Interview

Mohit Ramah, de la Traffic Branch : « La police n’a pas les moyens de savoir si quelqu’un a pris de la drogue »

236 000 contraventions en 2017, 56 575 à fin mars de cette année. Malgré cela, il y a des morts sur nos routes. Le chef inspecteur Mohit Ramah de la Traffic Branch de la police le dit sans ambages : sans ces contraventions, il y aurait eu des morts à la pelle sur nos routes.

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Comment expliquer ce nombre grandissant de morts sur nos routes ?
C’est un sujet qui interpelle et la situation est grave. Il y a eu jusqu’au vendredi 20 avril, 60 morts sur nos routes. Le dernier en date est un cycliste à Flacq. De ce chiffre, 52 personnes sont mortes sur le coup. Aussi, une vingtaine de ces accidents sont liés à l’excès de vitesse. La vitesse excessive est un facteur aggravant. 15 personnes sont mortes pour conduite dangereuse et six piétons qui ont traversé la route par imprudence. On compte aussi trois hit &run.

Quelle est votre synthèse de ces accidents ?
Il y a le comportement, l’indiscipline et le non-respect du code de la route.

On constate que les deux-roues sont des victimes notoires…
Il y a les piétons et les deux-roues qui sont les plus vulnérables. Pour les deux-roues, il y a un pattern où nous constatons que les motocyclistes sont impliqués dans des accidents parce qu’ils perdent le contrôle de leur véhicule et atterrissent contre une structure solide.

Est-ce aussi parce que les motocyclistes adorent doubler à gauche ?
Doubler à gauche est un délit. Puis, il y a le chauffeur du véhicule qui est pris par surprise, car il s’attend à ce que le motocycliste le dépasse sur sa droite. Les motocyclistes aiment aussi slalomer et n’évaluent pas les risques qu’ils encourent. Puis, ils roulent à la même vitesse par des temps incléments, ne portent pas le gilet fluorescent la nuit. Il y a des jeunes sans permis et sans expérience qui roulent quand même. Sur les 60 victimes, 27 sont des motocyclistes, presque 50 %. C’est alarmant.

Et les piétons ?
Rien que dans la nuit de mercredi, il y en a eu trois. Il faut que les piétons utilisent les trottoirs, utilisent les passages cloutés, jugent la vitesse du véhicule qui arrive. Au lieu de casser les barrières et traverser.

La police sert des contraventions et malgré cela, il y a des accidents. Certains chauffeurs se moquent-ils des policiers ?
Je vous donne une indication du nombre de contravention pour 2017 : 236 000. Sans les contraventions, on aurait eu une hécatombe. Pour cette année, il y a eu 56 575, parmi 20 643 pour excès de vitesse, 523 pour l’alcool au volant, 1 945 pour avoir été au téléphone, entre autres.

Est-ce qu’il ne faudrait pas revoir la façon d’octroyer le permis ?
La majorité des Mauriciens respectent le code de la route, mais certains comme ils ont ce fameux permis, c’est comme une licence to kill. Actuellement, il y a 36 instructeurs pour la moto-école, dont 15 policiers, parmi 14 ont suivi des cours.

Certains motocyclistes roulent avec un Learner à vie. Étonnant, n’est-ce pas ?
Un Learner est délivré pour apprendre à conduire. Actuellement, on dénombre 354 908 personnes qui ont un Learner de moto et 71 606 qui ont une licence de voiture.

La législation vient de changer pour les motocyclistes. Expliquez-nous…
Ceux qui ont un Learner avant le 1er mars 2018 peuvent l’utiliser jusqu’à mars 2021, après ce ne sera plus valide. Ceux qui vont passer un Learner après le 1er mars de cette année, ce permis sera valide pour six mois et durant ces six mois, il doit passer un test oral, un vehicle safety check test, un eye sight test et un test de manoeuvre sur plateau.

Après cela, s’ils réussissent, il y a le off road manœuvre test, soit ils doivent pouvoir contrôler leur moto, slalomer, éviter des obstacles, entre autres, sans poser le pied à terre. S’ils réussissent, ils doivent passer une épreuve sur route avec un examinateur qui les suit en voiture et leur donne des instructions. S’ils échouent, ils doivent renouveler leur Learner valide pour six mois. 

Malgré toutes ces campagnes de sensibilisation du ministère et de la police et les billboards à travers le pays avec des messages forts comme ‘Pour ce qui est de la ceinture, bouclez-la’, il semble que les chauffeurs ont la tête dure…
La police croit dans les campagnes de sensibilisation. Cela se fait sur plusieurs niveaux. C’est vrai que certains font fi des conseils. Ils ne sont pas security minded. Souvent, on voit une vieille personne aller déposer un enfant à l’école, alors que les deux sont vulnérables.

Le conseiller du ministre Bodha a dit que les Mauriciens sont des chauffards, épousez-vous son avis ?
Il ne faut pas généraliser, mais je reconnais qu’il existe certains chauffards parmi nos conducteurs.

Il y a aussi le phénomène de single vehicle accident, expliquez-nous…
Le ‘single vehicle accident’ survient quand il y a excès de vitesse ou l’alcool au volant, ou que le chauffeur sommeille au volant et va tout droit dans un mur ou un arbre.

Et la drogue ?
Actuellement, la police n’a pas les moyens pour détecter si un chauffeur est sous l’influence de drogues. On peut le soupçonner et, dans ce cas, on le conduit à l’hôpital pour un test sanguin.

Mais, le ministère prépare une ébauche d’une loi qui va permettre à la police d’avoir des équipements qui vont nous aider à faire des tests pour déterminer si un chauffeur contrôlé négatif à l’étylotest s’il est sous l’influence d’un produit illicite. Ce sera chose faite cette année.

Jean-Claude Dedans

 

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