Interview

Me Robin Mardemootoo: «Londres nous a caché beaucoup de choses»

L’avoué du président du Groupe Réfugiés Chagos revient sur le verdict de la Cour suprême britannique prononcé mercredi. Il explique qu’elle ouvre la porte au repeuplement de l’archipel, l’Order in Council quant à l’interdiction de séjour pouvant être contesté. Le verdict de la Cour suprême britannique n’était pas vraiment une surprise pour vous, n’est-ce pas ? Oui et non. C’était 50-50. Il faut bien comprendre que notre action portait essentiellement sur des documents concernant la première étude de faisabilité quant à un retour des Chagossiens dans l’archipel. S’ils avaient été communiqués à la Chambre des Lords, au moment où nous contestons une décision de Londres interdisant aux natifs le droit de retour sur leurs îles natales, peut-être que cela aurait pu avoir une influence sur sa décision.
Quand nous avons mis la main sur ces documents, qui prouvent que la première étude a été manipulée, nous avons estimé qu’il était de notre devoir de saisir la Chambre des Lords de nouveau. Nous ne savions pas trop quoi faire car une telle chose ne s’est jamais produite dans le passé. Il fallait demander à cette instance de revoir une décision car elle s’était basée sur un mauvais rapport. Tout de suite après que nous avons déposé le dossier, nous avons senti un certain embarras chez le gouvernement britannique.
[blockquote] « Beaucoup disaient que les Chagossiens n’étaient pas intéressés par un retour. C’est faux. »[/blockquote]
C’est pendant cet intervalle que le gouvernement britannique a fini par annoncer qu’il allait commander une nouvelle étude sur le repeuplement des Chagos. Comme preuve d’indépendance, elle a été confiée à KPMG, l’un des quatre plus gros cabinets conseils au monde. De fin 2015 au début 2016, l’étude est terminée : ses conclusions prennent à contrepied celles du premier rapport. Nous avons décidé de continuer avec notre action, afin que la nouvelle étude soit inscrite au procès-verbal. Dans le verdict, Lord Mance souligne qu’il n’y a désormais plus aucun obstacle pour casser l’Order in Council (le décret), interdisant tout retour des Chagossiens dans l’archipel. Pour moi, ce verdict est extraordinaire. Londres vous a bien mené en bateau… C’est le cas depuis 1964. Londres nous a caché beaucoup de choses. Si elle a commandé la seconde étude, c’est parce qu’elle s’était retrouvée au pied du mur. Quand nous avons dévoilé sa stratégie, elle a bien été contrainte d’enterrer l’ancienne étude. Il y aussi l’épisode du parc marin. Mais tout cela appartient désormais au passé. Tout a été étalé sur la place publique de par nos actions devant la justice britannique. David Cameron a annoncé des mesures dans pas longtemps. Vous y croyez ? Bien sûr. Il n’a pas le choix. La Cour suprême est avec nous. Relisez le jugement. Si jamais il est remplacé par un conservateur moins modéré ? Je pense que le gouvernement britannique devra faire ce qu’il a à faire. Quand un retour aux Chagos est-il envisageable ? Le plus tôt serait le mieux. Beaucoup disaient que les Chagossiens n’étaient pas intéressés par un retour. C’est faux. Ils ont été consultés dans le cadre de la nouvelle étude de faisabilité. Les Britanniques ont voté pour quitter l’Europe, afin d’avoir moins à contribuer auprès de Bruxelles. Pensez-vous qu’ils vont accepter de financer la réinstallation des Chagossiens ? Il n’y pas que les Britanniques qui seront concernés. Il y a aussi les Américains. Le fait que les Britanniques ont voté pour le Brexit ne signifie pas pour autant qu’ils ne financeront pas un tel projet. Il faut un minimum pour réhabiliter l’archipel. Et la réponse anglo-américaine suivant la position du gouvernement ? Typique d’eux. J’aurais parié qu’ils allaient ignorer sir Anerood. Ils nous ont ignorés pendant quarante ans. Leur réponse démontre que la position du Premier ministre les importune. La probabilité qu’un avis défavorable de la Cour pénale internationale soit formulé contre eux les irrite au plus haut point. D’où leur réaction. En tant qu’avoué, est-ce que ce qui a été vendu peut être réclamé ? Des compensations ont été versées… Qu’est-ce qui a été vendu ? Il y a des compensations qui ont été versées aux Chagossiens. Pour les aider dans leur nouvelle vie. C’est tout. Cela n’engage en rien les natifs de l’archipel. On leur a demandé de donner leurs empreintes. Ils l’ont fait. Comme ils l’ont fait pour des soins médicaux et pour obtenir des médicaments. Nous n’allons jamais accepter que les Chagossiens aient renoncé à quoi que ce soit. Quid de la souveraineté de Maurice sur ce territoire ? On ne peut spéculer. Peut-être que les Britanniques vont rééditer le système mis en place à Gibraltar. Aux deux gouvernements de résoudre ce problème. Ce n’est pas correct de faire porter ce fardeau sur les Chagossiens. Avez-vous été satisfait de l’engagement de Maurice sur le dossier Chagos ? Quel dossier ? Le retour des Chagossiens ? La souveraineté ? Dans le premier cas de figure, je vais être franc : je n’ai jamais été impressionné par le soutien des gouvernements successifs. Ce qui les intéresse, c’est la souveraineté. Il y a eu un fléchissement depuis quelques années. Peut-être se sont-ils rendu compte que l’affaire a été étalée sur la scène internationale à cause de la lutte des Chagossiens. Ils ont eu accès à certains documents. Le présent gouvernement a pris position en faveur des Chagossiens de par les déclarations du Premier ministre. Étaient-ils plus intéressés par les ressources marines ? Sans doute. Et leurs relations bilatérales avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, c’est pour obtenir des quotas. Quelles sont les autres actions des Chagossiens toujours en cours ? Il y a la contestation du parc marin. Nous allons continuer à mettre la pression sur le gouvernement britannique. Nous devons maintenant décider, si nous ne devons pas prendre au mot le verdict de la Cour suprême et réclamer l’annulation de l’Order in Council quant aux interdictions de séjour.
Publicité
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !