en sus de payer les 15 % de la TVA. Dans ces cas-là, je les accepte.

Les honoraires jugés juteux des avocats intéressent. Comment se calculent-ils : est-ce selon la notoriété, le patronyme, le temps de service ou des facteurs qui dépassent l’entendement ?
Les avocats, comme les médecins, ne sont pas des commerçants qui vendent des marchandises à la criée, ils perçoivent des honoraires (honorarium) et non des salaires. La conception des honoraires postule que le praticien peut pratiquer un prix et ce n’est pas un rapport mercantile et commercial. Il n’y a pas de barèmes, mais il faut qu’il soit raisonnable et pas extravagant, avec à la clé une facture.

Moi, je ne suis pas copain avec les trafiquants. Mon lien se termine à la fin du procès.»

Certains de vos confrères n’hésitent pourtant pas à saigner à blanc leurs clients…
Cela peut arriver. Si on essaie d’avoir des honoraires extravagants, on va à l’encontre du code d’éthique. Le seul problème viendrait quand le client qui a payé rubis sur l’ongle n’est pas satisfait qu’il ait été défendu de façon judicieuse.

Venons-en au train de vie des avocats. Dans quelle voiture roulez-vous ?
Je roule dans une BMW d’octobre 2015. J’ai revendu trois voitures en piteux état au concessionnaire qui m’a fait une ristourne de Rs 800 000 et ensuite j’ai pris un emprunt d’une banque. Mensuellement, je rembourse Rs 70 000 sur quatre ans. Et, selon les dispositions de la Mauritius Revenue Authority, je peux réclamer pour une voiture officielle une capital allowance de Rs 2 millions sur quatre ans. C’est mon droit en tant que professionnel. C’est après 10 ans que j’ai changé de voiture, alors que je pratique depuis plus de 32 ans.

Pourtant, certains jeunes loups de la profession roulent en berline…
Cela dépend, peut-être qu’ils ont des parents friqués. Ces jeunes avocats pratiquent dans un domaine concurrentiel, ils pensent qu’ils doivent bien se présenter. Tant qu’ils peuvent justifier leur train de vie et qu’ils ne discréditent pas la profession, le reste ne m’intéresse pas.

L’ex-juge Paul Lam Shang Leen de la Commission sur la drogue s’est dit étonné qu’un avocat puisse être en communication téléphonique avec un prisonnier purgeant une peine…
Je me suis posé la même question. Ma conception est que je suis là pour défendre un prévenu. Une fois mon contrat terminé, pourquoi continuer à lui rendre visite ou l’appeler ? Si, entre-temps, je suis devenu copain avec lui, je vais le visiter pas en tant qu’avocat mais en tant que simple citoyen. C’est une distinction qui échappe à certains, par manque d’expérience et d’éducation.

Ces visites ou ces appels peuvent-ils cacher un complot ?
Il y a des questions à poser, surtout si cela concerne les trafiquants de drogue. Moi, je ne suis pas copain avec les trafiquants. Mon lien se termine à la fin du procès, car ces visites ou ces appels peuvent donner un moyen de communication entre les détenus et l’extérieur. Que ceux concernés en subissent les conséquences et c’est tout le bien que je leur souhaite.

On n’a presque rien vu en termes de sanctions contre ces avocats, vous conviendrez…
J’ai perçu dans le passé une certaine tiédeur de la part de la Cour suprême par rapport à certains avocats intimement liés à la politique. Il faut radier les avocats brebis galeuses. Point barre.

Un détenu qui engage une armée d’avocats, il faut le faire…
C’est son droit, mais ce n’est pas le nombre d’avocats qui fait la qualité ; certains avocats paraissent gratuitement juste pour avoir de la publicité.

La Commission reproche à une avocate d’avoir reçu à la prison plus d’une vingtaine de détenus à la fois. Donnait-elle un cours en LLB ?
Si cela s’avère vrai, c’est condamnable. Comment les services pénitentiaires ont-ils permis une telle chose ? Était-ce un bazar ? Plus rien ne m’étonne désormais. The worst is yet to come.

Est-ce que la présence d’avocats en grand nombre au Parlement leur permet-il de briller davantage ?
Non. La présence en force de certains avocats au Parlement leur permet d’avoir une bonne plateforme pour pouvoir magouiller.

Abordons la partielle au no 18. Votre lecture ?
La liste des candidats n’est pas définitive. Je pense qu’à ce jour, Arvin Boolell a toutes les chances de la remporter, car le no 18 a toujours été un bastion du Parti travailliste. Boolell n’aura qu’à faire basculer les swings votes et c’est dans la poche. Ce ne sera pas difficile pour le PTr avec les déboires du gouvernement. Mon souhait est qu’Arvin Boolell soit élu et remette le PTr sur les rails.

Ne traînerait-il pas les casseroles de Navin Ramgoolam ?
Pas du tout. Si Boolell est élu, cela lui donnera une aura pour mettre de l’ordre et apporter du sang nouveau au PTr et pourquoi ne pas reprendre le flambeau de Maurice Curé ? Le PTr est le seul rempart contre ce gouvernement.

Et Navin Ramgoolam dans votre équation ?
Que Navin Ramgoolam aille s’occuper de Gooljaury.

À vous entendre, on vous voit déjà rouge vif aux prochaines législatives. À quand le grand saut ?
Je verrais le moment venu si on avance vers une mouvance crédible. Selon les statistiques, il y a 40 % de l’électorat qui se cherchent. Avec une alternative crédible, ce sont des votes à prendre et il faut, non pas sauver le soldat Ryan, mais le pays. Ce que je dis pour le PTr est aussi valable pour le MMM. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sont dépassés. Quant au MSM, ce parti devrait être réduit à sa juste proportion.

 

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