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Me Penny Hack, avocat d’affaires : «La Finance Act 2023 est discriminatoire» 

La Finance Act 2023 a été promulguée le 20 juillet 2023. Mais cette loi, selon Me Penny Hack, n’a pas sa place dans une démocratie. Il développe son point dans l’entretien qui suit. 

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Votre opinion sur la « Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2023 » ? 
La Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2023 a été assentie par le président de la République, Prithvirajsing Roopun. Quatre-vingt-douze lois ont été amendées. Cela concerne les secteurs financiers et les entreprises. Il est donc difficile de faire un commentaire spécifique sur chaque amendement. Mais de manière générale, on constate que le pouvoir du gouvernement central a été étendu et que le contrôle sur la société civile ainsi que commerciale a été renforcé. 

Cependant, un amendement a attiré mon attention, tel un éléphant au milieu de la pièce. Ce changement résume l’attitude du gouvernement. Imaginez une offre d’emploi émanant d’une entreprise prestigieuse pour quatre officiers, recrutés en fonction du mérite et des qualifications, avec une condition stipulant qu’au moins une place soit réservée à un candidat féminin. Il y a là quelque chose qui ne semble pas concorder. Cette stipulation ouvre la porte à la possibilité qu’une femme puisse être embauchée au détriment d’un homme potentiellement plus méritant et plus qualifié. 

De quel amendement s’agit-il et pourquoi dites-vous que c’est comme un « éléphant dans la pièce » ? 
Je décris une grosse bourde. En vertu de la Constitution, notre loi suprême, nous bénéficions tous d’une protection contre la discrimination. Essentiellement, l’article 16 de la Constitution stipule qu’aucune loi ne peut contenir de disposition discriminatoire en soi ou dans ses effets. Ainsi, la discrimination signifie accorder un traitement différent à différentes personnes attribuable entièrement ou principalement à leurs descriptions respectives de race, de caste, de lieu, d’origine, d’opinions politiques, de couleur, de croyance ou de sexe. 

Dans ce même ordre d’idées, cela signifie aussi qu’il y a discrimination lorsque, par exemple, une personne d’un genre ou sexe spécifique est soumise à des restrictions qui ne s’appliquent pas aux personnes d’un autre genre, ou encore que ces dernières se voient octroyer des privilèges ou avantages refusés à cette première personne. Ainsi, toute autre loi ou partie de lois contredisant ces principes est invalide et n’a pas de valeur. 

La Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2023, l’éléphant dont il est question, vise à amender la loi sur les entreprises connue sous le nom de la Companies Act, à l’article 133 (1) (b). Une nouvelle disposition est ajoutée après le paragraphe (b), stipulant que « nonobstant le paragraphe (b), une société cotée en bourse doit avoir un minimum de 25 pour cent de femmes dans son conseil d’administration ». 
Corrigez-moi si je me trompe, mais cela semble constituer une discrimination basée sur le genre. En comparaison, les hommes en tant que groupe ne se voient pas accorder ou garantir un pourcentage, un privilège ou un avantage équivalent. En outre, indépendamment de leur mérite professionnel, certains hommes pourraient même perdre leur emploi pour faire de la place au quota ou alors le nombre de membres au sein de ces conseils d’administration devra être augmenté tout en respectant des multiples de quatre pour créer des places.

La justice est souvent perçue comme l’application égale de règles pour tous, tandis que la justice sociale vise à équilibrer les opportunités pour chacun. Ces deux concepts diffèrent grandement et peuvent être incompatibles entre eux."

N’est-ce pas une bonne chose d’exiger un minimum de 25 % de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises ? 
Je pense définitivement que les femmes doivent avoir les mêmes opportunités que les hommes, et de manière générale, y compris accéder aux conseils d’administration. En revanche, l’amendement dont il est question est une discrimination envers les hommes. Ce système de quota n’a pas sa place dans une démocratie. Ces dernières années, nous avons vu comment des institutions constitutionnelles ou autres ne craignent plus les lois, la justice ou les conséquences de leurs actes. Ils semblent se moquer généralement des lois et du système juridique avec dédain et mépris. 

En réalité, l’état de droit se meurt. L’ultime insulte et injure ont été commises lorsque l’Assemblée nationale a voté cet amendement par des moyens procéduraux qui, à mon avis, sont illégaux et visent à détruire les droits ainsi que les libertés fondamentaux constitutionnels. Cela a ensuite été suivi par l’approbation aveugle du Président, en dépit de son devoir constitutionnel de garantir le respect des droits fondamentaux. 

