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Mesures budgétaires : des artistes laissés-pour-compte ?

Les artistes font partie intégrante de la société mauricienne. Si pour la deuxième année consécutive, le ministère des Arts et de la Culture a organisé la ‘National Awards Ceremony’ en avril, bon nombre déplorent le manque de mesures en leur faveur dans le dernier Budget. Ils s’estiment lésés. Ils le clament haut et fort…

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Les artistes sont souvent sollicités, que ce soit dans des pubs, des soirées ou des concerts. On peut croire qu’ils ne sont connus et reconnus qu’à certains moments seulement. Après, c’est le calme plat si ce n’est une disparition de la… scène. Pourquoi, comment ?

Mario Justin : «Aucune infrastructure»

marioMario Justin déplore le manque d’encadrement pour les artistes. « Il n’y a aucune infrastructure dédiée aux artistes mauriciens. Si je devais me produire en concert, ce n’est pas sûr que je puisse le faire, faute de place. Il y a des centres, comme le Swami Vivekananda, mais allez consulter le prix de la location ! Les promesses n’ont pas été tenues. Il faut un stade pour que les artistes puissent évoluer dans un cadre sécurisé avec toute la logistique voulue. Lors de nos tournées en Europe, nous constatons que nous sommes loin derrière. À ce jour, pour un concert à Maurice, il faut un permis de la police et ce n’est pas acquis. Récemment la police m’a refusé un permis pour un petit concert visant à ramener le folklore dans un village. »

Avec la technologie, le décor change. « Auparavant à Grand-Baie, il y avait des pubs  et un artiste pouvait gagner sa vie. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil. Les hôtels ne font plus appel aux musiciens car ils ont des appareils synthétisés … En sus, c’est difficile pour un jeune de sortir un album. Cela coûte cher et ce n’est pas rentable. Ils sont contraints de se concentrer sur des boîtes de nuit et des soirées familiales. »


Jason Lejuste : Dur d’être un artiste !

jasonJason Lejuste, 24 ans, confie : « D’année en année, la situation se complique pour les jeunes artistes. Je prépare actuellement un album et je ne suis pas certain de pouvoir en tirer bénéfice malgré mon investissement personnel et financier. Il n’y a eu aucune mesure pour promouvoir le travail des artistes alors que nous sommes souvent sollicités pour les événements nationaux du pays. »


Sarah Lemaitre : « 60 sous par chanson diffusée, c’est quoi en 2019 ? »

sarahSarah Lemaitre, 24 ans, la fille de Gérard Bacorilall, souligne : « La musique est une passion pour certains et un métier pour d’autres. C’est malheureux qu’il n’y ait pas assez de ressources permettant aux artistes de partager leur savoir-faire. Un album coûte beaucoup d’argent. Il n’y a pas suffisamment de festivals pour que les artistes puissent exploiter leurs talents. Il manque des fonds pour mettre en place ces plateformes artistiques et pour rémunérer les artistes à leur juste valeur. Je suis  déçue que nous ayons été encore une fois oubliés dans le récent Budget. Il n’y a aucune mesure pour nous. Par ailleurs à chaque fois que nos chansons passent à la radio, on n’obtient que 60 sous. Nous sommes en 2019. C’est quoi 60 sous ? Pensez au temps investi dans la chanson, les paroles, la musique, le bon rythme, le paiement des musiciens, d’un producteur, et j’en passe… Un monde sans musique et sans artiste, c’est un monde sans vie ! »


Rien dans le Budget

L’association des auteurs compositeurs monte au créneau

Selon le porte-parole de l’Association des auteurs et compositeurs, Jean-Jacques Arjoon, aucune mesure n’a été prise pour booster l’industrie musicale dans le dernier Budget. Il a indiqué qu’ils se rencontrent cette semaine pour décider de la marche à suivre et se dit ouvert à toute discussion avec les autorités. « Le tarif de diffusion par chanson, fixé il y a plus de huit ans est toujours entre 60 et 68 sous. Il faut que ça change. »


Mini-Interview

Alain Auriant, producteur, artiste et travailleur social : «Rien n’est fait pour arrêter le piratage»

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On parle souvent des difficultés que rencontrent les artistes. Parlez-nous-en.
Il est claire que les artistes  rencontrent beaucoup de difficultés. Je suis artiste et producteur. Les CDs ne se vendent plus et rien n’est fait pour arrêter le piratage. Les artistes sont toujours là mais la qualité n’est plus pareille. La production des chansons se fait avec les moyens de bord dans des petits studios avant d’être postées sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que la musique survit à Maurice par manque de soutien. Prenons l’exemple des pays comme le Nigeria, la Côte-d’Ivoire ou le Gabon. Comment arrivent-ils à toucher les pays européens ? C’est parce qu’ils sont soutenus.

Le piratage est une des causes d’un manque à gagner. Que faites-vous contre ?
C’est un rude combat ! Il y a même eu un artiste qui a été attaqué dans les rues de Port-Louis, il y a quelque temps, en voulant défendre son produit. Il y a plusieurs types de piratage. Parfois, les gens ne comprennent pas pourquoi les artistes demandent une somme qui peut paraître élevée pour une performance sur scène.

Il n’y a eu aucune mesure pour les artistes et producteurs dans le dernier Budget... Votre sentiment ?
Notre musique existait avant l’Indépendance de Maurice, mais elle se perd à petit feu. Le plus triste, c’est qu’on fait appel aux artistes pour des discussions pré-budgétaires afin de connaître nos besoins et nos propositions. Puis, rien ! Des mesures ont été proposées dans plusieurs manifestes électoraux mais il n’y a pas de suivi. Il ne faut pas seulement du capital. Il faut aussi une volonté politique ! 

 

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