Interview

Me Dev Ramano: «C’est une angoisse permanente pour les employés»

L’avocat Dev Ramano précise que les employés font les frais de toute avancée ou tout avènement technologique. Ils vivent dans l’angoisse du licenciement et font également l’expérience pénible du dégraissage du personnel. Dans certains secteurs, il y a des compagnies qui misent de plus en plus sur les technologies, réduisant ainsi leur main-d’œuvre. Qu’advient-il des employés ? Ce n’est pas l’affaire de certains secteurs seulement. C’est dans les gênes du capitalisme lui-même. Pour maintenir sa rentabilité, il est toujours condamné à innover. Mais tristement, à ce niveau aussi, ce sont les employés qui paient la note salée. Ils font les frais de toute avancée ou tout avènement technologique. Ils vivent dans l’angoisse du licenciement et font l’expérience pénible du dégraissage du personnel.
Ce rejet sur le pavé et la privation des moyens pour leurs besoins physiologiques, ils les subissent aussi dans le cadre de la crise structurelle du capitalisme. Ce type de congédiement tombe sous l’ombrelle communément connue comme le licenciement économique. Mais bien souvent, des employeurs peu scrupuleux déguisent subtilement une stratégie de dégraissage en des congédiements à motif individuel sur base de fautes, souvent des fois insignifiantes. Quelles sont les obligations de l’entreprise envers ses employés dans un tel cas de figure. Que dit la législation à ce niveau ?
[blockquote]« Sous la présente législation, la tâche de l’employeur à licencier passe comme une lettre à la poste et la compensation a gagné un statut discrétionnaire »[/blockquote]
La législation dans ce domaine reste arbitraire, criminelle et facilite les crimes de l’employeur au niveau économique et social. Le système de par sa nature a été toujours imprégné par la précarité de l’emploi. Mais cette précarité a été accentuée avec le vent du néolibéralisme. Ce système a besoin des fléaux, comme le chômage et le licenciement, pour perdurer. La déréglementation des lois du travail, avec la promulgation des législations « hire and fire », comme l’Employment Rights Act et l’Employment Relations Act 2009, est venue codifier cette précarisation insidieuse. Ainsi, des acquis de compensation en cas de licenciement économique sont partis en fumée avec l’effacement du Termination of Contract Service Board (TCSB). Au temps de la défunte Labour Act, malgré archaïque, les cas de licenciement économique projetés tombaient sous sa juridiction, pour être traités en amont. Si la réduction du nombre d’emplois était justifiée, l’employé était compensé automatiquement au taux normal (15 jours) par année de service. Dans le cas contraire, le salarié garde son emploi ou alternativement l’employeur est condamné à payer une compensation au taux punitif de trois mois par année de service. Sous la présente législation, la tâche de l’employeur à licencier passe comme une lettre à la poste et la compensation a gagné un statut discrétionnaire. Donc, aucun organisme ne s’en occupe ? Initialement, avec l’avènement de l’Employment Rights Act 2008, les conséquences sociales étaient odieuses. Vu le drame social étouffant qui découlait des licenciements à caractère économique, nos gouvernants ont dû se rétracter et amender ce morceau de législation. Une division a été créée au niveau de l’Employment Relations Tribunal (ERT), sous l’appellation d’Employment Promotion and Protection Division (EPPD) pour tenter de limiter la casse et traiter ce type de licenciement. Mais c’est un remède en aval, car il intervient après le fait du licenciement. Et si ce dernier est économiquement justifié, l’employé est abandonné en cours de route sans compensation. Qu’en est-il des employés qui sont sous contrat ? Là, les parties (employeur et employé) sont régies par les conventions légalement conçues entre eux. Le non-respect des obligations entraîne des dommages à l’encontre de la partie fautive. Cela dit, le contrat à durée déterminée (CDD) est devenu une nouvelle mode dans le capitalisme néolibéral. Si ce n’est pas tout à fait un problème pour les gros salaires, fonctionnaires ou les hauts cadres du secteur privé, c’est plus qu’un drame pour les salariés moyens et au bas de l’échelle. C’est une manne pour les patrons, car ils n’ont pas à octroyer aux contractuels des conditions de pensions et autres facilités acquises aux employés sur le « permanent establishment ». Une rupture de plus de 28 jours entre deux contrats CDD successifs ne permet pas aux salariés contractuels à bénéficier « d’un temps de service continu ». Beaucoup de moniteurs, à l’instar de certaines écoles maternelles, sont employés de janvier jusqu’à fin novembre, puis licenciés et réembauchés le janvier suivant et tombent sous cette coupe. Ce n’est qu’en 2013 que le gouvernement a été forcé de remédier en partie à la situation, en légiférant pour qu’un employé contractuel, avec un salaire mensuel, ne dépassant pas Rs 30 000, au service d’un patron pour plus de 24 mois devienne permanent automatiquement. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de revoir notre législation pour protéger un employé, vu qu’avec l’ère de la technologie ou de la crise, cette tendance est en train de prendre de l’ampleur ? Dans un premier temps, il faut restituer aux salariés les acquis d’avant l’avènement de l’Employment Rights Act et en y ajoutant quelques éléments pertinents. La réintroduction du préavis de licenciement de trois mois, le rétablissement du TCSB, avec un mécanisme de réglementation du litige de licenciement économique en amont et la réintroduction de la compensation de licenciement au taux normal ou une législation implémentant le « Portable Severance Allowance » constituent une étape décisive. En ce qui concerne le licenciement à motif individuel, il est impératif de changer le scénario burlesque et partial autour des comités disciplinaires. Actuellement, en cas de faute alléguée de la part de l’employé, c’est le patron, seul titulaire de tous les droits à ce niveau, qui ouvre les procédures, instruit l’affaire, écoute le salarié et décide de la sanction qui peut même constituer une mise à la porte. Il est nécessaire d’aller vers une ségrégation du droit de poursuites et celui de la prononciation de la sanction sous l’égide d’un corps indépendant mis sur pied par le ministère du Travail. De surcroît, au niveau du renvoi adjugé injustifié, le cas de figure du droit circonscrit qu’autour de la « Severance Allowance » et le non-droit à la réintégration, reste une aberration dans le Code du travail local. Une modification drastique à ce niveau s’avère nécessaire Comment un employé lésé peut-il obtenir justice ? À part des propositions faites plus haut, je dirai que rien ne se gagne sans combat. L’unité au niveau syndical et sur le front social et politique est de mise. Le rapport de force, le rassemblement, la contre-offensive sont autant des impératifs pour que les masses populaires tournent le dos à la léthargie. Une stratégie de lutte appropriée s’impose !
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