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Métier : pourquoi le travail manuel a un boulet au pied

construction Une valorisation au niveau des conditions et des salaires poussera les Mauriciens à se tourner de nouveau vers le travail manuel.

Le nombre de travailleurs manuels est passé de 173 900 en 2005 à 158 000 en 2015. Ce qui représente une baisse de 9 % en dix ans. Qu’est ce qui explique ce désintéressement pour le travail manuel ? Eléments de réponse.

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C’est le bas salaire qui pousse les Mauriciens à délaisser le travail manuel, lance le secrétaire de la General Workers Federation (GWF) Devianand Narain. Il estime qu’au fil des années, cela a grandement contribué à la dévalorisation du travail manuel. « Comment expliquer qu’une employée de la zone franche ne touche qu’un salaire de base de
Rs 5 300 par mois et Rs 200 par jour pour un travailleur agricole », dit-il.

Il cite aussi des techniciens qui, selon lui, sont mal payés malgré leurs qualifications professionnelles. Le syndicaliste s’insurge contre le fait que les entreprises ont de plus en plus recours aux travailleurs étrangers sous prétexte qu’elles n’arrivent pas à recruter de la main-d’œuvre sur le marché local. Il estime que c’est un faux débat. Il soutient qu’une valorisation tant au niveau des conditions de travail que salariales poussera les Mauriciens à se tourner de nouveau vers le travail manuel.

S’inspirer de modèles de réussite

Pour Thierry Goder, directeur d’Alentaris, une valorisation du travail manuel s’impose si Maurice veut atteindre les objectifs fixés par la vision 2030. Il préconise une formation beaucoup plus pointue dans les différents corps de métier. « On compte beaucoup d’ouvriers compétents à Maurice, mais qui préfèrent travailler à leurs propres comptes, car pour eux, c’est plus rentables. Il faut aussi rendre plus attrayants les différents corps de métier afin d’encourager les jeunes à se tourner davantage vers le travail manuel. »

Aline Wong, directrice de l’entreprise de textile l’Inattendu, abonde dans le même sens. Elle estime qu’il faut valoriser le travail manuel non seulement en terme de conditions d’emploi mais aussi en glorifiant les modèles de réussite dans les différents secteurs. « Les jeunes ont besoin de ‘role models’ pour s’en inspirer », dit-elle. À cet effet, elle propose l’octroi d’un trophée sur une base annuelle aux meilleurs employés manuels dans leur catégorie respective.

La directrice de l’Inattendu ne cache pas qu’elle a beaucoup de difficultés à recruter des ouvriers sur le marché local. Elle soutient que le pays doit se lancer davantage dans la formation technique. Elle est aussi en faveur d’une campagne nationale pour sensibiliser la population à l’importance du travail manuel. « Il nous faut un ‘paradigm shift’ », dit-elle, citant en exemple l’Allemagne, qui a toujours favorisé la formation technique et qui est aujourd’hui le pays le plus avancé de l’Europe.

De son côté, le Training Consultant au ministère du Travail, des Relations industrielles et de l’Emploi, Roland Dubois, attire l’attention sur le fait que plusieurs pays dont Singapour, Ethiopie, Jamaïque et Rwanda, entre autres, ont adopté une politique assidue en termes de formation technique. Parlant de Singapour, il attire l’attention sur le fait que seulement 25 % des jeunes vont à l’université alors que les autres sont canalisés vers la formation technique (International Technical Education).

Tout comme Aline Wong, il estime « qu’il faut ventiler le succès des ‘role models’ » dans le domaine technique. Il cite deux directeurs d’entreprise dans le domaine de la construction, qui ont suivi des cours à l’IVTB, ainsi que des employés d’établissements hôteliers, qui ont commencé à un bas niveau et qui ont grimpé les échelons au fil des années. Roland Dubois est aussi en faveur d’une politique plus assidue en termes de formation professionnelle avec le concours des différentes industries locales.

Il estime que cela va aider les différentes entreprises à avoir une main-d’œuvre locale hautement qualifiée. Pour cela, dit-il, il faut mettre en place une chambre de métier. « Aujourd’hui, on compte trop de charlatans qui se déclarent maçons, plombiers, électriciens ou autres. Avec une chambre de métier, il y aura un meilleur contrôle à travers un encadrement légal. Ce qui va aider davantage à valoriser le travail manuel. »

 

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