Interview

Me Neil Pillay: «Il faut ameliorer la loi et la rendre plus spécifique au bullying»

La violence chez les jeunes gagne du terrain. Comment remédier à cette situation ? Est-ce que nos lois sont assez dissuasives ? Le point avec Me Neil Pillay. Que dit la législation au sujet de la violence chez les mineurs ? En général, sous l’article 230 de notre Code pénal, notre loi prévoit que nul ne peut agresser quelqu’un sans que cela ne constitue un délit punissable. Sous l’article 231, il y a même un article séparé qui parle d’une agression commise sur ses parents. Je souligne qu’une agression sur un professeur, donc un fonctionnaire, est aussi un délit.
Que se passe-t-il lorsqu’un mineur est poursuivi pour agression ? En général, encore une fois, dépendant de la nature et des faits particuliers du cas en question, une personne peut être condamnée, en cas de verdict de culpabilité, à payer une amende ne dépassant pas Rs 50 000 ou à une peine d’emprisonnement n’excédant pas deux ans. Dans le cas d’un mineur, sous la ‘Juvenile Offenders Act’, il existe des articles qui autorisent la Cour à se montrer plus clémente, au vu de l’âge d’un mineur et des circonstances et faits propres à l’affaire. Ainsi, le Rehabilitation Youth Centre (RYC) entre en jeu, au lieu de l’emprisonnement.
[blockquote]« Un seul mot peut tout résumer pour prévenir : l’éducation ! La prévention, l’information (…) découlent de ce maître-mot et de cet élément essentiel… » [/blockquote]
Qu’en est-il du délit de maltraitance commis par un mineur ? La maltraitance, c’est quoi ? Comment la définir ? Il s’agit de faits qui restent à être prouvés devant une Cour. La nature de ces faits déterminera la punition que recevra l’adolescent d’un magistrat, qui appliquera sans doute les articles de la « Juvenile Offenders Act » si l’accusé est un mineur. Les parents d’un adolescent peuvent aussi avoir recours à la Cour, si leur enfant est hors de contrôle. La Family Protection Unit et la Child Development Unit (CDU) peuvent aussi être impliquées. Quid du ‘bullying’ ? Le ‘bullying’, selon moi, veut dire s’imposer par une action ou des actions volontaires où l’on fait subir physiquement, moralement ou psychologiquement à autrui de façon habituelle ou répétée. Ce genre d’actes peut être réel ou être perçu comme telles par la victime de ce comportement. Ce n’est pas défini spécifiquement dans nos lois, mais c’est un genre de comportements qui n’est pas acceptable et qui pourrait être l’objet de poursuites sous des délits, par exemple, comme l’agression, les menaces verbales, le chantage ou l’extorsion d’argent sous menaces. Quels sont les rôles de l’Ombudsperson for Children, la Child Development Unit (CDU) et la Brigade des mineurs lorsqu’un jeune commet un délit comme une agression, un abus sexuel et un vol, entre autres ? L’Ombudsperson for Children a le devoir de promouvoir les droits et les intérêts des enfants. Il ou elle peut aussi demander au Commissaire de police d’initier une enquête concernant un enfant ou un mineur. En ce qu’il s’agit d’un procès, l’Ombudsperson ne peut intervenir directement dans celui-ci, mais il peut agir comme liaison et diriger un enfant vers le ministère concerné pour solliciter de l’aide et de l’assistance, de nature psychologique ou autre dans l’intérêt de l’enfant ou du mineur. La CDU, quant à elle, doit veiller au respect de la ‘Child Protection Act 1994’ et a la responsabilité à veiller à ce que les dispositions de la ‘Convention on the Rights of Children’ soient aussi respectées. Dans ce sens, la CDU a le pouvoir, entre autres, en passant à travers la Cour avec des justificatifs, de retirer un enfant de la garde de ses parents et de placer l’enfant dans un refuge. Comme je l’ai indiqué, il y a des faits et circonstances qui doivent exister et que doivent être mis devant une Cour avant que cela ne soit ordonné. La Brigade des mineurs enquête sur des délits commis par des mineurs ou sur des mineurs aussi. Ce sont en principe des éléments de la force policière qui ont été choisis afin d’avoir une approche plus souple envers nos plus jeunes citoyens et qui seront bien au courant des dispositions des lois envers ces mêmes mineurs. Parlez-nous de la Juvenile Court… La Juvenile Court est une cour normale, sauf que ces sessions ne sont pas tenues en public, comme c’est le cas habituellement. Cela afin de protéger le ou les enfants amenés devant elle. Le magistrat a le devoir d’expliquer plus de choses à l’enfant et à ses parents, selon des articles spécifiques de cette loi. Peut-on condamner un mineur à une peine d’emprisonnement ? Un mineur en détention sera informé de ses droits constitutionnels et, une fois sa déposition enregistrée, la police peut objecter à sa remise en liberté conditionnelle avec le résultat que ce mineur pourrait être confié à une institution spécialisée, comme le RYC. En cas d’amende, la Cour peut ordonner à ce que le parent ou la personne responsable du mineur paie l’amende infligée au mineur. Il existe des articles dans notre loi qui, comme mentionné plus haut, autorisent la Cour à se montrer plus clémente au vu de l’âge du mineur et des circonstances et faits propres à l’affaire. Cependant, un mineur de moins de 14 ans ne peut être emprisonné, comme un mineur ayant plus de 14 ans mais moins de 18 ans, ne peut être condamné à la servitude pénale. Le RYC est censé reformer ces jeunes, tout en ne les exposant pas aux grands, en théorie bien sûr ! Nos lois sont-elles assez dissuasives concernant la violence juvénile ? Oui, mais comme je l’ai dit à plusieurs fois, dans vos colonnes, on gagnerait à les améliorer et à les rendre plus spécifiques et propres à certains maux des sociétés modernes, comme justement le ‘bullying’ ou le même le ‘revenge porn’. Cependant, je ne peux m’empêcher de revenir sur cela : un seul mot peut tout résumer pour prévenir : l’éducation ! Pour moi, la prévention, l’information et toutes les autres mesures découlent de ce maître-mot et de cet élément essentiel, que ce soit pour les jeunes mais aussi pour leurs aînés. On doit inculquer des valeurs profondes à nos jeunes afin de les armer au mieux pour affronter ce monde d’aujourd’hui où beaucoup n’ont pas le temps pour eux. Nous devons apprendre aux jeunes à devenir résilients. Prêts à affronter tout ce que la vie leur réserve. Éduquons nos enfants, assurons-nous qu’ils comprennent les conséquences de leurs actes. Or, moi-même je vois souvent que le Smartphone est devenu la priorité même à table ! Et après les parents blâment les « autres » ou les autorités pour leurs propres défaillances et se dédouanent  de leurs responsabilités.  
 

En Inde, le ‘bullying’ peut mener en prison

Le ‘bullying’ est pris très au sérieux en Inde. C’est l’État du Tamil Nadu qui a été le premier à voter une loi contre ce phénomène avec l’introduction de la ‘Tamil Nadu Prohibition of Ragging Act’ en 1997. Elle prévoit une peine maximale de deux ans et une amende ne dépassant pas 10 000 roupies indiennes. En 2010, quatre étudiants d’une école médicale avaient été condamnés à quatre ans de prison pour avoir tabassé un étudiant en première année. Une enquête ministérielle avait confirmé que le ‘ragging’ en était la cause. En appel, l’amende que leur avait infligée la Cour de première instance est passée de 10 000 à 100 000 roupies indiennes.
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