Vous avez aussi évoqué les termes « société cotée en bourse ». De quoi s’agit-il ? 
La Bourse de Maurice ou la Stock Exchange of Mauritius (SEM) abrite 190 entreprises, c’est-à-dire 140 sociétés nationales et 50 firmes étrangères, internationales et du secteur « Global Business ». Cela signifierait potentiellement qu’il faudrait entre 1 000 et 1 500 directeurs pour gérer ces entités, avec un minimum d’un quart de postes réservé aux femmes. Il est important de noter que ces rôles sont professionnels et élites. Ils ne sont pas accessibles à la majorité des hommes et des femmes.

La bourse est un marché sophistiqué et une infrastructure qui facilite la négociation des actions de ces sociétés. Elle garantit un contrôle efficace de l’émission et de la négociation des titres dans l’intérêt des investisseurs. Elle joue le rôle d’intermédiaire entre les entreprises et les investisseurs, facilitant leur rapprochement. 

De plus, elle permet aux entreprises de mobiliser des capitaux en émettant des actions et en les vendant aux investisseurs. Ces fonds peuvent ensuite être réinvestis dans l’entreprise, tandis que les investisseurs espèrent réaliser des bénéfices sur leur investissement. La capitalisation boursière, c’est-à-dire la valeur totale de toutes les actions d’une entreprise cotée à la SEM, s’élève à environ Rs 400 milliards, avec un capital levé d’environ Rs 250 milliards.

Quelle est la pertinence de tout cela ? 
Il est pertinent de souligner que les conseils d’administration et les directeurs des sociétés cotées en bourse ont une obligation fiduciaire très élevée envers leurs sociétés et leurs investisseurs respectifs. Les postes devraient être occupés par les plus compétents, qu’ils soient hommes ou femmes. 

Cependant, cette exigence de pourcentage minimal et l’intervention gouvernementale visant à obtenir un résultat politique interfèrent de manière dangereuse et discriminatoire dans la gestion des entreprises privées, au nom d’une politique de justice sociale. Cette approche peut également être considérée comme insidieuse dans sa nature.

En quoi est-elle « insidieuse » ?
Traditionnellement, la justice est souvent perçue comme l’application égale de règles pour tous, tandis que la justice sociale vise à équilibrer les opportunités pour chacun. Ces deux concepts diffèrent grandement et peuvent être incompatibles entre eux. Ils ne peuvent pas toujours être poursuivis simultanément. 

La quête de la justice sociale peut engendrer la création de règles spécifiques pour chaque groupe dans diverses circonstances, avec une surveillance gouvernementale et des interventions étendues pour obtenir des résultats politiquement souhaités. Cela peut entraîner une prépondérance de l’idéologie au détriment des conséquences sociales réelles.

Une préoccupation majeure est que cela peut ouvrir la voie à de futures discriminations basées sur la race, la caste, l’origine, les opinions politiques, la couleur ou la croyance, en fonction des besoins politiques du gouvernement en place. Ces discriminations et l’ingérence gouvernementale pourraient même s’étendre au-delà des entreprises cotées et toucher tous les aspects de la vie sociale et commerciale. Cette situation rappelle les quêtes de justice sociale menées par des politiciens, tels que Mao Zedong, Joseph Staline et Adolf Hitler, qui visaient un monde équitable et utopique. Cela soulève la prudence de l’adage : « Be careful what you wish for (...). »

Cette loi est-elle anticonstitutionnelle ?
À mon avis, la promulgation de cet amendement entre en conflit avec les articles 3, 16(1) et 16(3) de la Constitution. Aucune législation ne devrait instituer une discrimination basée sur le sexe d’une personne. Malheureusement, cette loi semble insidieusement ouvrir la porte à une division légale entre hommes et femmes. Si une personne est soumise à des restrictions non appliquées à une autre personne, ou si des privilèges ou avantages sont accordés à une personne et non à une autre, il y a alors une forme de discrimination. Cela risque d’ouvrir la voie à d’autres divisions fondées sur des critères tels que la race, l’origine, les opinions politiques, la couleur et la croyance. 

Comment remédier à cette lacune ? 
Toutes les personnes, hommes et femmes confondus, ont la responsabilité légale de résister à cette loi. Les entreprises cotées en bourse, leurs directeurs et les conseils d’administration ont une lourde obligation fiduciaire envers leurs actionnaires et la Bourse en général. Ils ont également le devoir de contester cette loi, puisque curieusement l’amendement concerne directement ces sociétés.

 

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